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26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 08:18

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Comment fabrique-t-on des clandestins ?

 

Encore l'immigration ? Oui, mais "clandestins" et sans papiers

 

Il ne sera question ici que d'une réflexion sur la "fabrique" de clandestins, de ce qui produit objectivement un clandestin. Il ne sera question ni de chiffres, ni de statistiques d'immigrés irréguliers (toujours hypothétiques et sujet à caution). Ne seront pas non plus évoqués le parcours des clandestins, leurs illusions, leur échec ou leur réussite, pas plus que les raisons historiques, politiques et économiques qui poussent des personnes à prendre le chemin de l'exil. Partir, c'est mourir un peu, écrivait Roland Dorgelès. Mais partir peut être aussi le moyen de renaître, de revivre, partir pour mieux revenir, bref, partir pour être.


La chronologie des faits est bien connue en France, de 1945 à 2000. Au lendemain de la 2e Guerre mondiale (comme au lendemain de la 1ère), les besoins de bras étrangers pour reconstruire le pays dicte aux autorités l'ouverture des frontières pour recruter massivement la main- d'oeuvre étrangère. Les Trente glorieuses (1945-1974) constituent à cet égard la période faste où immigrés et autochtones ont communié dans la conviction d'être utiles les- uns aux autres, dans la "fraternité" des besoins réciproques.


Seuls étaient refusés les étrangers catalogués dangereux pour l'ordre publique (politique et social). [Même si un tri pas toujours avoué privilégiait les populations européennes voisines : Italiens, Belges, Allemands puis Espagnols, Portugais, Yougoslaves, Roumains, Polonais. Une catégorie de travailleurs devait être limitée, sauf cas de nécessité majeure : Maghrébins et Subsahariens]. De fait, les refus systématiques furent rares, tous les bras étant alors utiles.


Incontestablement ce fut le temps des entrées massives. Le général de Gaulle officialisa cette orientation dans le fameux mémorandum "Impératif migratoire" lancé dès 1945, lequel comportait trois volets :


bouton 007- Immigration massive dans un cadre régulier et contrôlé.

bouton 007- Monopole de l'Etat dans le recrutement.

bouton 007- Insertion facilitée des étrangers dans la société française.

 

L'Office national de l'immigration (ONI), organisme officiel, créé à cette fin, devait constituer l'instrument de la mise en oeuvre de la politique migratoire de l'Etat.

 

Des clandestins légaux ?

 

Mais apparut rapidement le décalage entre la politique officielle du gouvernement et les besoins sans cesse croissants des acteurs économiques, ces derniers exigeant toujours plus que les normes fixées par le gouvernement et son incapacité à satisfaire la demande. Le patronat passait outre les directives de l'ONI en argumentant ainsi :


"Notre pays a besoin de main-d'oeuvre à bas prix, laissons entrer le plus grand nombre possible de personnes, il sera toujours temps après de fermer les portes et de renvoyer les surnuméraires...".


En 1956-1957, l'immigration clandestine s'intensifia pour deux raisons principales :


bouton 007- Les besoins toujours plus grands de travailleurs étrangers liés à la modernisation industrielle, en temps de surchauffe économique.

bouton 007- Les incidences de la guerre d'Algérie.


L'ONI ne suivant plus le rythme, les immigrés prirent l'habitude de se rendre sur place pour se faire embaucher, le gouvernement fermant les yeux. Cela ne contrariait en rien la politique migratoire officielle qui préconisait "le recours à l'immigration comme moyen de stimuler la croissance". Cette politique fut confirmée par le rapport général de la Commission de la main-d'oeuvre du IIIe Plan (1958-1951), stipulant : 


"Le recours à l'immigration doit être considéré non pas comme un palliatif qui permettrait de résoudre quelques crises passagères, mais comme un apport continu indispensable à l'accomplissement des besoins du IIIe Plan". (Revue française du travail, avril-juin 1958).

 

Le Premier ministre Georges Pompidou, encourageait sans réserve cette position ainsi que l'initiative des étrangers d'entrer dans le pays pour se faire embaucher, passant par-dessus textes et règlements. Il déclarait ainsi en 1963 devant l'Assemblée nationale :


"L'immigration est un moyen de créer une certaine détente sur le marché du travail et de résister à la pression sociale".


Le ministre des Affaires sociales, Jean-Marcel Jeanneney, confirmait en 1966 :


"L'immigration clandestine, elle-même, n'est pas inutile car, si l'on s'en tenait à l'application stricte des règlements et accords internationaux, nous manquerions de main-d'oeuvre".

 

L'immigration clandestine légalisée ?

 

Cette double tendance, celle de l'immigration légale massive et celle de l'immigration clandestine non moins massive, fut désormais la règle, se créant ainsi dans le pays une culture de la clandestinité en matière d'immigration.

 

1974 : le couperet !

 

Chocs pétroliers et crise économique aidant, une circulaire du 5 juillet 1974 annonça la suspension de l'immigration et la fermeture des frontières. Soit !


Mais cette mesure ne fut accompagnée d'aucune pédagogie de l'immigration en direction des pays pourvoyeurs, ni même à l'intérieur de l'Hexagone. Sauf la chasse aux illégaux et une politique de fermeté et de reconduite à la frontière.


D'où les difficultés du moment à juguler les flux migratoires et les énormes dépenses consenties pour y faire face. Pour quel résultat ! Le décalage existe toujours entre les objectifs politiques déclarés et la réalité des besoins en main-d'oeuvre. Si bien qu'en 2012 il y a plus d'immigrés clandestins détenteurs d'emploi que dans les années 80 ou 90.

 

Paradoxe ?

 

La première des explications c'est que les migrations sont inévitables et utiles et que les immigrés, même clandestins, sont des indésirables utiles, voire indispensables. L'actualité en administre la preuve au quotidien. Le livre du sociologue Nicolas Jounin fourmille d'exemples illustrant ce conflit d'intérêt entre la doctrine officielle de "l'immigration zéro" et les besoins d'entreprises en travailleurs clandestins.


Ce sociologue, maître de conférence à l'université Paris VIII, s'est immergé, de 2001 à 2004, dans le secteur du bâtiment comme travailleur manuel, et a pu ainsi observer de l'intérieur les pratiques sur plusieurs chantiers. Il répond ainsi aux questions d'un journaliste :


"bouton 007- Pourquoi les entreprises du bâtiment ont-elles recours à la main-d'oeuvre en situation irrégulière ?

bouton 007- Parce qu'elles ne peuvent pas s'en passer. Les étrangers - en situation irrégulière (certains ont des titres de séjour d'un an qui les rendent à peu près aussi vulnérables) - occupent des postes dévalorisés comme manoeuvres ou ferrailleurs. Les manoeuvres sont plutôt originaires d'Afrique noire, les ferrailleurs du Maghreb. Ce sont des métiers très durs. Les étrangers acceptent des conditions de travail que d'autres refuseraient. Si ces métiers sont pénibles, ils sont plus rémunérateurs que le nettoyage ou la sécurité, autres secteurs dans lesquels on trouve des sans-papiers [...]. Le recours aux sans-papiers a permis aux entreprises de faire l'économie d'une réflexion sur le moyen de retenir et fidéliser leurs salariés. Elles savent qu'elles finiront toujours par trouver des bras".


Aujourd'hui, une catégorie de main-d'oeuvre étangère, les "nounous"  et autres travailleurs sociaux, le "service à personnes" en général,  occupent des emplois dont l'utilité n'échappe à personne. Cette catégorie de travailleurs, illégaux pour la plupart, croît d'année en année.


Comment ces personnes en situation irrégulière peuvent-elles occuper ces emplois ?

 

"En théorie, l'employeur est censé demander le titre de séjour de son employé. Mais, dans les faits, il lui est "techniquement possible" de salarier une personne en situation irrégulière, confirmait M. Francis Etienne, directeur de l'immigration au Ministère de l'immigration et de l'identitié nationale (juillet 2010)."

 

Le conflit existe donc toujours entre règlementation et réalité des besoins, regard de l'Etat et intérêt des entrepreneurs, notamment dans certaines catégories de métiers.


Et si la fermeture des frontières et le durcissement des lois produisait les clandestins ?


Il existait un système de noria bien établi, entré dans les traditions depuis la fin des années 40. Par exemple l'ethnie soninké (Mauritanie, Sénégal, Mali) qui voyait les générations se succéder sur la route entre leur pays et la France.


« Il s'agissait alors d'une migration temporaire et pendulaire, par rotation. Les aînés qui partaient pour quelques années rentraient au pays pour être remplacés par les plus jeunes. Le jeune frère était ainsi assuré de prendre la relève de l'aîné qui après trois ou quatre ans passés en France, rentrait définitivement, se mariait (s'il était célibataire) et occupait sa place dans la société, auréolé de son passé de migrant. Si cette relève ne pouvait être assurée parce que la famille ne comptait qu'un garçon, ce dernier était astreint à plusieurs séjours successifs jusqu'à un âge avancé.

 

Ce système de rotation qui assurait la mobilité des travailleurs africains entre le pays d'accueil et le pays d'origine se fige aujourd'hui, les frontières étant désormais fermées à ce genre de mouvement. Ceux qui réussissent néanmoins à franchir la barrière par des voies détournées pour se retrouver en France entendent y rester de peur de ne plus pouvoir y revenir s'ils rentraient chez eux au bout de deux ou trois ans. Et les plus jeunes, les cadets qui, traditionnellement étaient appelés à assurer naturellement la relève, se heurtant aux mêmes barrières érigées à l'entrée de l'Europe, tentent le tout pour le tout pour les franchir au moyen de la clandestinité ou de trafics plus ou moins avouables, notamment de faux papiers. Car que faire lorsque la porte est fermée et qu'on veut entrer ? Entrer par la fenêtre ! On est alors clandestin. » (Tidiane Diakité, L’immigration n’est pas une histoire sans paroles, Les Oiseaux de Papier)

 

gif anime puces 029La fermeture des frontières, en brisant cette noria traditionnelle, véritable instrument de régulation naturelle de l'immigration, a transformé des migrants réguliers en clandestins sans papiers, fantômes invisibles mais utiles.

 

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(A suivre)

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 14:33

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Les migrations aujourd'hui et demain, enjeux et perspectives

 

"Un enjeu majeur du 21e siècle...

En ce début de 21e siècle, le phénomène s'est accéléré... La croissance des migrations est plus rapide que celle de la population mondiale, mais tout en constituant à peine 5% de celle-ci...

Deux constats s'imposent : migrations, développement et relations internationales sont étroitement liés dans cet espace mondialisé. L'Etat-Nation aux frontières fermées et à la population homogène est le grand perdant de ce processus." (Catherine Wihtol de Wenden, Atlas des migrations dans le monde, Ed. Autrement).

L'ampleur des flux migratoires (densité et diversification) inquiète des Etats qui tentent de mettre en place des politiques qui sont loin de constituer la voie la mieux indiquée , de nature à faire du phénomène migratoire non un objet d'épouvante, mais une chance pour ceux qui partent et pour ceux qui accueillent.

Les barricades érigées, parfois dans la précipitation, les refoulements, les centres de rétention... ne peuvent endiguer ces flux ; autant couper les pieds à tous les candidats au départ, parce qu'il existe aussi une poussée migratoire qui est une poussée de la liberté, en même temps qu'aspiration au bien- être. L'Occident qui a de tout temps prêché l'ouverture des frontières, la liberté des personnes, peut-il aujourd'hui s'opposer à la liberté d'aller et venir, à la mobilité des personnes ?

De plus, la mondialisation s'amplifiant, les flux des produits de toutes sortes, marchandises, idées, techniques, modes, circulent à une vitesse jamais égalée grâce au coût de plus en plus bas des moyens de déplacement et de communication, eux ausi de plus en plus nombreux et diversifiés. Comment dans ces conditions freiner la mobilité des personnes ?

Comme d'autre part le fossé ne cesse de se creuser entre pays riches et pays pauvres, les sources de la mobilité des hommes et des femmes ne tariront pas d'elles-mêmes. Il faut pour cela de la volonté, de la cohérence et de la cohésion des politiques des  nations, bref, "de l'audace,  et encore de l'audace".

Peut-on ouvrir les frontières aux marchandises, aux technologies, aux idées et aux modes en les fermant aux personnes ? Quelle est donc la bonne politique pour faire face au phénomène migratoire d'aujourd'hui et de demain ?

Il ne s'agit en aucune manière de contester aux Etats le droit de chercher à réguler les fux migratoires de manière à trouver la bonne adéquation entre l'accueil des migrants et les moyens à leur consacrer afin que leur présence ne constitue pas un facteur de déstabilisation. Cependant, la politique de fermeté ne doit aucunement prendre le pas sur la bienveillance et la "bientraitance", y compris à l'égard de ceux qui seraient en situation administrativement irrégulière. Ce qu'il faudrait  à l'échelle nationale et mondiale, c'est :

bouton 007- D'abord chercher les propos qui apaisent le débat sur l'immigration.

bouton 007- Consolider le développement de pays économiquement faibles émetteurs des flux les plus denses.

bouton 007- Promouvoir la liberté et la démocratie à l'intérieur des Etats.

bouton 007- Organiser la communication entre les cultures, ce qui constiltue un facteur de connaissance et de compréhension de l'autre.

 

Mieux se connaître

 

car la méconnaissance est une source inépuisable de peur et de rejet de l'autre. Se connaître pour mieux vivre ensemble et construire la "Cité démoncratique" de la connaissance réciproque et du partage.

A l'échelle des nations, il importe de chercher les moyens d'intégrer au mieux les populations allogènes.


S'agissant de la France, il est souvent fait état d'absence de politique d'intégration ou de l'échec du modèle français d'intégration. Certes, les pouvoirs publics ont tardé à faire de l'intégration une question prioritaire. Le thème de l'immigration lui-même ne s'est imposé dans les discours qu'à la fin des années 1970. Mais surtout, l'opinion s'est emparée de ce thème (notamment à partir de faits divers sensationnels) prenant le pas sur les pouvoirs publics et les acteurs économiques qui, depuis les années trente, avaient la maîtrise ou la responsabilité des questions migratoires. Dès lors, l'émotion, les représentations décalées par rapport à la réalité dominent le débat ; ce qui complique d'autant la recherche réfléchie au meilleur moyen d'accueillir et d'intégrer, le regard porté sur le migrant devenant un regard négatif exclusif.

Il n'empêche, l'intégration suit son chemin dans ce pays, lentement, non sans à-coups certes, mais sûrement. L'intégration, c'est quand "à l'intérieur d'un groupe ou d'un individu, des traits identitaires s'ajoutant ou se substituant aux caractères originels, les idées et les comportements des personnes concernées évoluent de sorte que l'appartenance à la société environnante ne constitue plus un problème. Les formes d'intégration apparaissent très diverses : l'évolution peut être acceptée ou forcée, inconsciente ou délibérément recherchée, effaçant en apparence toute identité d'origine ou laissant subsister quelques éléments de celle-ci. [...] Il s'agit donc d'un phénomène complexe gouverné par des facteurs variés". (Ralph Schor, Historiens et géographes, janvier 2004)

 La marche vers l'intégration est en effet tributaire d'un certain nombre de facteurs. Les temps de crise économique ne sont favorables ni à l'accueil des étrangers, ni à leur intégration. Au contraire, les périodes de prospérité sont des facteurs d'accélération de l'intégration. Ce fut toujours le cas en France (sans doute ailleurs aussi) où l'histoire fourmille d'exemples d'accélération ou de frein de l'accueil et de l'intégration. Ainsi en 1895, lors d'une période de fortes tensions sur le marché de l'emploi, le consul italien à Lyon décrit comme suit la situation de ses compatriotes : "Bien que notre main-d'oeuvre soit très appréciée et demandée, les hommes sont souvent persécutés ou mal vus. On dit souvent que l'Italien est sanguinaire, arrogant, menteur. [...] Dans la dernière décennie, cette circonscription connut deux violents affrontements dont l'origine se trouve dans la peur de la concurrence."

Parlant de ces mêmes Italiens, un policier nantais affirmait en 1929 : "Ils n'ont à aucun degré le don d'assimilation." Et le juriste René Rey de préciser : "Lisant des journaux écrits dans leur langue nationale, conservant leur religion et la pratiquant, formant des sociétés semblables à celles existant dans leur pays [...] ces étrangers constituent dans le pays une force. " Les exemples sont nombreux.

De même lors de la grande crise mondiale des années trente, un député conservateur déclare en 1931 : "Nous ne souffrons pas d'une crise de chômage, mais d'une crise d'invasion étrangère."

Les facteurs sociaux jouent également un rôle important. Le premier facteur propice, c'est la rencontre , quel qu'en soit le cadre( le mélange avec les autochtones) : chantiers, usines, école, associations sportives ou syndicats, tout comme les mariages mixtes.

Les facteurs culturels sont aussi des plus favorables à l'intégration. La connaissance préalable du pays d'accueil, celle de sa langue, de son histoire, de ses institutions... joue un rôle d'accélérateur.

Enfin, le degé d'intégration, quelle que soit la durée du séjour dans le pays, varie selon les individus et leur personnalité, de même que les expériences vécues, le lieu de résidence (en communauté d'origine fermée, dans un même espace, un quartier, ou en contact régulier avec les autochtones)...

"Certains immigrés restent proches de leur identité nationale. D'autres semblent intégrés, voire assimilés, même si le rejet délibéré de la personnalité nationale d'origine reste très rare. Il est cependant délicat de définir le type de Français dont les immigrés intégrés sont proches, tant la société du pays d'accueil se révèle fractionnée par des particularités régionales, des différences culturelles, des clivages idéologiques. [...] Une définition précise de l'intégration apparaît d'autant plus délicate que ce phénomène n'est pas incompatible avec des retours périodiques au pays, le maintien de singularités culturelles en matière de langue, de traditions, d'usages culinaires..."


C'est précisément de la rencontre de ces cultures qu'il faut savoir tirer la richesse de l'immigration et de l'intégration pour en faire à la fois le prix de la prospérité et celui de la paix entre peuples et nations.

migrat Afri Affichage Web moyen Pour approfondir voir :

- Tidiane Diakité, France que fais-tu de ta République ? L'Harmattan.

- Tidiane Diakité, L'Immigration n'est pas une Histoire sans paroles, Ed. Les Oiseaux de Papier. (Coauteur : N. Mounier).


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17 mai 2012 4 17 /05 /mai /2012 08:20

Le regard de l'autrechien 263

 

Humeur et humour

 

Candidats russes, turcs et marocains à l'immigration, réfléchissez avant de choisir la Flandre comme terre d'accueil. Lisez attentivement, avant de boucler vos valises, la brochure que vous distribuera le ministre Geert Bourgeois (N-VA), vice-ministre président du gouvernement flamand, en charge de la Citoyenneté.

Ce vade-mecum du futur flamand modèle décline les étranges us et coutumes des citoyens de ce plat pays que vous rêv(i)ez de côtoyer. Le saviez-vous ? En Flandre, il est interdit de maltraiter quelqu'un, physiquement ou psychologiquement, même s'il s'agit de votre épouse ou de vos enfants.

Plus singulier, encore : les Flamands ne vivent pas en rue. Ils vivent dans leur maison. Et puis, ils sont ponctuels, les Flamands : un rendez-vous à neuf heures, ce n'est pas neuf heures cinq. Et là-bas, les gens ne s'invitent pas les uns les autres. Pas n'importe comment en tout cas. Au préalable, ils se fixent rendez-vous.

Ces gens étranges apprécient le repos. Après 22 heures, on fait silence en Flandre. Et les rues y sont propres. Si vous vous y établissez, il faudra sortir vos poubelles aux heures et jours réglementaires. On allait oublier l'essentiel : la vie y est si chère que les conjoints sont tous deux contraints de travailler s'ils veulent joindre les deux bouts. Conclusion : il faut que vous recherchiez un emploi. Et, bien sûr, que vous vous frottiez aux subtilités de leur langue. Dernière surprise : celui qui travaille en Flandre paie des impôts. C'est même obligatoire.

Vous avez toujours l'intention de mettre le cap sur ce pays des merveilles ? Sachez encore que son climat y est si pluvieux, en toute saison, qu'il faut emmener avec soi le parapluie et la petite laine.

La brochure ne dit pas si, pendant les rares jours de soleil, les Flamands s'accordent le droit de traîner en rue après 22 heures, au risque de rater leur rendez-vous du lendemain et d'oublier de sortir leurs poubelles.

Dirk Vanoverbeke, Le Soir de Bruxelles, 11 mai 2012.

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 14:31

005.gifComment Papillons-61comprendre et supporter les assauts du temps?

 

Pour l'individu comme pour la collectivité, rien n'est stable. Les destins des hommes comme ceux des villes sont balayés. C'est le grand calme ; tout à coup surgit la terreur et, sans aucun trouble avant-coureur, la catastrophe éclate là où on l'attend le moins. Ces royaumes qui avaient résisté aux guerres civiles, aux guerres extérieures s'effondrent sans que personne les ait poussés. Combien de cités ont supporté jusqu'au bout leur prospérité ? Il faut donc penser à tout et affermir son (âme contre tout ce qui peut arriver.

 

Exils, souffrances de la maladie, guerres, naufrages : tu dois te préparer à tout cela. Un coup du sort peut t'arracher à ta patrie, t'arracher ta patrie. Il peut te bannir dans le désert. Ces lieux étouffants où se presse la foule peuvent eux-mêmes devenir un désert. Ayons devant les yeux la condition humaine sous toutes ces facettes et n'imaginons pas les accidents en fonction de leur fréquence avérée, mais de leur intensité possible. Ainsi éviterons-nous d'être écrasés, submergés, en prenant pour exceptionnels des événements qui sont juste un peu inhabituels. Il faut envisager la Fortune sous tous ses aspects.

 

Que de fois des cités, en Asie, en Grèce, sont tombées au premier tremblement de terre ! Combien de villes en Syrie, en Macédoine ont été englouties ! Que de fois un tel désastre a dévasté Chypre ! Que de fois Paphos s'est écroulée sur elle-même ! Bien souvent, on nous a annoncé que des villes avaient été entièrement anéanties et nous, à qui parviennent bien souvent de telles nouvelles, qu'est-ce que nous sommes dans l'univers ? Tenons donc tête au hasard et sachons qu'en tout accident il y a toujours plus de bruit que de mal.

 

Une ville opulente a brûlé, joyau des provinces auxquelles elle se rattachait tout en restant incomparable. Et pourtant elle était située sur une seule colline et de faible altitude. Toutes ces cités dont tu entends aujourd'hui vanter la splendeur prestigieuse, le temps ira raser jusqu'à leurs traces. Tu ne vois pas, en Grèce, comme les fondations des villes les plus fameuses sont consumées sans que rien ne dépasse pour dire au moins qu'elles ont été ?

 

L'ouvrage de nos mains n'est pas le seul à s'effriter, pas plus que l'œuvre élevée par l'homme à force de soin et d'adresse n'est la seule à subir les assauts du temps. Les sommets des montagnes s'affaissent. Des régions entières s'enfoncent. Certains lieux aujourd'hui recouverts par les flots ne voyaient même pas la mer. Le feu des volcans, qui illuminait les collines, les a rongées et a réduit à peu de chose des promontoires jadis vertigineux, postes de vigie qui rassuraient les navigateurs. Si même les œuvres de la nature sont malmenées, nous devons supporter d'une âme égale la destruction des villes. Aujourd'hui debout, demain par terre : ainsi finissent toutes choses. Soit une force interne et la violence de l'air comprimé font exploser la lourde masse rocheuse, soit des torrents souterrains se déchaînent en emportant tout sur leur passage, soit la violence des flammes crève la croûte terrestre, soit c'est avec le temps (dont rien n'est à l'abri) que tout est emporté, grignoté, soit la rigueur du climat chasse les populations et les maisons pourrissent à l'abandon. Il serait trop long d'énumérer les différents chemins qu'emprunte le destin. Tout ce que je sais, c'est que toute œuvre des mortels est condamnée à mort. Nous vivons au milieu de choses périssables.

 

Formons donc notre âme à comprendre, à supporter son sort. Apprenons-lui que la Fortune a toutes les audaces, qu'elle a sur les empires les mêmes droits que sur les empereurs, et le même pouvoir sur les hommes que sur les villes. Rien de tout cela ne doit nous indigner. Dans le monde où nous sommes entrés, telles sont les lois qui gouvernent notre vie. Content ? Accepte-les ! Pas content ? Sors par où tu voudras ! Proteste si tu es le seul à être visé par une disposition injuste. Mais si la nécessité enchaîne grands et petits, alors fais la paix avec le destin qui dénoue toutes choses.

 Sénèque, Apprendre à vivre, Lettres à Lucilius, Arléa.

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 14:11

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Un conflit aux facettes multiples

 

De la rébellion touarègue à la désintégration nationale

 

Peuple berbère, les Touaregs sont les premiers occupants du Sahara central : Algérie, Libye ainsi que les bordures du Sahel : Niger, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Tchad...

Traditionnellement nomades et guerriers, les Touaregs ont comme activité principale l'élevage de chameaux et de chèvres. L'agriculture, en complément de leur alimentation, est pratiquée par des serfs noirs à leur service. A leur service également des esclaves noirs domestiques.

La hiérarchie sociale très stricte comporte cinq principaux groupes allant des nobles aux esclaves. L'activité guerrière est valorisée par la société et constitue une source de richesse et de prestige par les razzias de bétail ou les expéditions militaires contre des caravanes dans le désert ou contre les agriculteurs sédentaires. Les heurts entre Touaregs et Noirs sédentaires ont fait partie du quotidien jusqu'à la colonisation.

Après les conflits l'opposant aux Arabes, la colonisation a constitué un premier accroc avec ce peuple fier pour qui le nomadisme est assimilé à la liberté.

Les Touaregs ont résisté farouchement et longtemps à la colonisation française qui ne s'imposa qu'au prix d'actions particulièrement sanglantes de part et d'autre.

Pourtant, les premiers voyageurs européens, Barth (1850-1855) et surtout Duveyrier (1859-1863), trouvent fort sympathiques ces "chevaliers du désert". Mais les Touaregs leur refusent le droit de traverser le Sahara. Le reste n'est qu'une suite d'affrontements sanglants jusqu'à la fin du 19e siècle.

Tombouctou est occupée par la France en 1894 et Gao en 1899. La "pacification" ne met pas fin aux attaques des Touaregs contre les postes français pendant les deux premières décennies du 20e siècle. Elle se fait néanmoins grâce aux concessions faites aux Touaregs dont notamment la liberté de se déplacer et la dispense de certaines obligations auxquelles étaient soumis les autres colonisés.

L'indépendance de l'AOF à partir de 1960 met en lumière la spécificité touarègue dans l'ensemble colonial français d'Afrique. Les Touaregs ne veulent pas faire partie d'un État africain où ils seraient minoritaires démographiquement et culturellement.

Le 30 octobre 1957, sentant venir l'indépendance (après la Loi-Cadre de 1956), les Touaregs et les Maures de l'AZAWAD (étymologiquement "la terre de transhumance" ou "le pâturage") demandent aux autorités françaises de ne pas être inclus dans ces nouveaux États. Une pétition signée par 300 chefs locaux est transmise à Paris, mais ne reçoit pas de réponse.  Après le retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, dès le 30 mai, les Touaregs réitèrent leur demande en invoquant une incompatibilité avec les sociétés subsahariennes.

Le souhait émis dans cette requête est  d'être intégrés au Sahara français du Sud-Algérien. Cette requête, pas plus que la pétition de 1957, n'est prise en considération. Elle est ignorée par de Gaulle.

 

bouton 007Le nouvel État malien et les Touaregs : révoltes et répression, révoltes et accords

 

Les Touaregs, en général, ne se sont jamais sentis à l'aise au sein de l'État malien (même s'ils ont donné ministres, députés, cadres au pays).

Dès l'indépendance proclamée, le territoire de l'AZAWAD devient le théâtre de nombreux heurts entre l'armée malienne et les Touaregs. Ceux-ci réclament l'autodétermination de leur territoire.

En 1963, éclate la première rébellion contre l'État malien, très durement réprimée par l'armée nationale. Les rébellions qui se succèdent, en particulier dans les années 1990 et 2000, sont motivées par la même volonté d'autonomie mais s'y greffent les conséquences d'un bouleversement dans le mode de vie de la population touarègue dû aux graves sécheresses dans le Sahel au début des années 1970. Les troupeaux de chameaux et de chèvres sont décimés à 80% voire davantage. Le choc est rude, car "quand les animaux meurent, les Touaregs meurent".

Ils doivent alors subir une sédentarisation forcée (cependant souhaitée par le gouvernement depuis l'indépendance). Beaucoup abandonnent le nomadisme pour se fixer, principalement dans les grandes villes en bordure du Sahara, en Algérie comme au Mali ou au Niger. L'usage du camion se substituant à celui du chameau, la mutation est brutale et l'adaptation difficle.


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Devenus sédentaires en partie, les Touaregs mesurent le retard de l'AZAWAD, leur territoire d'origine, par rapport au reste du pays en matière de développement et s'estiment marginalisés, oubliés dans les différents plans de développement élaborés depuis l'indépendance. Le mouvement irrédentiste s'organise et se structure. Le mouvement national de libération de l'AZAWAD (MNLA) voit le jour en 1988. Au motif d'incompatibilité sociale et culturelle, s'ajoute un ressentiment de laissés-pour-compte.

Par ailleurs, le Guide libyen M Kadhafi ne cesse de jouer un rôle de pompier-pyromane dans les difficiles rapports entre les Touaregs et l'État malien. Sa chute voit le retour de nombreux Touaregs maliens installés en Libye, dont beaucoup de cadre dans l'armée. Ceux-ci, surarmés grâce aux armes provenant des arsenaux libyens, constituent le fer de lance de la rébellion.


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Les armes libyennes assurent la victoire du MNLA


L'incapacité de l'État malien à imposer son autorité sur ces immenses espaces désertiques favorise non seulement le renforcement de la dissidence touarègue mais aussi le grand banditisme et les activités terroristes. Plusieurs mouvements islamistes radicaux investissent le Nord devenu une véritable plateforme de trafics en tous genres, notamment d'armes et de drogues. Les prises d'otages et les fabuleuses rançons qui en résultent constituent leur trésor de guerre et leurs moyens d'action. C'est dans ce contexte qu'un coup d'État militaire, perpétré le 22 mars 2012, renverse le président A. T. Touré démocratiquement élu, à seulement un mois de la fin de son second mandat, entraînant la déroute de l'armée, la désorganisation de l'État et le blocage des institutions.

Le mouvement national de libération de l'AZAWAD proclame unilatéralement l'indépendance de ce territoire le 6 avril 2012, indépendance rejetée par l'Union africaine, la CEDEAO ainsi que la Communauté internationale.

Les islamistes, ceux d'AQMI et d'Ansar ed Din, déploient leur drapeau dans le nord du pays et menacent d'imposer à l'ensemble du territoire national la charia par la force des armes. Les trois régions du Nord occupées : Kidal, Gao, Tombouctou, sont aujourd'hui les premières confrontées à l'épreuve de la loi coranique.

 

Ansar-Affichage-Web-moyen.jpg

des islamistes d'Ansar ed Dine armés et sûrs d'eux

 

bouton 007Comment le Mali en est-il arrivé là ?

 

Tous les gouvernements successifs du pays depuis l'indépendance ont chacun leur part de responsabilité dans le pourrissement de la question touarègue, même si le président déchu en mars dernier s'est montré particulièrement "mou" dans la résolution de cette question et surtout dans l'incrustation et les activités des islamistes dans le nord du pays.

 

bouton 007La république de l'AZAWAD est-elle viable ?

 

bouton 007Le Nord-Mali est-il perdu ?

 

bouton 007Quel risque pour l'avenir du Mali ?

 

bouton 007Solution militaire ou solution politique ?

 

Ces questions sont liées. Il faut sauver le Nord pour sauver le Mali. Que peut l'armée malienne ? Peu de chose... Il faut d'abord recréer une armée équipée, homogène, animée par la volonté d'aller conquérir le Nord. Comment créer une telle armée dans un pays sans État, décapité ? Un pays où s'affrontent gouvernement civil et gouvernement militaire, militaires putschistes et militaires loyalistes, un pays pour lequel le terme approprié est aujourd'hui con-fu-sion.

Une réaction de l'armée malienne étant pour l'heure hors de question, seule une solution militaire extérieure pourrait combler le vide de la force armée nationale. Quels États, quelles organisations internationales pourraient endosser la charge d'une telle mission et comment ? Encore faudrait-il que l'impulsion vienne de l'État malien (quel État ?).

De tous les États sahéliens concernés par la situation au Nord-Mali, seule l'Algérie dispose du potentiel en hommes, en armes, en expérience du terrain. Seule, son intervention pourrait avoir une action décisive. Mais en a-t-elle la volonté ?

 

bouton 007Solution militaire ou négociation ?

 

Quel interlocuteur pour les rebelles touaregs et les islamistes radicaux ? Ces derniers ont-ils jamais accepté compromis et concessions ?

 

bouton 007Comment le Mali a-t-il pu tomber si bas et comment le relever ?

 

C'est par cette question qu'il faudrait commencer. Mais celle qui prime sur toutes les autres est : "Comment en est-on arrivé là ?" Comment un pays indépendant depuis plus de 50 ans, immense par la géographie et l'histoire, considéré comme un modèle de démocratie en Afrique depuis plus de 20 ans a-t-il pu s'écrouler comme un château de cartes en quelques semaines ? En 5 semaines à peine, ce grand pays a tout perdu : son président, son gouvernement, ses institutions, son unité...

 

bouton 007Comment et pourquoi ?

 

Ce questionnement incombe tout d'abord aux seuls Maliens, sans lesquels il n'y aura ni unité, ni État, ni progrès.


015-C

 


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1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 13:20

 

014-C

Le Mali, entre hier et demain : impasse et incertitudes


pouvoir-islamiste-du-N434x276.jpgLe pouvoir islamiste : le drapeau noir hissé

 

 

bouton 007Où en est-on ?

 

Le Mali est en passe de devenir, en l'espace de cinq semaines, du 22 mars au 30 avril 2012, un laboratoire politique des plus singuliers de l'histoire des nations. Il semble qu'on assiste, au jour le jour, à l'écroulement irrémédiable, pièce par pièce, d'un immense édifice qu'on croyait bâti pour défier le temps.

Si l'on considère que ce pays est aujourd'hui coupé en deux, aucune des deux parties n'offre une lisibilité qui permette d'en fixer les contours et d'expliquer les enjeux à partir desquels serait possible une esquisse de sortie de crise. C'est tout le contraire : la marche assurée vers le chaos.

 

bouton 007Partout, brouillard et incertitudes.

 

fleche 044Au Nord : les Touaregs qui, le mois dernier, ont conquis les 3 principales régions : Kidal, Gao, Tombouctou, dont ils ont proclamé l'indépendance sous le nom de "République de l'AZAWAD", ont vu leur bannière supplantée dans le même espace par trois groupes islamistes : AQMI historique, ANSAR ed Dine, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique. A côté de ces groupes unis par l'idéologie islamiste, est apparu en avril un autre groupe d'Arabes armés, originaires de la région de Tombouctou, se disant non-sécessionnistes et non motivés par l'application de la charia, mais uniquement par la défense des populations (MLN = Mouvement de libération national). Ils se sont emparés d'une partie de la ville de Tombouctou le 27 avril 2012, y déployant leur drapeau, avant d'en être chassés par AQMI qui semble, avec ANSAR ed Dine, prendre le dessus sur les autres protagonistes dans la région. (Sur Tombouctou flottent 3 drapeaux : touaregs, AQMI, ANSAR).

Un symbole marquant de cette présence : le bâtiment abritant jusque-là la Banque malienne de solidarité (BMS) a changé de vocation en devenant le siège du tribunal islamique chargé de l'application de la charia.

 

bouton 006Qu'en sera-t-il demain ? Collusion entre ces différents groupes ou guerre d'extermination ?

 

bouton 007Quel rapport avec l'Etat malien ?

 

bouton 007Et Quel Etat ?

 

fleche 044Au Sud : Si le groupe des 15 Etats de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a pu, dès les premières heures du coup d'Etat du 22 mars, imposer un Accord-cadre permettant le retour à l'ordre constitutionnel avec la désignation d'un président et d'un Premier ministre par intérim, c'est la légitimité même du gouvernement,  formé par ceux-ci qui est aujourd'hui remise en cause par nombre de Maliens.

 

bouton 007D'abord par sa composition même.

 

L'autopsie sommaire de ce gouvernement fait apparaître trois groupes, tous contestés.

gif anime puces 291- Le 1er groupe composé de ministres désignés par les Maliens sous les qualificatifs de revenants et d'étrangers.

Les revenants sont d'anciens ministres des années 1980 ayant servi dans le gouvernement du général-président Moussa Traoré, dont le régime se mua en dictature féroce avant d'être renversé par un coup d'Etat en 1991. D'aucuns n'acceptent pas le retour au premier plan de telles personnalités.

Les étrangers sont ceux qui ont exercé longtemps des fonctions dans des organismes internationaux, loin du Mali, et qui sont rentrés soit depuis peu, soit pour occuper leur nouvelle fonction de ministre. C'est le cas du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération qui était jusqu'au début de la crise malienne un des principaux conseillers du président du Burkina Faso, B. Compaoré. Ce dernier avait perpétré un coup d'Etat en 1987, ayant  abouti à l'assassinat de son prédécesseur, Thomas Sankara. Certains Maliens voient dans le retour du nouveau ministre des Affaires étrangères et sa promotion à la tête de la diplomatie malienne une volonté du président burkinabé de peser sur la situation malienne, surtout en sa qualité de médiateur désigné par les chefs d'Etat de la CEDEAO.

Le Premier ministre lui-même, CH. Modibo Diarra, n'échappe pas à ce qualificatif d'étranger. Expert de la NASA, ayant étudié et vécu aux Etats-Unis, mais surtout représentant officiel de Microsoft et de Bill Gates pour l'Afrique et le Moyen-Orient, il est perçu par des opposants comme la tête de pont à la fois des Etats-Unis et du grand capital financier international. En outre, d'aucuns lui reprochent également d'être le gendre de l'ancien président Moussa Traoré ( ci-devant évoqué)

gif anime puces 291- Le 2e groupe comporte des militaires gratifiés de postes régaliens : ministères de la Défense, de la Sécurité, de l'Administration du territoire. Le ministère de l'Intérieur est confié à un proche du chef de la junte. C'est ce ministère qui est chargé d'organiser la prochaine élection présidentielle.

Ce groupe suscite à son tour de vives critiques ; les plus virulentes émanant du Front uni pour la sauvegarde de la Démocratie et de la République (FDR) regroupant des membres de la société civile et les principaux partis politiques. Le FDR voit dans la présence de militaires dans ce gouvernement une violation de la parole de la CEDEAO, selon laquelle les militaires devraient impérativement regagner leurs casernes en abandonnant le pouvoir aux civils. Mais le chef de la junte, le capitaine Sanogo, et les  putschistes en général, n'entendent pas quitter la scène politique. Mieux, ils estiment que la gestion du pays leur revient de droit et, à ce titre, ils tiennent à apparaître de plus en plus comme les vrais maîtres du pays et ils le font savoir.

les-deux-pouvoirs.jpgLes deux pouvoirs, civil et militaire, partenaires ou ennemis?


gif anime puces 291- Le 3e groupe est, lui, composé de technocrates et ne compte pas de figures connues de la vie politique malienne, et pour cette raison, il est mal vu de certains. 

 

Le Mouvement du 22 mars (M22), soutenant initialement la junte, s'est aujourd'hui retourné contre elle, estimant qu'ils ont "violé leurs idéaux" en laissant les civils gouverner.


Les adversaires de ce gouvernement sont donc  nombreux. Le FDR, anti-junte, condamne la CEDEAO aujourd'hui, pour avoir mis à la tête du pays un gouvernement illégitime, l'accusant en même temps d'inconséquence et d'ingérence. La CEDEAO n'a-t-elle pas récemment décidé de porter à 12 mois la durée de la transition au lieu de 40 jours comme initialement prévu?


Mali-CEDEAO.jpgLa CEDEAO et le sort du Mali,voie du salut ou ingérence?


Mais la principale inquiétude vient de l'incapacité des Maliens à s'entendre entre eux. Là résident les plus graves germes de désintégration, ouvrant chaque jour un peu plus la voie à une "afghanisation" du pays.

 

bouton 006Où va le Mali ?

 

La question se pose 5 semaines après le coup d'Etat. La crise politique s'aggrave au Sud alors que le Nord est plus que jamais coupé en deux et disséqué par différents groupes dont l'objectif semble être la mort politique du pays programmée ou inconsciente.

Le pire, c'est l'opposition entre la junte et le gouvernement. Cette opposition qui monte en intensité de jour en jour, mènera le pays à un désastre politique et social et une grave crise humanitaire sans précédent dans son histoire. Le Mali devient ainsi une curiosité de l'histoire, un pays à têtes multiples, autant dire un pays sans pouvoir : décapité.

Combien de pouvoirs au Mali, pour quels services rendus aux populations ? Et quelle qualité de service ? C'est pourtant dans le nombre et la qualité des services rendus au peuple que résident le sens et le bien fondé de la politique.

Le coup d'Etat militaire du 22 mars avait pour motivation avouée la défense du nord du pays contre les rebelles touaregs et les islamistes. Aujourd'hui, l'espace occupé par les premiers est deux fois plus vaste qu'avant le début de la crise, et le pouvoir des seconds est considérablement renforcé.

Un Nord qui se désagrège de jour en jour, une administration décapitée, une population insécurisée, affamée et mal soignée, apparaît plus délaissé aujourd'hui qu'il y a deux mois. La crise humanitaire s'aggravant, la démoralisation et l'angoisse de la population aidant, l'un des résultats est le débauchage des jeunes par les réseaux islamistes.

Un habitant de Tombouctou exprime cette désespérance et ses conséquences :

"Nous sommes abandonnés nationalement et internationalement [...] pas mal de jeunes aujourd'hui vont intégrer ces groupes parce qu'ils n'ont rien à manger..."

Le maire de Gao, réfugié dans la capitale Bamako, lance un appel à la CEDEAO, aux hommes politiques maliens et au capitaine Sanogo. Il met en garde contre le travail de propagande des Islamistes auprès de la population, les qualifiant de malfrats, "ces gens sont des spécialistes du lavage de cerveau [...]. Chaque jour, je reçois des SMS sur telle et telle personne qui ont ralié ces islamistes, lesquels sont capables de mobiliser des milliers de jeunes et de femmes".

(Diaspora news, Maliactu, 30 avril 2012).


kaleidoscope008

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1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 10:10

France Culture : Les enjeux internationaux

lundi 30 avril, 6h45

Emission présentée par Thierry Garcin

Invité : Tidiane Diakité


link http://www.franceculture.fr/emission-les-enjeux-internationaux-mali-les-incertitudes-politiques-l%E2%80%99impasse-militaire-2012-04-30



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25 avril 2012 3 25 /04 /avril /2012 14:29

fleur-anime-083Sagesse et sérénité, relais de la quiétudeoiseau 024

 

Il me semble que la voix nous distrait plus que les autres bruits. Elle attire notre attention alors qu'ils se contentent de frapper les oreilles et de les emplir. Parmi les bruits qui m'assaillent sans que j'y prenne garde, je compte les chariots qui passent à toute allure, le charpentier qui habite la maison, mon voisin et sa scie, ou le type qui, près d'une fameuse fontaine, essaie ses flûtes et ses trompettes et ne chante pas mais hurle. Et pourtant le bruit intermittent me gêne plus que le bruit continu.

 

Mais je suis déjà tellement endurci que je pourrais supporter la voix cinglante du garde-chiourme donnant le rythme aux galériens. Je force en effet mon âme à se concentrer sur elle-même et à ne pas se laisser distraire par le dehors. Tout peut n'être que tapage à l'extérieur pourvu qu'il n'y ait pas de tumulte en moi, pourvu que le désir et la peur ne se battent pas entre eux, pas plus que l'avarice et la luxure. À quoi bon du silence à dix lieues à la ronde si nos passions bouillonnent ?

 

« Tout reposait dans le silence apaisé de la nuit. » C'est faux. Il n'y a pas de « silence apaisé » en dehors de celui que préside la raison. La nuit révèle les soucis. Elle ne les efface pas, elle les transforme. Les rêves des dormeurs sont aussi troublés que leurs jours. La véritable tranquillité gît au sein de la sagesse.

 

Regarde cet homme qui cherche le sommeil dans le silence de sa vaste maison. Afin qu'aucun son ne trouble son oreille, la troupe d'esclaves se tait, et ceux qui s'approchent de lui le font sur la pointe des pieds. Eh bien, il se tourne et se retourne, à l'affût du sommeil, au milieu de ses tracas, et se plaint des bruits imaginaires qu'il a entendus. Pour quelle raison à ton avis ? C'est son âme qui fait du bruit. C'est elle qu'il faut apaiser, c'est sa discorde qu'il faut neutraliser. Ce n'est pas parce que le corps est étendu que l'âme est en paix. Parfois la quiétude est pleine d'inquiétude. Aussi avons-nous besoin d'être poussés à l'action et occupés à de belles activités chaque fois que nous souffrons d'une paresse qui ne se supporte pas elle-même.

 

Les officiers, quand ils voient un soldat regimber, le reprennent en main en l'astreignant à des corvées, à d'épuisantes manœuvres. Quand on est surmené, on n'a pas le temps de se la couler douce et rien de plus efficace que l'activité pour lutter contre les vices que provoque l'oisiveté. Nous croyons souvent que, si nous nous sommes retirés, c'est par dégoût de la vie publique, ennui d'un poste ingrat et stérile. Et pourtant, dans le refuge où la peur et la lassitude nous ont jetés, l'ambition se ravive. Si elle a disparu, ce n'est pas qu'on l'ait extirpée, non, elle est juste fatiguée ou même irritée des résistances qu'elle rencontrait.

 

Je dis la même chose de l'intempérance : quelquefois elle semble avoir disparu mais, à peine nous sommes-nous prononcés en faveur d'une vie toute simple qu'elle nous tente et nous réclame, au milieu des privations, ces plaisirs que nous n'avions pas condamnés mais seulement écartés. Plus elle est secrète, plus elle est virulente. Une fois révélés, tous les vices s'atténuent. Les maladies aussi sont en bonne voie de guérison quand elles jaillissent brutalement hors de la clandestinité pour étaler au grand jour leur violence. C'est la même chose, tu dois le savoir, avec le goût du gain, l'ambition, et autres maladies de l'âme qui sont d'autant plus pernicieuses qu'elles se dissimulent derrière une apparence de santé.

 

Nous paraissons tranquilles, sans l'être. En effet, si nous sommes de bonne foi, si nous avons sonné la retraite, si nous avons renoncé aux faux-semblants, alors, comme je te le disais il y a peu, plus rien ne pourra nous détourner, aucun concert de voix humaines ou de chants d'oiseaux ne pourra interrompre nos salutaires pensées, désormais fermes et assurées.

 

Il faut avoir l'esprit léger et incapable de concentration intérieure pour prêter l'oreille au premier bruit ou au premier éclat de voix. Il faut avoir en soi une espèce d'inquiétude, une sorte de crainte innée, qui tient toujours en alerte, comme dans la description qu'en fait notre cher Virgile : « Et moi qui, peu de temps auparavant, n'était troublé ni par les flèches qu'on me lançait, ni par les armées grecques massées contre moi, me voici effrayé par le moindre souffle, alerté par le moindre bruit, et je vacille, apeuré par le compagnon autant que par la charge. »

 

Premier personnage : le sage qui ne s'effraie ni des flèches qui vibrent, ni du choc des armées en rangs serrés, ni du fracas d'une ville prise d'assaut. Second personnage : un homme qui a tout à apprendre, qui, au moindre bruit, tremble pour ses biens, désespéré à la première voix qu'il entend (car il la prend pour un cri de l'ennemi), un homme mort de peur aux plus légers mouvements, et qui redoute jusqu'à la charge qu'il porte.

 

Choisis n'importe lequel de ces hommes soi-disant « heureux » qui ont à la main ou sur leurs épaules de lourds bagages : tu le verras « apeuré par le compagnon autant que par la charge ». Sache donc que tu connaîtras vraiment l'équilibre le jour où aucune clameur ne t'atteindra, aucune voix ne t'arrachera à toi-même, ni par des flatteries, ni par des menaces, ni par un assaut bruyant de bavardages futiles.

Sénèque, Apprendre à vivre, Lettres à Lucilius (Arléa)

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21 avril 2012 6 21 /04 /avril /2012 17:03

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Entre dissidence politique et fanatisme religieux

 

          Le Nord-Mali, où règne un chaos indescriptible, vit une situation hors contrôle dont la population civile est la première victime. Abandonnée à son sort, démunie, épouvantée, sans guide ni protection, elle est en proie à des exactions intolérables : violences physiques et morales de tous ordres, vols, viols, pénurie de vivres et de produits de base. Les femmes sont les plus à plaindre, car encore plus faibles et plus brimées, elles sont ravalées au rang d’animal domestique sans visage.

          Dans les régions envahies,  les loisirs sont interdits. Il n’y a plus ni commerce, ni école, plus hôpitaux, plus d’administration. Les chefs de service, gouverneurs et préfets, les enseignants, médecins et militaires, ont tous fui vers la capitale Bamako ou vers les pays voisins.


bouton 007Qui sont ces gens qui mettent le feu au pays par le nord ?

 

          Au premier rang, les Touaregs du « Mouvement national de libération de l’AZAWAD » ou MNLA, qui se sont emparés de toute la région nord et ont proclamé  leur indépendance, en créant la « République de l’AZAWAD », dont ils rêvaient depuis les années 60-70.

        En face, avec ou contre eux (?), les islamistes radicaux, eux-mêmes scindés en deux : la branche traditionnelle implantée au nord : AL-Qaïda Maghreb islamique (AQMI), dont les principaux chefs sont algériens, et un  mouvement dissident : Ansar Ed Dine (en arabe : défense de l’islam) fondé par un Touareg malien.

        A ceux-là s’ajoutent les islamistes du Nigeria du mouvement Boko Haram (en arabe : l’éducation occidentale est un péché) qui, comme les autres, profitent de l’absence d’Etat au Nord-Mali pour s’y implanter, prêcher, piller et brimer la population à leur guise.

 

bouton 007Diversité des motivations

 

          Si le mouvement touareg de l’AZAWAD semble se satisfaire de son acquis, après la proclamation unilatérale de son indépendance, les différents mouvements islamistes, eux, ont tous le même objectif : imposer l’islam radical à tout le territoire malien ainsi que la charia, et faire du Mali un Etat islamique. Pour eux, il ne saurait en être autrement. Mus par la doctrine radicale djihadiste de Ben Laden, l’inspirateur historique, l’objectif est d’imposer leur vision du monde. Dans cette optique, l’Occident apparaît en première ligne et la haine qu’il inspire aux islamistes constitue leur moteur, leur moyen étant la violence, pour soumettre et dominer l’Occident et parvenir ainsi à leur fin.

         Ces deux camps, rebelles touaregs et islamistes djihadistes, tous ennemis de l’Etat malien, en plus de leur divergence de motivation, sont également opposés sur l’attitude à adopter à l’égard des nouvelles autorités du pays. Si tous ont manifesté la volonté de renouer le dialogue avec l’Etat malien, chacun y va de sa méthode et de ses conditions.

          Les rebelles touaregs veulent discuter, mais sur la base de la recherche des moyens et des modalités d’une coexistence de leur « république » avec le reste du pays : séparation définitive, large autonomie ou fédération sous l’égide et la garantie de la communauté internationale.

          Quant aux islamiste djihadistes, AQMI et les deux autres composantes, le préalable à tout dialogue est l’acceptation de leur volonté d’imposer partout la charia, mais aussi d’écarter tous les « non-musulmans », c’est-à-dire les Occidentaux, de toute discussion et tout dialogue, en leur fermant hermétiquement la porte.

          Le Mali a le malheur d’être devenu, par sa faiblesse, le laboratoire idéal de la mise en œuvre de cette doctrine. Sinon, pourquoi vouloir abattre un pays à 90% musulman, qui a toujours pratiqué un islam tolérant et respectueux des autres confessions, berceau d’un islam de paix, de concorde nationale et d’ouverture, si ce n’est à cause de la faillite de l’Etat et de sa gouvernance ?

 

bouton 007Face à ce chaos dans le nord et le vide institutionnel, quel espoir désormais pour le Mali et les Maliens ?

 

fleche 026Que faire ?

 

fleche 002Quel secours le Mali peut-il attendre de ces voisins sahéliens directs ?

 

          Incontestablement, l’attitude de ses voisins est une interrogation majeure pour la résolution de la crise malienne. Si l’on en croit un ancien cadre de l’armée française, Jacques Hogard, actuel président de Epée, sécurité de conseil en intelligence stratégique, « ces Etats n’ont pas les mêmes forces, les mêmes moyens, ni les mêmes intentions. La Mauritanie et l’Algérie défendent leurs intérêts. L’Algérie préfère qu’AQMI s’établisse dans le Nord-Mali plutôt que sur son territoire. Les autorités nigériennes qui surveillent la situation au Mali gardent aussi un œil sur la Libye [avec laquelle les rapports sont très tendus en ce moment, entre autres causes le refus du gouvernement nigérien d’extrader un des fils de Kadhafi réfugié au Niger] et les mouvements de Boko Haram au Nigeria voisin pour protéger ses frontières.

          La Mauritanie est aussi déjà bien engagée dans la lutte contre AQMI. Le président mauritanien voit d’un œil sympathique la guerre que mènent les Touaregs du MNLA, estimant qu’elle pourrait assainir la région des djihadistes… » 

 

bouton 007Le salut pour le Mali viendra-t-il de la CEDEAO ?

 

          Cette Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest s’est préoccupée de la situation du Mali dès le lendemain du coup d’Etat militaire du 22 mars 2012. Elle a rapidement réagi en imposant un embargo au Mali, en amenant les putschistes à rétablir les institutions du pays et en permettant la désignation d’un président par intérim et d’un Premier ministre. Mais après ?

         Depuis, le chaos s’accentue et la menace de désintégration du pays est plus forte que jamais. La CEDEAO a presque toujours raté ses objectifs dès lors que l’option militaire se révèle nécessaire. Son seul mérite, c’est alors de sonner l’alarme et d’attendre que la communauté internationale, en l’occurrence l’Europe, les Etats-Unis via l’ONU, réponde à l’appel et vienne en aide, fournissant les moyens en hommes, en armes, en logistique et guide l’action. (Ex. Côte d’Ivoire, Libye).

          L’organisation sous-régionale a bien affirmé sa volonté de tout mettre en œuvre pour que le Mali recouvre l’intégrité de son territoire, y compris par les armes, en promettant la mobilisation de 2000 à 3000 hommes. Outre que les prises de décisions sont toujours difficiles en son sein, les moyens lui font cruellement défaut (la volonté des Etats et des futurs combattants aussi ?).

 

bouton 007Au bord du précipice

 

          Jamais Etat n’aura connu dans un délai aussi court autant de facteurs de désintégration cumulés, car la menace au Nord-Mali a son pendant au Sud. Le pays se trouve écartelé entre plusieurs maux : au nord la rébellion politique et la menace djihadiste, au sud, les ravages des effets collatéraux de la mauvaise gouvernance, du virus de la corruption, la gangrène de la mercantilisation des esprits ainsi que la marchandisation des rapports sociaux qui assèchent les consciences de tout sens de l’Etat et du bien commun. Quand des responsables politiques et militaires n’ont d’autres horizons que des objectifs matérialistes, l’enrichissement personnel facile et immédiat, il faut un miracle pour que l’Etat survive et se renforce.

          A tous ces maux qui minent le pays s’ajoutent, au sud et dans la capitale, des arrestations non expliquées. Ces arrestations sont le fait des militaires. Les victimes en sont d’anciens responsables politiques et chefs militaires du régime déchu. Lesquelles arrestations, accompagnées de violences et de saccages des domiciles des victimes, se font contre la volonté des nouvelles autorités par intérim.

          Tout cela crée un climat de confusion et un désordre parmi la population apeurée, désemparée, sans recours ni défense, confrontée par ailleurs aux pénuries et privations consécutives à ce même désordre et à l’embargo. Comment dans ces conditions faire face au danger qui menace au nord ?

          La menace qui s’abat sur le Mali est ainsi d’une gravité sans précédent. Les islamistes djihadistes sont une force et une menace qui ne sauraient être sous-estimées. Cette mouvance est d’une fermeture totale à toute idée de démocratie qu’elle exècre, de liberté de conscience et de paix religieuse. Son triomphe signifierait la fin du Mali en tant qu’Etat libre et souverain. Ce serait la « somalisation » en pire.


          En conséquence, il convient de se persuader que si la tragédie dont le Mali est actuellement le théâtre devait se conclure par le triomphe des acteurs assaillants, elle aurait une résonance bien au-delà des frontières de ce pays aujourd’hui saigné.

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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 09:50

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L’abbé GREGOIRE(1) au service du droit et de la justice

 

Inversion : de haut en bas

 

C’était hier

 

       Des hommes qui ne consultent que leur bon sens, et qui n'ont pas suivi les discussions relatives aux colonies, douteront peut-être qu'on ait pu ravaler les Nègres au rang des brutes, et mettre en problème leur capacité intellectuelle et morale. Cependant cette doctrine, aussi absurde qu'abominable, est insinuée ou professée dans une foule d'écrits. Sans contredit les Nègres, en général, joignent à l'ignorance des préjugés ridicules, des vices grossiers, surtout les vices inhérents aux esclaves de toute espèce, de toute couleur. Français, Anglais, Hollandais, que seriez-vous, si vous aviez été placés dans les mêmes circonstances ? Je maintiens que parmi mes crimes les plus stupides, et les crimes les plus hideux, il n'en est pas un que vous ayez le droit de leur reprocher.


       Longtemps en Europe, sous des formes variées, les Blancs ont fait la traite des Blancs ; peut-on caractériser autrement la presse en Angleterre, la conduite des vendeurs d'âme en Hollande, celle des princes allemands qui vendaient leurs régiments pour les colonies ? Mais si jamais les Nègres, brisant leurs fers, venaient, (ce qu'à Dieu ne plaise), sur les côtes européennes, arracher des Blancs des deux sexes à leurs familles, les enchaîner, les conduire en Afrique, les marquer d'un fer rouge ; si ces Blancs volés, vendus, achetés par le crime, placés sous la surveillance de géreurs impitoyables, étaient sans relâche forcés, à coups de fouet, au travail, sous un climat funeste à leur santé, où ils n'auraient d'autre consolation à la fin de chaque jour que d'avoir fait un pas de plus vers le tombeau, d' autre perspective que de souffrir et de mourir dans les angoisses du désespoir ; si, voués à la misère, à l'ignominie, ils étaient exclus de la société ; s'ils étaient déclarés légalement incapables de toute action juridique, et si leur témoignage n'était même pas admis contre la classe noire ; si, comme les esclaves de Batavia, ces blancs, esclaves à leur tour, n'avaient pas la permission de porter des chaussures ; si, repoussés même des trottoirs, ils étaient réduits à se confondre avec les animaux au milieu des rues ; si l'on s'abonnait pour les fouetter en masse, et pour enduire de poivre et de sel leurs dos ensanglantés, afin de prévenir la gangrène ; si, en les tuant on en était quitte pour une somme modique, comme aux Barbades et à Surinam ; si l'on mettait à prix la tête de ceux qui se seraient, par la fuite, soustraits à l'esclavage ; si contre les fuyards on dirigeait des meutes de chiens formés tout exprès au carnage ; si blasphémant la divinité, les Noirs prétendaient, par l'organe de leurs Marabouts, faire intervenir le ciel pour prêcher aux Blancs l'obéissance passive et la résignation ; si des pamphlétaires cupides et gagés discréditaient la liberté, en disant qu'elle n'est qu'une abstraction (actuellement telle est la mode chez une nation qui n'a que des modes) ; s'ils imprimaient que l'on exerce contre les Blancs révoltés, rebelles, de justes représailles, et que d'ailleurs les "esclaves blancs sont heureux, plus heureux que les paysans au sein de l'Afrique" ; en un mot, si tous les prestiges de la ruse et de la calomnie, toute l'énergie de la force, toutes les fureurs de l'avarice, toutes les inventions de la férocité étaient dirigées contre vous par une coalition d'êtres à figure humaine, aux yeux desquels la justice n'est rien, parce que l'argent est tout ; quels cris d'horreur retentiraient dans nos contrées !


       Pour l'exprimer, on demanderait à notre langue de nouvelles épithètes ; une foule d'écrivains s'épuiseraient en doléances éloquentes, pourvu que n'ayant rien à craindre, il y eût pour eux quelque chose à gagner.


 

       Européens, prenez l'inverse de cette hypothèse, et voyez ce que vous êtes.


Abbé GRÉGOIRE, De la littérature des Nègres, 1808.

 

 

gif anime puces 029(1) Henri GREGOIRE (1750-1831), évêque constitutionnel de Blois, député à la Convention, il réclama l’établissement de la République et l’abolition de l’esclavage. Il est à l’origine de l’émancipation des juifs français.

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