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10 mars 2024 7 10 /03 /mars /2024 09:36

 

LA LANGUE FRANÇAISE

 

 

Voici écrite par Marcel Arland une analyse de notre langue, la langue française, une langue riche et belle.

 

****

 

« Parmi les caractères que l'on a le plus souvent et le plus justement attribués à la langue française, je crois que la clarté vient en premier lieu. Cette clarté qui faisait dire à Brunetto Latini, le maître de Dante, que, s'il usait non de l’italien, mais du français, c'est que le français était, de toutes les langues, non seulement la plus « délectable », mais, par sa clarté, la plus compréhensible, la plus « commune à toutes gens », la plus propre aux échanges de l’esprit. Et tel est bien le rôle que le français a longtemps joué, au XVIIIe siècle surtout, quand il était devenu la haute langue de l'Europe. On sait que cette prédominance s’est aujourd’hui effacée devant celle de l'anglais ; on sait que le caractère d’universalité que l’on reconnaissait à notre langue se trouve fort discuté et combattu. Est-ce à dire que ce caractère ait disparu ? Je ne le crois point. Je tiens notre prose, telle qu’elle se manifeste encore aujourd'hui, à ses bonnes heures, pour une école où toute autre prose peut trouver sinon une leçon, à tout le moins un contrôle. Je Ia tiens pour une école de portée universelle, au même titre que notre peinture.

*

Cela dit, reconnaissons que cette fameuse clarté s'est altérée. Non point que nous manquions, même aujourd'hui, d'une forme claire et jusqu’à la transparence. Mais il en va de la langue comme du roman ; un roman au ton pur, un roman que la philosophie, la science, la politique n'ont pas envahi, roman-roman, un roman qui ne propose rien d'autre que lui-même, mais qui met là sa justification et son orgueil, — eh bien, ce roman est aujourd'hui assez dédaigné, à tout le moins suspect ; suspect de conformisme et de pauvreté. De même pour la forme ; si elle est claire, apparemment aisée, si elle ne pose pas de problèmes (ou plutôt n'en semble pas poser), elle n'attire pas l'attention, elle ne semble pas assez moderne, on la traite en parente de province. Comme si l’aisance était synonyme de facilité ; comme si la clarté et la transparence étaient synonymes de vide et de fadeur. II n'est pas de transparence sans mystère intime ; il n’est pas de plus pur secret —et qui toujours s'entretient, se nourrit, se renouvelle — que celui d'une forme de claire apparence, quand elle vient d'un écrivain véritable.

*

On ne saurait parler de clarté sans parler de construction. La construction régulière de notre langue peut apporter à la fois une aisance et un frein. Vous vous rappelez que Fénelon déplorait un peu cette régularité, qui engendre la monotonie. Je ne vois pas toutefois que nos grands écrivains n'aient su la plier à leur génie propre : un Pascal (c'est, il est vrai, le plus grand de nos écrivains, et le plus complet), un Fénelon lui-même à ses grandes heures (aux heures de combat ou de révolte), bien entendu, un Rabelais, un Saint-Simon, un Michelet. Mais il me semble que la construction de notre langue, très forte encore chez Victor Hugo, et même un peu trop apparente, un peu ostentatoire et redondante, a perdu, non seulement de sa régularité, mais de sa vigueur...

*

Si l'on parle des rapports de la littérature et de la langue contemporaines comment esquiver la fameuse question de la grammaire et de la syntaxe, le fameux problème de la correction ? La grammaire est une institution nationale ; les journaux littéraires et même les autres ont des tribunes de grammaire, des consultations grammaticales ; les lecteurs questionnent et les professeurs répondent : « Est-ce que Giono a raison d'écrire Je m'en rappelle ? — Non, il a tort ». « Et Gide, quand il écrit malgré que ? Eh, eh ! on ne peut pas dire qu'il ait raison, étant donné qu'il ne s'agit pas de l'expression malgré que j’en aie ». « Et François Mauriac, quand il écrivait dans La Table ronde en 1952 : Cela s'est avéré faux ? —Mauriac ! ah ! diable Mauriac ! Nous vous répondrons un autre jour ». Etc. Et de toutes ces réponses on fait des livres ; et sur les livres des articles. C'est un jeu plaisant, mais tout compte fait, assez vain. On peut estimer sans doute qu'il existe un certain nombre d'erreurs dont tout écrivain doit se garder. Sans doute encore est-il bon et nécessaire que quelques écrivains usent d'une langue aussi pure que possible. Mais si, pour critère de correction, on prend l'usage ancien, faut-il absolument négliger l’usage qui tend à s'établir, qui se forme sous nos yeux ? Il me semble que le principe le plus sage est celui-ci : quelque considération que l'on ait pour l’usage — et j’entends l'usage des bons écrivains — il n'est de fautes vraiment graves que celles qui menacent l’esprit de notre langue...

*

Brice Parain, dans un essai qu'il me communiquait voilà quelques jours, déclare que l’une de ses plus fortes raisons d'espérer, c'est de voir qu'un langage commun est en voie de formation dans notre littérature, un langage qui échappe à une littérature trop savante ou trop éprise de son jeu, pour devenir entre tous les hommes l'instrument fondamental de l'union.

*

Cette tendance existe, elle est forte, elle est naturelle, elle se développe. Naturelle, donc légitime. Et l'on voit bien que, si notre littérature s'y ferme de parti-pris, elle court le risque de dessécher notre langue et de la séparer à jamais du langage populaire. Mais l'on voit aussi que, si elle s'y abandonne, notre langue va perdre, ou du moins altérer, ses caractères les plus précieux : élégance, clarté, précision, rigueur, harmonie, et force dans la délicatesse.

*

La position que nous choisissons est celle de l'extrême milieu ; elle peut sembler facile, elle ne l’est pas ; elle l'est moins que jamais aujourd'hui. Nous souhaitons que notre langue se renouvelle sans se perdre ; nous souhaitons l'expérience, mais aussi le contrôle. Je précise. Qu'il y ait chez la plupart de nos écrivains une bonne et belle langue, sans recherches trop savantes ou trop hardies, mais sans complaisance à l'égard des lecteurs de nos magazines et de nos auditeurs de la radio : voilà ce qui constituera le gros de nos forces et le plus constant. Que certains écrivains d'autre part fassent résolument appel à un langage plus libre, plus populaire, débraillé à l'occasion, je l'admets fort bien et le trouve utile — tout en remarquant qu'il n'est pire littérature littéraire et littératurante que celle des sans-culotte. Je l’admets donc, mais c'est à condition qu'en face d'eux et à I ‘opposé la France connaisse cette équipe, ces écoles, ce laboratoire, qu'elle a toujours connus et qui ont fait la souveraine qualité de notre langue, soit qu'il s'agisse de raffinement, soit d'audace.

*

Mais je sens bien que cette équipe elle-même, dont le rôle me paraît capital et absolument nécessaire, je sais que l'on peut être parfois inquiet de l’action qu'elle exerce sur notre langue. Oui, l'on pourrait dire que toute littérature originale, toute nouveauté, tout apport, remet en jeu l'état d'une langue. On pourrait prétendre, bien plus, que toute originalité est une maladie, que tout style est une maladie, et qu'ils imposent ou proposent à Ia langue une maladie. Une langue ne peut rester absolument intacte, à la venue d'un esprit, d'une sensibilité et d'un art nouveaux. Il n'est pas jusqu'au sens des mots, qui plus ou moins ne se modifie ; et non point parce que l'écrivain le veut ainsi, d'une façon orgueilleuse ou perverse, mais parce qu'il ne peut pas faire autrement s'il veut être lui-même ; parce que le mot « arbre » ou le mot « ciel » ont dans son cœur un sens particulier, et que, s'il est vraiment un artiste, ce sens original passera dans son œuvre et se manifestera, soit par l'accent particulier et la valeur particulière que lui donne sa place dans la phrase, soit par l'éclairage qu'il reçoit des mots voisins. Qu’on le veuille ou non, c'est la loi de l'œuvre d'art. Eh quoi I Est-ce qu'avec Joinville, avec Commynes, avec Rabelais, avec Amyot, Bossuet, Pascal, Saint-Simon, Rousseau et tant d'autres, la langue française n'a pas changé ? Ce qui nous apparaît aujourd'hui comme une évolution naturelle et quasi fatale fut souvent tenu à l'origine pour une altération et même un sacrilège. On disait de Marivaux, en son temps, qu'il était illisible à force de charabia ; il me semble qu’on le lit beaucoup aujourd'hui. On a dit de Ramuz qu'il n'écrivait même pas la langue d’un canton ; il me semble que cette langue a dépassé les limites de plus d'un canton.

*

Nous ne voulons point d'une langue abâtardie, certes, et complaisante ou raccrocheuse. Mais nous ne voulons point d'une langue morte, ou qui se meure. Ce qui est à proscrire, c'est la nouveauté qui ne vise qu’au jeu, à l’étonnement du badaud (et que de badauds dans les cercles avertis !) ou au scandale. C’est la nouveauté qui renie l'esprit profond d'une langue. Car, ici encore, le critère, c'est le génie de la langue, et Dieu sait combien il peut nous apparaître complexe et accueillant, habile à faire son miel ; combien il y a de chambres dans la maison du Père ! une langue ne vit qu'en se renouvelant ! mais on ne la renouvelle valablement que par l'amour, par toutes les formes et les nuances de l'amour. Je ne crois pas que jamais une langue ait mérité plus d’amour que la nôtre. »

                                                                             (MARCEL ARLAND, in Cinq propos sur la langue française, (Fondation Singer-Polignac, 1955))

I

Marcel Arland (1899-1986)

¤ Marcel Arland

Marcel Arland est un écrivain, essayiste, critique littéraire et scénariste français. Il est né en 1899 à Varennes-sur-Amance et mort en 1986 à Saint-Sauveur-sur-École. Il est issu d’une famille de petite bourgeoisie rurale.

À trois ans il perd son père et est élevé par sa mère et ses grands-parents. Sa mère, veuve inconsolable, en oublie l’amour maternel pour ses deux fils.

Cette conscience d’être orphelin et de la figure absente de son père mais aussi de sa mère, marque son œuvre.

Il fait de brillantes études au collège de Langres, puis à la faculté la Sorbonne, à Paris (1919).

Il enseigne au collège de Jouy-en-Josas de 1924 à1929.

Responsable de la partie littéraire de la revue de l’Université de Paris, il y publie ses premiers textes. De grands noms d’écrivains collaborent à cette revue : Proust, Mauriac, Cendrars, Giraudoux.

Marcel Arland commence sa carrière dans la révolte et la contestation de la société suite au désordre provoqué par la Première Guerre mondiale et face aux injustices sociales.

1920 : il adhère au dadaïsme et fonde la revue d’avant-garde Aventure.

Il fréquente Dhôtel, Vitrac, Crevel, Limbour. Il fait aussi la connaissance d’André Malraux.

En 1924 il publie dans La Nouvelle Revue française (NRF).

1929, il reçoit le prix Goncourt pour l’Ordre (long roman de formation (Bildungsroman), seul vrai roman qu’il écrira et dont le héros, Gilbert, est une sorte de Rimbaud des années 1920. Il collabore de plus en plus à la NRF sauf durant l’Occupation où il se retire dans sa maison de Brinville, près de Paris où il vit en reclus, écrivant des essais.

1930, il épouse Jeanine Béraud, tante maternelle de Michael Lonsdale.

Après la Libération Arland déploie une grande activité critique et une attention particulière aux jeunes talents.

1952, Arland reçoit le Grand Prix de la Littérature de l’Académie Française

1953 : Il partage avec Jean Paulhan, la direction de la Nouvelle NRF et à la mort de ce dernier, assurera seul cette fonction jusqu’en 1977.

1960, Arland reçoit le Grand Prix national des Lettres.

1968, il entre à l’Académie française

1986 : Arland meurt subitement dans sa maison de Brinville, au mois de janvier, et son épouse meurt la même année en octobre.

Ses manuscrits et sa correspondance ont été légués à la bibliothèque littéraire Jacques Douvet.

 

*

Quelques-unes de ses œuvres

Essais    

-Anthologie de la poésie française (1942)

-La Prose française : anthologie, histoire et critique d’un art (1951)

-Proche du silence, mémoires (1973)

-Terres de France, essai sur la paysannerie

...

Fictions

-Terres étrangères (1923)

-Les Âmes en peine (1927)

-L’Ordre (1929)

-Les Vivants (1934)

-Sur une terre menacée (1941)

-Zélie dans le désert (1944)

-Il faut de tout pour faire un monde (1947)

-La consolation du voyageur (1952)

-L’Eau et le feu (1960)

-Le grand Pardon (1965)

-La musique des anges (1967)

 

 Réflexions

On remarque l’évolution de la langue française tout au long des années, des siècles, et c’est une bonne chose. Une langue doit rester vivante sinon elle disparaîtra.

Des mots nouveaux apparaissent, apportés par l’évolution de la société, des sciences, les nouveaux métiers… Des mots inventés par les jeunes pour se différencier des parents, ne pas toujours être compris par ceux-ci : verlan, argot à l’école…

Puis il y a les apports étrangers grâce aux voyages de plus en plus aisés, lointains, fréquents ; les déplacements des différentes populations, immigration…

Notre langue s’enrichit.

Si elle n’est plus la langue universelle du 18e siècle, elle reste parlée dans beaucoup de pays et régions du globe.

 

Mais attention : si nous limitons le nombre d’étudiants étrangers qui propagent notre langue, celle-ci risque à plus ou moins longue échéance, de se « ratatiner », de ne plus être parlée qu’en France. Elle perdra de son aura et notre pays également.

Attention aussi à l’utilisation trop fréquente de termes anglais.

-Beaucoup de chanteurs français (les jeunes surtout) chantent en anglais malgré le fait que bien des Français ne comprennent pas leurs chansons et donc ne les écoutent pas, ne les connaissent même pas.

-Les nouvelles entreprises prennent des noms anglais, peu attractifs pour la majorité des Français.

-Beaucoup de journalistes, de personnes publiques… utilisent des termes anglais (par snobisme ou est-ce par ignorance ou pauvreté du vocabulaire français ?) alors qu’il existe l’équivalent en français.

 

Et vous, chères lectrices et chers lecteurs, que pensez-vous de notre langue, de son évolution, de sa place dans le monde, de son avenir ?

 

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6 janvier 2024 6 06 /01 /janvier /2024 10:44

 

 

LA FORMATION DU CITOYEN (2)

DROITS ET DEVOIRS

LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT

 

 

Les enfants ayant des besoins spécifiques sont les oubliés dans la déclaration des Droits de l’Homme du Citoyen de 1789 et la déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. Ce n’est qu’en 1989, enfin, que la Convention internationale des Droits de l’Enfant est adoptée par l’ONU et ratifiée par 196 pays.

La notion de droits de l’Homme se développe à travers le monde courant 18e siècle mais ce n’est que début 19e siècle que l’idée se répand qu’il est nécessaire de protéger les enfants par des droits spécifiques. Les premières lois protectrices de l’enfant apparaissent en Europe et concernent le travail des enfants.

La Convention définit les droits fondamentaux des enfants et aborde tous les aspects de la protection de l’enfance. Elle reconnaît que les enfants jouissent de droits fondamentaux et en sont des détenteurs actifs et autonomes

 

 

**Voici quelques extraits de cette Convention

 

Préambule

Les Etats parties à la présente Convention,

[...] Reconnaissant que l'enfant, pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d'amour et de compréhension.

Considérant qu'il importe de préparer pleinement l'enfant à avoir une vie individuelle dans la société, et de l'élever dans l'esprit des idéaux proclamés dans la Charte des Nations Unies, et en particulier dans un esprit de paix, de dignité, de tolérance, de liberté, d’égalité et de solidarité. [...]

Sont convenus de ce qui suit :

*Article premier

Au sens de la présente Convention, un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable.

*Article 2

1. Les États s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion publique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.

2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille.

*Article 7

1. L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci, le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux.

2. Les États parties veillent à mettre ces droits en œuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière, en particulier dans le cas où faute de cela l'enfant se trouverait apatride.

*Article 8

1. Les États parties s'engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par loi, sans ingérence illégale.

2. Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d'entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible.

 

***

*Article 12

1. Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. À cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.

*Article 13

1. L’enfant a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend Ia liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant.

2. L’exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires :
a - Au respect des droits ou de la réputation d'autrui ;
b - À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.

 

*Article 14

1. Les États parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l'enfant, de guider celui-ci dans l'exercice du droit susmentionné d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités. [...]

3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut être soumise qu'aux seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires pour préserver la sûreté publique, l'ordre public, la santé et la moralité publiques, ou libertés et droits fondamentaux d'autrui.

 

*Article 15

1. Les États parties reconnaissent les droits de l'enfant à la liberté d'association et à la liberté de réunion pacifique.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l'objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de Ia sécurité nationale, de la sûreté nationale, de la sûreté publique ou de l'ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui.

 

***

*Article 28

  1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances :

a - Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ;

b - Ils encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées telles que l’instauration de la gratuité de l’enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin ;

c - Ils assurent à tous l'accès à l'enseignement supérieur, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés ;

d - Ils rendent ouvertes et accessibles à tout enfant l'information et l'orientation scolaires et professionnelles ;

e - Ils prennent des mesures pour encourager la régularité de Ia fréquentation scolaire et la réduction des taux d'abandon scolaire.

2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant qu'être humain et conformément à la présente Convention.

3. Les États parties favorisent et encouragent la coopération internationale dans le domaine de l'éducation, en vue notamment de contribuer à éliminer l'ignorance et l'analphabétisme dans le monde et de faciliter l’accès aux connaissances scientifiques et techniques et aux méthodes d'enseignement modernes. À cet égard, il est tenu particulièrement compte des besoins des pays en développement.

*Article 29

1. Les États parties conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à :

a - Favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ;

b -Inculquer à l'enfant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies ;

c - Inculquer à l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne;

d - Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone ;

e - Inculquer à l'enfant le respect du milieu naturel.

2.Aucune disposition du présent article ou de l'article 28 ne sera interprétée d'une manière qui porte atteinte à la liberté des personnes physiques ou morales de créer et de diriger des établissements d'enseignement, à condition que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient respectés et que l'éducation dispensée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales que l'État aura prescrites.

***

*Article 30

1. Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ou des personnes d'origine autochtone, un enfant autochtone ou appartenant à une de ces minorités ne peut être privé du droit d'avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d'employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe.

*Article 31

1. Les États parties reconnaissent à l'enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et a des activités récréatives propres à son âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique.

2. Les États parties respectent et favorisent le droit de l'enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique, et encouragent l'organisation à son intention de moyens appropriés de loisirs et d'activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d'égalité.

*Article 32

1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

2. Les États parties prennent des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives pour assurer l'application du présent article. À cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des autres instruments internationaux, les États parties, en particulier :

a - Fixent un âge minimal ou des âges minimaux d'admission à l'emploi ;
b - Prévoient une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d'emploi ;
c - Prévoient des peines ou autres sanctions appropriées pour assurer l'application effective du présent article.

 

 

Cette Convention internationale des Droits de l’Enfant, sur le papier, paraît excellente, mais qu’en est-il des droits de l’enfant dans les faits ?

Combien d’enfants travaillent dès leur plus jeune âge ? Combien sont mal traités ? Combien vivent seuls, dans la rue ?...

Et c’est valable pour la plupart des pays, pays en voie de développement, pays riches, grands et petits pays :  pays d’Afrique, d’Amérique du Sud, mais aussi Chine, Inde, Russie, États-Unis ou pays européens.

Il reste encore un grand travail à faire.

 

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6 décembre 2023 3 06 /12 /décembre /2023 10:33

 

LA FORMATION DU CITOYEN (1)

DROITS ET DEVOIRS

 

 

Il est bon de rappeler de temps à autre les droits et les devoirs de la personne. Surtout en ce moment où le monde s’agite, où les droits de la personne sont bafoués dans beaucoup de pays sur notre terre, si mal traitée elle aussi.

Rappelons quelques articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

***

Après la prise de la Bastille, les députés de l’Assemblée nationale constituante rédigent un texte qui doit définir les principes fondamentaux de la nouvelle société. Inspiré de la déclaration américaine de 1776, c'est un acte solennel qui rejette l’Ancien Régime et énonce des principes immortels et universels.

La Déclaration proclame la liberté et l'égalité de tous les hommes, elle précise les libertés et les garanties juridiques dont bénéficient les citoyens. Adoptée le 26 août 1789, elle sera placée en 1791 en tête de la première Constitution française.

 Composée d’un préambule et de dix-sept articles, elle est reprise par les constituants successifs. Ainsi en est-il de la Constitution de 1946 qui contient un préambule s'y référant directement et de celle de 1958.

 

***

 

Voici ce que dit l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

Art. 6. La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents.

 

***

 

Et aussi ce que disent les article 15 et 21 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 :

Art. 15. - 1. Tout individu a droit à une nationalité

2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.

Art. 21. - 1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par I ‘intermédiaire de représentants librement choisis.

2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.

3. La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.

Il semble que ces droits et devoirs des êtres humains sont peu respectés voire peu connus dans beaucoup de pays qui ont à leur tête un homme ou un petit groupe d’hommes qui se pensent supérieurs au reste de leurs concitoyens et qui n’hésitent pas à les maltraiter, voire les liquider, qui ne pensent qu’à s’enrichir alors que beaucoup de leurs concitoyens vivent dans la misère, voire meurent de faim.

 

 

MAIS QU’EN EST-IL DES DROITS DE LA FEMME

 

De par le monde souvent la femme n’a que des devoirs, elle est mal traitée, enfermée, tuée…

Olympe de Gouges (1748-1793)

***

Olympe de Gouges (1748-1793) incarne la résistance face aux hommes pour l’égalité hommes-femmes. Inspiratrice incontestée des revendications des femmes pour leurs droits, elle revendique le droit au divorce et dénonce la peine de mort, et naturellement, le droit des femmes à la politique, à l’égalité avec les hommes. La femme a le droit de monter à l’échafaud, elle a droit aussi à prendre la parole à la tribune.

Dans l’histoire, de par le monde, beaucoup de femmes ont lutté pour leurs droits.

*Voir les articles du blog déjà parus en indiquant « femme » dans la recherche à gauche de l’écran.

En voici quelques-uns

-la longue marche des femmes (1 à 5)

-femmes d’ici et d’ailleurs

-femmes d’Afrique

-la Française d’hier et d’aujourd’hui

-droit des femmes, un combat universel

Madame Sartin …

-société des Signares au Sénégal

 

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25 octobre 2023 3 25 /10 /octobre /2023 09:25

SOURIONS UN PEU FACE AUX ALÉAS DE LA VIE EN CE MOMENT !

 

 

Si vous voulez oublier un peu les folies du monde ou vos propres difficultés, rien de mieux que de se plonger dans le livre de Jérôme Duhamel pour reprendre un peu d’énergie.

Voici quelques perles de l’école piochées dans le livre de Jérôme Duhamel « Les perles de l’école (Albin Michel).

Les élèves :

« -On ne doit pas crier à la cantine pour pas balancer des bactéries dans les nourritures.

-Moïse était le seul homme à avoir le droit de téléphoner directement à Dieu.

-Il paraît que Napoléon n’a mis que son cœur dans son tombeau aux Invalides et qu’après il a été mourir ailleurs…

 

*Ou encore

 

-Quand l’eau s’évapore, la casserole reste toute seule…

-Une bibliothèque, c’est comme un cimetière pour les vieux livres.

-L’oreille interne est une oreille qui permet d’entendre les bruits du cerveau.

-Dans le désert, les fleuves coulent à sec.

-Les nuages sont des sacs de vent remplis de pluie.

 

*Il fallait y penser !

 

Quand il y a une éclipse, la lune vient se cacher sur la terre.

-Calais est un village français de la banlieue de Londres.

-Le temps passe moins vite aux antipodes parce que les gens sont obligés de marcher plus doucement et en faisant bien attention parce qu’ils ont les pieds en haut et la tête en bas.

-Quand on lance le poids, il faut bien faire attention à ne pas partir avec…

 

Les professeurs ne sont pas en reste :

 

-Votre fils prétend avoir juste copié « un peu » sur son voisin… Son voisin s’appelle donc Victor Hugo et s’est fait plagier 4 pages entières par votre fils !

 

Et les parents non plus…

-Même à la maison mon fils est souvent absent et c’est pas pour ça qu’il m’amène des mots d’excuse…

 

Jérôme Duhamel est un journaliste, écrivain et éditeur français, né en 1949 et mort en 2015. Il est le petit-fils de l’écrivain Georges Duhamel et de Blanche Albane (actrice). Son père Bernard Duhamel était professeur de chirurgie et son oncle, Antoine Duhamel, compositeur. Lui-même est le filleul de François Mauriac (écrivain).

Quelques-uns de ses livres :

Les Perles des fonctionnaires

La Fête des perles

Le XXe siècle bête et méchant

C’était mieux avant

Le Bêtisier du XXe siècle

Grand inventaire du génie français en 365 objets.

...

 

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2 octobre 2023 1 02 /10 /octobre /2023 16:13

FACE AUX ALÉAS DE LA VIE

 

Le livre de Bertrand Piccard Changer d’Altitude a été préfacé par Matthieu Ricard. Dans cette préface il nous montre que l’on peut être heureux face aux aléas de la vie.

Chacun se fait son propre bonheur ou malheur.

Depuis des années, des décennies, je dis toujours à mon épouse, quand il y a des difficultés, ceci :

« Imagine que tu voles au-dessus de notre monde et que tu regardes tous ces êtres humains qui s’agitent dans tous les sens, comme des fourmis. Tu relativises, tu vois que les problèmes sont minuscules dans ce grand Univers. Reste zen, prends les choses comme elles viennent. Soyons juste heureux de vire, le reste n’a pas beaucoup d’importance. »

****

Bertrand Piccard nous donne aussi une leçon de vie dans son ouvrage « Changer d’altitude »

Bertrand Piccard

****

*Brève biographie de Bertrand Piccard

Bertrand Piccard est né en 1958 à Lausanne (Suisse). Il est psychiatre, mais aussi explorateur et environnementaliste suisse.

Il est le fils de l’océanographe Jacques Piccard qui a exploré les fonds marins et petit-fils du physicien Auguste Piccard qui, lui, a exploré la stratosphère.

Dans les années 1960 il vit en Floride où son père travaille dans le groupe du programme Apollo. Grâce à un ami de la famille, Wernher von Braun, il assiste au décollage de certaines fusées.

Tout en étudiant la psychiatrie, il devient pionnier du vol libre et ULM en Europe. Il s’essaie aussi au vol en montgolfière, en parapente, deltaplane (champion d’Europe de 1985). Il est vainqueur de la 1ere course transatlantique en ballon (1992).

Avec André Borschberg, il développe et pilote en alternance l’avion Solar Impulse. Ils réalisent le tour du monde en 2016.

Son épouse, Michèle Piccard, avec laquelle il a eu trois filles, participe au service de communication de Solar Impulse.

Il est fait chevalier de l’ordre de Saint-Charles (2012) et promu au rang d’officier de la Légion d’honneur (2017).

****

*Quelques ouvrages

  • Une trace dans le ciel
  • Quand le vent souffle dans le sens de ton chemin
  • Changer d’altitude, quelques solutions pour mieux vivre sa vie
  • Réaliste, soyons logiques autant qu’écologiques.

Bertrand Piccard « est persuadé que l’esprit de pionner ne se limite pas à l’exploration du monde extérieur, mais que c’est avant tout dans notre vie de tous les jours qu’il nous faut le développer. » (Bertrand Piccard, Changer d’Altitude, Pocket).

 

*Préface de son livre écrite par Matthieu Ricard

« Bertrand Piccard nous a habitués à admirer la manière dont il a su, à force d'imagination, de créativité, de persévérance et de courage, transmuer ses rêves en réalité. Avec Changer d'altitude, il nous offre le fruit de réflexions sur son expérience vécue. Ce partage est présenté avec une ingénuité rafraîchissante qui ne vise pas à théoriser sur la meilleure manière de planifier le cours de notre destinée, mais à dégager les leçons de vie qui lui ont paru les plus fécondes, sans jamais perdre de vue l'aspect pragmatique de leur mise en œuvre.

Bertrand nous rappelle notamment que vouloir que le présent soit autre chose que ce qu'il est constitue l'une des plus grandes causes de frustration dans l'existence. C'est aussi la plus inutile. Chaque jour, nous nous trouvons à la croisée de chemins qui sont également le nouveau point de départ d'un futur souvent imprévisible dont nous pouvons cependant être l'architecte inspiré. La peur de l'inconnu s'estompe si nous disposons des ressources intérieures nous permettant de faire face aux aléas de la vie. Pour ce faire, écrit Bertrand, nous devons nous libérer du joug des idées préconçues, puisque : « Nous devenons la plupart du temps prisonniers non pas des vents de la vie, mais de notre propre façon de penser et de comprendre l'existence. »

Notre esprit peut être notre meilleur ami comme notre pire ennemi, et la qualité de chaque instant qui passe est étroitement liée à notre façon d'interpréter le monde. Quoi qu'il arrive, nous avons la possibilité de faire différemment l'expérience des choses et de transformer la façon dont nous traduisons les circonstances extérieures en bien-être ou en mal-être.

Bertrand s'insurge contre la quête « de la maîtrise et du contrôle, de la réponse à toutes les questions, de la construction de certitudes rassurantes ou d'explications toutes faites ». De fait, notre contrôle des conditions extérieures est limité, éphémère, et le plus souvent illusoire. Pour influentes que soient ces conditions, le mal-être et le bien-être sont essentiellement des expériences vécues. Il convient donc de nous demander quelles sont les conditions intérieures qui vont miner notre joie de vivre et quelles sont celles qui vont la nourrir. Changer notre vision du monde n'implique pas pour autant un optimisme naïf pas plus qu'une euphorie factice destinée à neutraliser I’adversité.

« La vie, écrit Bertrand, est remplie de ces situations que nous ne pouvons pas changer et, pourtant, nous avons appris à les refuser plutôt qu'à les utiliser à notre avantage. [...] L'idéogramme qui correspond au mot "crise" en chinois nous y encourage. Il est composé de deux parties, la première signifiant le risque et le danger, alors que la seconde exprime la notion d'action à entreprendre, d'opportunité à saisir. » Les obstacles qui se dressent sur notre chemin ne sont pas désirables en eux-mêmes, mais peuvent devenir des catalyseurs de transformation si l'on sait les utiliser à bon escient. Ne pas être déstabilisés par les revers de fortune ne signifie pas qu'ils ne nous affectent pas ou que nous les ayons éliminés à jamais, mais qu'ils n'entravent plus notre chemin de vie. Il est important de ne pas laisser l'anxiété et le découragement envahir notre esprit. Shantideva, sage bouddhiste du VIIe, siècle, nous le rappelle : « S'il y a un remède, à quoi bon le mécontentement ? S'il n'y a pas de remède, à quoi bon le mécontentement ? »

Il en va de même pour la souffrance. Bertrand cite une enquête réalisée auprès de personnes souffrant d'un cancer et auxquelles on a demandé : « Est-ce que le cancer a eu de quelque façon que ce soit une influence positive sur votre vie ou sur votre sentiment d'exister ? Si oui, laquelle ? » « Environ la moitié des malades, note-t-il, ont répondu par l'affirmative, en citant comme principaux aspects positifs une vie plus intense et plus consciente, davantage de compréhension envers autrui, une meilleure relation avec le conjoint et un plus grand épanouissement intérieur et relationnel. »

Selon la voie bouddhiste, la souffrance n'est en aucun cas souhaitable. Cela ne signifie pas que l'on ne puisse pas en faire usage, lorsqu'elle est inévitable, pour progresser humainement et spirituellement. Comme l'explique souvent le Dalaï-Lama : « Une profonde souffrance peut nous ouvrir l'esprit et le cœur, et nous ouvrir aux autres. » La souffrance peut être un extraordinaire enseignement, à même de nous faire prendre conscience du caractère superficiel de nombre de nos préoccupations habituelles, du passage irréversible du temps, de notre propre fragilité, et surtout de ce qui compte vraiment au plus profond de nous-mêmes.

La façon dont nous vivons ces vagues de souffrance dépend donc considérablement de notre propre attitude. Ainsi vaut-il toujours mieux se familiariser et se préparer aux souffrances que l'on est susceptibles de rencontrer et dont certaines sont inévitables, telles la maladie, la vieillesse et la mort, plutôt que d’être pris au dépourvu et de sombrer dans la détresse. Une douleur physique ou morale peut être intense sans pour autant détruire notre vision positive de I’existence. Une fois que nous avons acquis une certaine paix intérieure, il est plus facile de préserver notre force d’âme ou de la retrouver rapidement, même si, extérieurement, nous nous trouvons confrontés à des circonstances particulièrement difficiles.

Cette paix de l'esprit nous viendrait-elle simplement parce que nous la désirons ? C'est peu probable. On ne gagne pas sa vie seulement en le souhaitant. De même, la paix est un trésor de l'esprit qui ne s’acquiert pas sans efforts. Si nous nous laissons submerger par nos problèmes personnels, aussi tragiques soient-ils, nous ne faisons qu'accroître nos difficultés et devenons également un fardeau pour ceux qui nous entourent. Toutes les apparences prendront un caractère hostile, nous nous révolterons amèrement contre notre sort au point de douter du sens même de l'existence. Aussi est-il essentiel d'acquérir une certaine paix intérieure, de sorte que, sans diminuer en aucune façon notre sensibilité, notre amour et notre altruisme, nous sachions nous relier aux profondeurs de notre être.

Bertrand consacre également une partie de son ouvrage à la manière de résoudre ou d'éviter les conflits, en adoptant le point de vue de I’autre, en faisant preuve d'ouverture et de compréhension, en souhaitant trouver une solution mutuellement acceptable et en se gardant à tout prix de creuser plus profondément le fossé qui sépare deux points de vue. Un proverbe oriental dit que l'on ne peut applaudir d'une seule main. De même est-il difficile de se disputer avec une personne qui ne souhaite absolument pas entrer dans une stratégie de confrontation. La bienveillance et le calme intérieur sont les meilleurs moyens de désamorcer les conflits naissants.

Pour Bertrand : « La liberté, la vraie, ne consiste pas à pouvoir tout faire, mais à pouvoir tout penser. À penser dans toutes les directions et à tous les niveaux à la fois, sans aucune restriction. » On pourrait aussi évoquer le Mahatma Gandhi qui affirma « La liberté extérieure que nous atteindrons dépend du degré de liberté intérieure que nous aurons acquis. Si telle est la juste compréhension de la liberté, notre effort principal doit être consacré à accomplir un changement en nous-mêmes. »

Dans les années soixante-dix, un Tibétain vint trouver un sage âgé, auquel je rendais moi-même visite, près de Darjeeling, en Inde. Il entreprit de lui raconter ses malheurs passés, puis continua par une énumération de tout ce qu'il redoutait du futur. Pendant ce temps, le sage faisait tranquillement rôtir des pommes de terre sur un petit brasero posé devant lui. Au bout d'un moment, il dit au visiteur plaintif : « A quoi bon tant te tourmenter pour ce qui n'existe plus et pour ce qui n'existe pas encore ? » Interloqué, le visiteur se tut et resta un bon moment en silence auprès du maître, qui lui tendait de temps à autre quelques bonnes patates croustillantes.

La liberté intérieure permet de savourer la simplicité limpide du moment présent, libre du passé et affranchi du futur. Se libérer de l'envahissement des souvenirs du passé ne signifie pas que l'on soit incapables de tirer des enseignements utiles des expériences vécues.

S’affranchir de I ‘appréhension à l'égard du futur n’implique pas que l'on soit incapables d'aborder l’avenir avec lucidité, mais que l'on ne se laisse pas entraîner dans des tourments inutiles.

Une telle liberté a une composante de clarté, de transparence et de joie que la prolifération habituelle des ruminations et des fantasmes interdit. Elle permet d’accepter les choses avec sérénité sans pour autant tomber dans la passivité ou la faiblesse. C'est aussi une manière d'utiliser toutes les circonstances de la vie, favorables ou adverses, comme facteurs de transformation personnelle, d'éviter d'être distraits ou arrogants lorsque les circonstances sont favorables, ou déprimés quand elles se font contraires. Ainsi, sans nous départir de notre force d'âme et de notre paix intérieure, nous serons constamment disponibles pour œuvrer au bien d’autrui et au service de nobles causes qui donnent un sens à chaque instant qui passe. »

Matthieu Ricard

****

*Brève biographie de Matthieu Ricard

Matthieu Ricard, né en 1946 à Aix-les-Bains, est un essayiste et photographe français. Docteur en génétique, il devient moine bouddhiste tibétain et réside surtout au monastère de Shéchèn au Népal.

Il est le fils de la peintre française Yahne Le Toumelin et du philosophe, essayiste, journaliste et académicien Jean-François Revel (de son vrai nom Jean-François Ricard)

Par ailleurs, il est aussi le neveu du navigateur Jacques-Yves Le Toumelin, le frère de la poétesse et écrivaine, Ève Ricard et le demi-frère du haut fonctionnaire Nicolas Revel.

Matthieu Ricard fait ses études au lycée Janson-de-Sailly à Paris.

Très tôt il se passionne pour la photo : « Je souhaite utiliser la photographie comme une source d'espoir, pour redonner confiance dans la nature humaine et raviver notre émerveillement devant les splendeurs de la nature ». Il expose et publie ses photographies. 

Très jeune, il découvre la spiritualité à travers l’œuvre de René Guénon. Il cherche à passer de la théorie à la pratique.

Il voyage en Inde et rencontre des maîtres spirituels tibétains, notamment le maître Kangyour Rinpoché.

Après sa thèse en génétique cellulaire à l’Institut Pasteur, il s’établit dans l’Himalaya (1972). Il y médite, étudie et pratique le bouddhisme tibétain.

En 2017 il vivait dans un petit ermitage en montagne en alternance avec sa vie au monastère.

Il devient moine en 1979, et en 1980 il rencontre pour la première fois le dalaï-lama grâce à Dilgo Khyentsé Rinpoché

« Quand j'ai quitté l'Institut Pasteur en 1972, j'avais de côté l'équivalent de six mois de salaire au CNRS, ce qui m'a permis de vivre quinze ans sur place. Durant ces années, j'ai vécu avec 30 euros par mois, ne faisant rien d'autre que méditer ». (Matthieu Ricard)

 

 

 

Ricard traduit le tibétain en français et en anglais et depuis 1989 il est l’interprète en français du dalaï-lama.

En 2000 il fonde l’association humanitaire Karuna Shechen et fait partie du Mind and Life Institute, une association qui facilite les rencontres entre la science et le bouddhisme.

Il collabore avec des institutions de différents pays : Etats-Unis (université du Wisconsin-Madison, Université de Princeton, Université Berkeley en Californie), Allemagne (Institut Max Planck de Leipzig), Belgique (Centre de Recherche du cyclotron à Liège), France (INSERM de Lyon et Caen).

Matthieu Ricard, végétarien, s’est aussi engagé pour la protection de la nature et des animaux.

****

*Quelques-uns de ses ouvrages

  • Solitudes
  • Carnets d’un moine errant
  • Le moine et le philosophe
  • L’art de la méditation
  • Cerveau et méditation
  • Quand la mort éclaire la vie
  • Paroles du Dalaï-Lama

 

Matthieu Ricard collabore à la création du site Treasury of Lives, une encyclopédie biographique en ligne.

Il consacre l’intégralité de ses droits d’auteurs à plus de 200 projets humanitaires au Tibet, en Inde et au Népal.

 

 

 

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21 avril 2023 5 21 /04 /avril /2023 07:06

L’Église céleste (Paul Schuss)

***

PAUL SCHUSS

Un peintre contemporain français

Atelier (Paul Schuss)

***

> Paul Schuss est un peintre français né en 1948 à Münzkirchen (Autriche).

Ses ancêtres (12ième siècle) sont les Cani della Scala de Vérone (Italie) et les Von Asch du Tyrol du sud. 

En 1949 sa famille vient en France où il grandit. 

Après différents domiciles en Provence et sur la Côte d’Azur sa famille s’installe dans la Nièvre (France) en 1953.

À six ans il fréquente l’école primaire de Passy-les-Tours. Il est un élève brillant apprécié de son instituteur. Puis il fréquente le lycée Jules Renard à Nevers. Mais déjà, il s’intéresse de plus en plus à la peinture, domaine où il excelle rapidement.

1967, après le lycée, Schuss commence des études de droit à Paris, qu’il abandonne très vite pour se consacrer entièrement à la peinture. Il a alors 19 ans.

1968, il rencontre Romain de Tirtoff dit Erté, un artiste russe naturalisé français. Il fréquente aussi d’autres artistes, des écrivains, des acteurs.

1970, il part pour l’Autriche, à la recherche de ses racines. Il vit deux ans à Salzbourg puis s’installe à Vienne où il résidera jusqu’en 1979.

1979 : retour en France. Il s’installe en Bourgogne.

1981 : Schuss épouse Chantal Garceau. Ils ont deux enfants :

Tatiana, vivant aux Etats-Unis.

Romain, installé dans la Nièvre.

Sa passion des voyages, la découverte de nouvelles cultures, de nouveaux paysages, l’amènent à parcourir le monde

 

Paul Schuss a commencé à peindre dès l’enfance. À dix ans, un ami de la famille, Albert Drachkovitch-Thomas (petit-fils d’Albert Thomas, homme politique français) découvre son talent et l’encourage dans cette voie. Il lui offre sa première boite de peinture, il a alors 14 ans. Albert Drachkovitch lui enseigne les bases de la peinture à tempera.

Cependant Schuss étudie les autres techniques picturales en autodidacte, telles l’acrylique, l’aquarelle, le lavis, les techniques mixte… .

À 17 ans, Paul Schuss, encore au lycée, expose pour la première fois des tableaux à la tempera qu’il avait peints de 14 à 16 ans. Cette exposition a lieu au Salon du Groupe Nivernais (à la chapelle Sainte-Marie), à Nevers (France). Tous ses tableaux sont rapidement achetés.

Il exposera dans différents lieux :

Il fait sa première exposition parisienne à la Galerie Duncan en 1969. 

En 1970 il expose au Salon des Surindépendants . 

1975 : Exposition à la Galerie Marcel Bernheim (Paris).

***

(Voir les autres expositions : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schuss )

 

> Séjour en Autriche

1971 : Salzbourg : Schuss y passe deux ans et exposera plusieurs fois dans la ville de Mozart et notamment à la Residenz.

La ville de Salzbourg lui achète une peinture ainsi que le Salzburgland.

1973 : Schuss s’installe à Vienne : il expose à plusieurs reprises notamment au Palais Lobkowitz qui est alors le Centre Culturel Français. 

Il fait la connaissance du Dr Karl Kanzian qui le guide dans sa quête spirituelle et collectionne ses œuvres.  Celui-ci deviendra le plus grand collectionneur des œuvres de Schuss en Europe. 

 

1974 : le Prince Otto zu Windisch-Graetz, (apparenté à l’impératrice Sissi et à l’Empereur François Joseph) et d’autres membres de la famille de celui-ci, rendent visite à Schuss dans son atelier à Vienne. Le prince Otto photographie alors les grands tableaux du peintre comme : « Derniers Soleils », « Dialogue avec l’Éternel », « Puissance de la Nature ».

 

La Forêt mystérieuse (Paul Schuss)

 

> Sa peinture

Schuss découvre le pouvoir mystique de la lumière, en pleine adolescence.

« C'est aussi en pleine adolescence qu'il découvre le pouvoir mystique de la lumière. La vision d'un flot de lumière dorée, chaude, vibrante et étrange - comme habitée - jaillissant à travers la fenêtre d'une tour d'un château-fort en ruine, le toucha au plus profond de lui-même. Cette image qui lui fit ressentir la vie de la lumière ne le quittera jamais. Elle influera de multiples manières sur son œuvre. » (Wikipédia)

A cette époque l’âme tourmentée de l’artiste s’exprime par des peintures aux tons sombres. 

Le ciel y tient une grande place car Paul Schuss a toujours considéré que c’est dans le ciel que se passait la partie la plus importante dans ses tableaux. 

Schuss utilise aussi l’encre de Chine. Il apprend la lithographie en 1987 dans l’atelier de Jacques Mourlot, fils de Fernand Mourlot ; il réalise 6 lithographies en noir et blanc : « L’Arbre refuge », « Passions indomptées », « L’attente », « Le Vieux Pont », « Les Corbeaux », « La Lettre oubliée » et 5 en couleur : « Tatiana ou le voyage des bulles », « La Méditation »en 1987,  «  Reflets » et  «  A la Croisée des Chemins » en 1988 et enfin « Le Rivage du Silence » en 1989 

Schuss détruit officiellement les plaques qu’il a réalisées pour l’impression et chaque lithographie est accompagnée à la vente d’un certificat d’authenticité signé par Mourlot. 

Ses lithographies en noir et blanc connurent le même succès au Japon que ses lithos en couleurs.

1987, Schuss fait la connaissance de Marc Squarciafichi qui devient son marchand au Japon. Squarciafichi dit Marcestel, expose les œuvres de Schuss, ainsi que celles d’autres peintres de l’École de Paris, dans de grandes galeries à Tokyo : Daimaru, Nikken…, et dans les plus grandes villes du pays .

À cette époque le docteur Sozo Hino, propriétaire du Hino Hospital, aussi grand collectionneur d’œuvres d’art, achète les tableaux de Schuss en vue de créer un musée Schuss à Osaka, mais le projet sera abandonné en 1991, suite à la reprise des essais nucléaires de la France.

Schuss Paul expose dans des galeries internationales depuis plus de 50 ans et beaucoup de ses tableaux se trouvent dans des collections privées et publiques sur les cinq continents.

(Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schuss )

 

Le peintre Paul Schuss et la peinture

Pour Paul Schuss « l’art se situe au-delà des différences de races, de religions et de culture et de tout autre préjugé allant dans ce sens, d’où sa grandeur.

La peinture comme toute forme d’art est un message d’une âme à une autre âme.

Chaque période de l’humanité choisit dans son héritage culturel, la forme d’art dont elle a besoin, et chaque génération a un autre besoin, de même que chaque être. »

 

Puis le peintre Schuss évoque de façon plus personnelle sa peinture et ses réflexions à ce sujet :

« Lorsque je peins et qu’intensément je suis entré dans mon tableau, il me semble qu’une partie de moi-même se promène ailleurs.

Je ne travaille que quelques heures par jour mais avec une concentration extrême et je m’arrête complètement épuisé. " À chaque jour suffit sa peine. "

J’aime la nature passionnément, et si j’aime la peindre dans tout son feu et dans toutes ses flammes, j’aime aussi la peindre dans toute sa douceur et dans toute sa poésie.

Surtout n’ayez aucune crainte à faire un tableau trop beau, car même lorsque vous pensez avoir atteint le summum, vous êtes encore loin de la Parfaite Beauté, de la Perfection Divine.»

 

 

Schuss poursuit sa réflexion et ajoute :

« Ne croyez pas, lorsque vous voyez dans mes tableaux des éléments de l’imaginaire, que je les ai peints sans raison… ils ont leur place dans l’œuvre avec la même logique que le reste.

Je peux passer bien du temps à savoir par exemple comment un oiseau vole : je l’observe dans la nature, j’étudie des documents scientifiques, jusqu'à ce que j’en ai une excellente connaissance. Puis je le peins dans toute sa vérité à côté d’un ange ou d’un objet en lévitation, ou d’un arbre au-dessus d’un village étrange. Tous ces objets, toutes ces créatures ont dans l’œuvre la même raison d’être, la même réalité, la même vérité.

Il y a des sujets qui me hantent et que je porte en moi des années avant de les peindre. Certains tableaux vivent dans ma tête depuis l’âge de 18 ans et je continue de les affiner.

D’autres surgissent d’un seul coup et sont prêts à être portés sur la toile. »

 

 

 

Dans la suite de ses réflexions, Paul Schuss nous plonge dans le cœur de sa création :

« J’ai une foi absolue dans mon travail, dans mes œuvres. Si je ne l’avais pas, jamais je ne pourrais mobiliser toutes ces forces nécessaires à leur création. Et lorsque je crée une œuvre, je me sens à la fois peintre, poète, musicien, architecte et sculpteur. J’ai l’intense désir d’unir dans mon tableau toutes ces formes d’art en un Art Unique.

Même lorsque je conçois en pensée un tableau jusque dans ses moindres détails, je ne sais jamais le résultat final, car entre le tableau imaginé et le tableau réalisé il y a la résistance de la matière et il ne m’est pas possible de la dominer complètement malgré une technique extrêmement élaborée.

Et une excellente technique est un formidable support pour l’expression de l’artiste, mais ce n’est pas une finalité en soi.

La grandeur d’une peinture dépend de son universalité et non des époques ou des modes. »

 

 

Schuss approfondit sa pensée et ajoute :

« Bien qu’étant un enfant de mon siècle, je me suis toujours senti en opposition avec une partie de mon époque, surtout la partie qui recelait le plus d’agressivité, de brutalités et de manque d’imagination, tant dans la musique, la sculpture, l’architecture, le cinéma, la danse ou la peinture que dans les rapports entre les êtres humains en général.

À une époque de mon développement artistique, lorsque je travaillais à la Tempera, la technique des maîtres anciens me fascinait tellement que j’essayais d’en percer tous les secrets. J’essayais d’en rendre tous les aspects… jusqu’aux craquelures des vernis.

Je peins ce que j’aime et ce que je ressens et je le peins comme je le ressens. Je suis en harmonie avec moi-même.

J’ai le désir intense de canaliser l’harmonie dans mes œuvres et de la redonner au contemplateur pour que ses pensées et ses sentiments s’illuminent et s’élèvent. »

 

Sa philosophie

Paul Schuss développe ensuite, de façon plus générale, sa philosophie du monde et  de l’art en particulier :

« Je suis persuadé que le langage pictural le plus chargé de signification pour l’être humain est celui de la nature, avec toute sa richesse de formes, de couleurs et d’atmosphères.

Et j’utilise donc ce langage concret si puissant plutôt qu’un langage abstrait, tronqué et affaibli. Je suis convaincu que de tous temps l’homme y est plus sensible et le comprend le mieux… et grâce à lui il peut même ressentir les forces cachées derrière ces apparences. »

 

 

« Si vous êtes sincère avec vous-même, vous conviendrez qu’en art il n’est pas possible d’être objectif. Chacun juge une œuvre selon ses critères personnels, selon son degré de sensibilité et d’évolution. Et quels sont les critères pour définir une grande peinture ?

Il y en a autant que de spectateurs… et ils sont aussi contradictoires…

Aussi est-il sage d’établir ses propres critères qui sont tout à fait relatifs.

Une chose est certaine : faites votre travail avec amour et ce que vous peindrez sera vrai ; peu importe le sujet et peu importe le style. »

 

 

Le mysticisme du peintre

Paul Schuss se dévoile ici encore davantage, relatant certains épisodes de sa vie :

« À une période de ma vie, je me voulais absolument antireligieux et pourtant sans le savoir j’avais la foi.

Maintenant je peux m’incliner avec la même humilité devant les Divinités d’un temple bouddhiste ou hindou, devant le Dieu d’une mosquée, d’une église orthodoxe ou d’une cathédrale catholique.

Pour moi il s’agit de la seule et même Divinité à laquelle les hommes ont donné plusieurs noms.

Il est vrai que l’orgueil peut donner beaucoup d’énergie pour réaliser une œuvre, mais quelles souffrances aussi.

Si on parvient à laisser une bonne partie de son orgueil, on vit mieux et on travaille plus sereinement. »

 

 

« Pour une grande part l’artiste est quelqu’un qui n’accepte pas le monde tel qu’il est, et qui veut le recréer à son image.

C’est la partie secrète, la partie mystérieuse, la partie essentielle des êtres et des choses qui me passionne et c’est par l’amour que les choses se dévoilent et livrent leurs secrets et non par le mépris. »

 

Schuss nous dépeint l’état d’esprit dans lequel il travail, les conditions qui lui sont nécessaires.

« Lorsque je peins, je suis d’une sensibilité extrême, un écorché vif.

Aussi me sachant si vulnérable, je ne vis qu’au sein de la nature, de ma famille, de mes amis et de mon tableau.

Je me protège, je me cache de tout le reste. Une fois mon œuvre achevée, je reviens dans le monde profane, je revêts une carapace, je me blinde et je suis prêt à affronter le monde extérieur. »

 

 

Le spleen du peintre

On peut constater que Schuss devient de plus en plus sensible à son vécu, à ce qui se passe dans le monde, à la nature, mais surtout il recherche la sérénité, la beauté, l’harmonie qui grandissent l’âme.

« J’ai suffisamment nagé dans la tourmente et dans les tempêtes dans mes vertes années… et cela jusqu’au dégoût de la souffrance.

J’ai parfois des moments de tristesse infinie comme si je portais en moi la détresse de la terre entière. Mais j’ai aussi des flambées de bonheur et de reconnaissance intense envers mon destin.

Mais j’ai aussi des flambées d’intense soif de pureté et de sérénité, et j’ai donc choisi le chemin qui va vers la beauté et l’harmonie.

Aussi je n’aspire plus qu’à la paix, à l’harmonie et à la sagesse… j’aspire à vieillir car ce sont des qualités qui vont rarement de pair avec la jeunesse. Aussi je ne voudrais pas être plus jeune, pas même d’une seconde.»

 

 

Selon Paul Schuss

« L’Art devrait avoir pour but sublime d’élever l’homme en sensibilisant et en affinant tout son être.

Un art brutal, grossier, laid, sans sensibilité et sans émotions avili l’homme et va à l’encontre de la vie et du progrès. »

Le peintre « souffre de plus en plus devant des couleurs sales, brutales et laides, ou devant des sons sans harmonie, comme on en trouve tant dans notre siècle. »

Et il ajoute :

« Aussi suis-je de plus en plus à la recherche de la transparence, de la luminosité de l’harmonie des couleurs.

Je voudrais en extraire tout ce qu’il y a de sale, d’impur et de grossier afin qu’elles apparaissent comme une pure lumière aux multiples reflets. Il faut ressentir la grandeur de cette pureté pour avoir envie de l’atteindre. »

 

 

Pour lui, certains termes sont essentiels comme :

« Créer …Il n’y a qu’une chose qui importe c’est de créer.

L’intérieur … il faut peindre l’intérieur des êtres et des choses.

Poésie et douce mélancolie vont souvent main dans la main. »

 

 

Le peintre se projette dans l’avenir et nous livre cette réflexion :

« À l’aube de ce troisième millénaire, il nous faut maintenant remonter du creux de la vague, et reconstruire, recréer un monde où la beauté et l’harmonie, la lumière et la spiritualité seront les piliers d’un nouvel édifice.

Au-delà de toutes les horreurs, il y a en ce monde une immense soif de pureté.

Il ne faut surtout pas manquer d’aller dans cette direction.

 

Le succès est formidable car il permet à l’artiste de vivre de son art, cependant ma véritable récompense est dans mon atelier lorsque je peins avec bonheur. »

 

 

L’énigme temps – espace

« L’énigme temps – espace m’a toujours préoccupé ; le temps qui passe, les choses qui se défont, les cycles qui reviennent…

Je suis persuadé que si l’être humain arrive à percer le secret du temps-espace une grande lumière se fera sur le monde et sur son destin. »

 

La Source (Paul Schuss)

 

Quelques articles de presse pour mieux comprendre le peintre Paul Schuss

 

« Paul Schuss, […], ce jeune artiste nous entraîne dan un univers visionnaire d’une étonnante force poétique. Ce romantisme servi pat une technique classique parfaitement maîtrisée est un appel à la méditation, au recueillement, au contact psychique  avec les grandes forces solaires et terriennes sont le peintre se mble capter l’essence, l’âme, la pulsion vitale. Quête d’absolu. Quête de connaissance, de communion avec ce divin — ce soleil intérieur — qui hante ce chercheur de musique des sphères, ce conteur alchimiste d’un autre temps. Soif de paix. Soif de grands espaces illuminés de soleils bénéfiques. Soif de communication, aussi, avec l’essentiel des êtres : le cœur et l’âme. Des œuvres comme « Dialogue avec l’Eternel », « La Planète éclatée » sont d’étonnantes méditations d’une grande richesse spirituelle. » (Revue Moderne, exposition galerie Marcel Bernheim, Paris, 1975)

 

 

 

« L’abstrait d’un côté, le figuratif de l’autre et, entre les deux, un rêveur, un poète, un peintre au surréalisme des plus personnels Paul Schuss, à la Galerie de la Place Beauvau.

D’une délicatesse infinie, le pinceau pose sur la toile des touches en même temps évocatrices et précise. On se trouve face à un univers que l’on croit connaître mais auquel le peintre donne une aura inconnue.

Voici un arbre immense, imposant, richement feuillu, « L’Arbre aux fées ».

On ne les voit pas mais on ressent leur présence.

Elles vont apparaître… non …pas encore mais elles surgiront parce que le magicien Paul Schuss l’aura voulu.

Pureté des ciels, bleus ou fauves, tendresse du paysage et des tonalités environnant « L’Aube » qu’incarne une Aphrodite debout dans le ciel.

Une rivière se transforme soudainement en route à moins que ce ne soit le contraire et l’enchantement continue avec « Les Feux du Couchant » et « Le Chant des Sirènes » ((94 Faubourg St Honoré). Juin 1984. » (Prévisions, L’Économiste de Paris, Panorama artistique, Galeries et Musées, par Robert Barret)

 

 

 

Pour plus d’articles Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schuss

 

Rêves et paix (Paul Schuss)

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11 décembre 2022 7 11 /12 /décembre /2022 09:48

 

HUMEUR ET HUMOUR (3)

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FRANCE ET AFRIQUE ?

 

 

Deux vieux amis, tous deux enseignants retraités, Jean-Jacques, le Français et Alioune, ressortissant de l’Afrique de l’Ouest.

Jean-Jacques a longtemps enseigné la psychologie dans plusieurs universités africaines.

Alioune, quant à lui a aussi enseigné longtemps en Afrique, puis en France.

Ils devisent sur quelques traits caractéristiques du tempérament français et africain ainsi qu’on le voit dans le dialogue ci-dessous.

 

 

Jean-Jacques : Sans céder au catastrophisme intégral, force est de constater que ce phénomène a également cours en France sous bien des aspects (même si en ce domaine la comparaison ne peut se faire avec le cas africain) pour ne parler que de la montée de la spéculation parfois jusque dans les sphères dirigeantes de notre société, ainsi que dans des groupes organisés pour la fuite des capitaux ou pour peser sur les décisions de l'Etat, sinon sur des élus en général au moyen de la pression par l'argent. Les intérêts particuliers primant ainsi sur l'intérêt commun, cette situation aboutit à la longue à une dilution du tissu social et du sens civique. Or, le sens civique constitue précisément le ciment de la cohésion sociale. Une société n'est pas un assemblage d'individus, mais un encastrement de corps et d'esprits, un enchevêtrement de destins. De ce point de vue, on peut affirmer que les années 1960 ont signé l'acte de décès d'une certaine France, une France sans doute agraire et paysanne, mais aussi plus authentique, plus vraie où les Français étaient certainement encore plus proches les uns des autres. Mais, chez nous, la montée du phénomène est autrement plus ancienne qu'en Afrique. Ce phénomène prend son essor au XVIIIe siècle et accélère le pas dans la seconde moitié du XXe siècle. L'argent est en passe de devenir l'indicateur social privilégié et sa possession, le critère absolu du statut social. On assiste ainsi aux ravages de l'esprit de profit qui n'est pas seulement générateur de corruption et de concussion, mais aussi du mépris de l'autre et de l'individualisme forcené. Loin de nous l'antique pratique du « don et contre don » des premiers siècles médiévaux. On a oublié qu'au départ, l'argent n'était qu'une simple unité de troc.

Il est des sociétés où, avec de l'argent on est libre en droit et en fait, d'autres où, sans argent, on est libre en droit mais pas en fait. D'autres encore où sans argent on est libre en droit et en fait. Il s'agit de savoir dans quel type de société l'on est. Les propos qui suivent d'Alfred Grosser sont assez édifiants en la matière :

 

« ... Mais à cette époque, l'élève du primaire aspirait facilement à devenir instituteur comme signe d'ascension sociale. Aujourd'hui, l'instituteur ou même le professeur de collège qui recommande à ses élèves de faire comme lui ne soulève pas l'enthousiasme de la classe (sauf si elle pense qu’on évite au moins le chômage quand on est fonctionnaire).

Les instituteurs, les assistantes sociales, les infirmières, les agents des administrations sans lesquels la France ne serait pas gouvernée, pas gérée, ont toujours été habitués à être relativement mal payés. Mais nombre d'entre eux pouvaient à bon droit se sentir considérés.

Or, à mesure que l'argent prend le caractère de critère central de la réussite et même de valeur humaine, la considération s'en va et l'assistante sociale peut avoir l'impression que son métier peu estimé consiste simplement à faire tenir tranquille les déshérités, dont la révolte mettrait en cause la réussite des puissants de la société, donc de l'argent.

Le tableau est assurément trop noir, mais la tendance semble indéniable. L'exemple pernicieux vient très souvent de haut. Des hauteurs de l'Etat ou du sommet du département ou de la région dont les nouveaux immeubles de prestige rappellent peu la rue de Martignac ! » 

                      Alfred GROSSER (cité par Ouest France)

L'argent prend ainsi donc de plus en plus valeur de « critère central de la valeur » humaine, d'étalon unique de la réussite.

 

***

 

Il nous faut désormais veiller à ce que l'argent ne tue pas le civisme, que les droits n'éclipsent pas les devoirs. Il nous faut réapprendre le sens de l'autre, cultiver celui du bien commun et en définitive, promouvoir une « politique de civilisation » qui mène au respect de l'autre et du bien commun. Bref, enseigner la notion de citoyen. Une société qui perd le sens de la solidarité est une société qui perd celui de la responsabilité. Une société qui perd le sens de la solidarité et le sens de la responsabilité est une société qui perd de sa substance. Sans le sens de la solidarité et celui de la responsabilité la République est en danger.

À propos de civisme, j'ai relevé, au hasard de mes lectures cette « confession » dans l'hebdomadaire Télérama (du 31 mai 1995) d'un maire d'une petite commune rurale de cent quatre vingt dix habitants. Ce maire, ancien instituteur qui jette l'éponge, renonçant à briguer un nouveau mandat confie :

« ... Il y a quelques années encore, tout le monde se sentait responsable : quand, à la suite d'un orage il fallait déboucher un fossé, pousser une pierre tombée sur la route, les voisins y allaient tout naturellement. Les gens se prennent moins en main...

Il y a quelques années, même les bêtises des enfants étaient prises en main de manière plus collective. Maintenant, c'est chacun chez soi, et si un jeune dérape, c'est moins toléré... » Tandis qu'un autre maire d'une ville de cent vingt cinq mille habitants confirme :

« Actuellement, il y a un manque frappant de civisme. Chacun cherche à tirer la couverture à soi. »

Alioune : Le civisme social est ciment de la société. La vacuité civique est une menace pour la démocratie.

J.J. : Je ne puis m'empêcher de faire allusion encore une fois à l'Afrique malade d'elle-même. J'ai trouvé son auteur bien naïf en certains chapitres, notamment ceux où les rapports entre l'Etat et le citoyen constituent le thème principal. L'auteur y parle de cette espèce d'émulation entre des fonctionnaires qui consistait à savoir « qui volera le plus l'Etat... » Sais-tu qu'en France, on n'est pas toujours exempt de la même tentation, celle de se servir aux dépens de l'Etat, c'est-à-dire de se servir au lieu de servir ? Naturellement, il faut se garder de toute généralisation, les hommes et femmes intègres sont légion dans ce pays fort heureusement. C'est à ces serviteurs consciencieux, intègres et dévoués parfois jusqu'à l'abnégation que la France doit aussi sa force et sa solidité en tant que nation. Ce constat ne doit pas empêcher par ailleurs de déceler parfois, parmi une certaine catégorie de Français cette espèce de surenchère à l'incivisme. C'est alors à qui respectera le moins les règlements, à qui contournera le mieux les lois...Cela va du conducteur de véhicule sur l'autoroute qui foule aux pieds le code de la route au petit artisan qui cherche tous les moyens détournés possibles pour payer moins d'impôts qu'il ne doit. Là-bas, chez toi, quand les gens volent l'Etat, c'est sans doute parce qu'ils ont faim, qu'ils ont des besoins incompressibles : besoin de se nourrir, se vêtir, se loger, se soigner (dans ces pays sans sécurité sociale), bref, besoin de vivre décemment ; tandis que chez nous, ce ne sont pas toujours les « petits » ou les « moyens » qui s'adonnent le plus à ce genre de sport. Comment expliquer cette espèce de jubilation intime que certains Français éprouvent à enfreindre les règlements et à se plaindre quand ils sont manifestement dans le tort ? C'est à qui trouvera les meilleurs « trucs » pour déclarer le moins de revenus possible. Et que dire lorsque ce sport singulier est celui auquel se livrent volontiers les moins mal lotis de la société, les plus gâtés par le sort ?

 : Phénomène curieux.

 

***

 

J.J. : Tous ces petits jeux d'incivisme ajoutés les uns aux autres me semblent de nature à nuire à la bonne marche de la démocratie ; car il existe quelques signes forts qui ont valeur de symbole, au sens où, symbole signifie petits signes chargés de sens : parmi lesquels ce manque d'égard vis-à-vis des autres, dans la conduite automobile certes, mais aussi l'injure facile aux hommes et aux institutions, le plaisir manifeste de s'asseoir dans une jubilation béate sur les règlements et lois qui régissent la société.

En France, le droit est en voie de tuer le devoir et c'est là qu'il faut aussi chercher la source de bien des maux de ce pays. Ce mal vient parfois de loin, du fond de l'histoire.

A. : Oui, je crois que les illustres auteurs de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de septembre 1789 auraient dû coupler ce texte historique fondamental avec celui de la déclaration des devoirs du citoyen, expressément mis en exergue. A présent le problème semble sans issue.

J.J. : Si. La pédagogie !

Je garde en mémoire — comme incarnation de cet esprit de dénaturation de la démocratie — le fait que, par deux fois, j'aie vu des personnes — des jeunes et des vieux — siffler, injurier publiquement un président de la République en fin de mandat, quittant définitivement le palais de l'Elysée après avoir remis les clefs de la nation à son successeur.

D'où vient l'utilité de ces injures, comment les justifier dès lors que le peuple — c'est-à-dire ces mêmes citoyens — s'est exprimé majoritairement pour un homme par le moyen du suffrage des urnes ? A quoi sert donc le suffrage universel s'il ne peut éviter la violence et les agressions physiques et morales à l'égard des élus de la nation ? S'il ne peut adoucir les mœurs politiques ? Le fait que le sortant ait perdu ne suffit-il pas ? Faut-il encore l'injurier ? Cette injure n'est-elle pas d'abord adressée à la démocratie ? A cet égard, la comparaison s'impose avec ce qui se passe autour de nous, dans des systèmes politiques comparables au nôtre, c'est-à-dire dans des régimes authentiquement démocratiques. Je pense aux Etats-Unis ou plus près de nous à l'Espagne, au Royaume-Uni, à l'Allemagne... Dans ces pays de telles manifestations sont ignorées (question de culture politique ?) à l'occasion d'une alternance politique, ou à l'égard de perdants à l'issue d'élections.

Serions-nous moins civilisés ? Moins démocrates ? Sommes-nous un peuple de démocratie mûre ou en maturation démocratique ? Sommes-nous tout simplement un peuple civilisé ?

A. : Sans aucun doute. Le peuple français est un peuple civilisé qui a amplement sa place au sein des peuples les plus évolués du monde, mais qui doit simplement s'exercer à la pratique d'une démocratie apaisée. La démocratie avancée se nourrit de l'humilité républicaine.

J.J. : Soit. En fin de compte la France et l'Afrique ont quand même quelques points communs.

A. : Ce sont deux vieilles connaissances.

Je constate cependant un certain étiolement de plus en plus perceptible dans les relations entre la France et ses anciennes colonies comme avec l'Afrique en général.

J.J. : « Les nations sont comme les individus. Elles ne sont ouvertes aux autres que quand elles sont bien en elles-mêmes, dans leur tête, dans leur peau. »

 

 

 

 

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6 décembre 2022 2 06 /12 /décembre /2022 09:33

HUMEUR ET HUMOUR (2)

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ET L’AFRIQUE ?

 

 

Deux vieux amis, tous deux enseignants retraités, Jean-Jacques, le Français et Alioune, ressortissant de l’Afrique de l’Ouest.

Jean-Jacques a longtemps enseigné la psychologie dans plusieurs universités africaines.

Alioune, quant à lui a aussi enseigné longtemps en Afrique, puis en France.

Ils devisent sur quelques traits caractéristiques du tempérament africain ainsi qu’on le voit dans le dialogue ci-dessous.

 

 

Alioune : Que dire des sociétés africaines en ce domaine ? L'impact de l'argent, ses ravages et désastres n'y sont-ils pas encore plus sensible ?

Jean-Jacques : J'en conviens. En vingt ans d'intervalle, j'ai pu constater une évolution considérable de la mentalité africaine vis-à-vis de l'argent. A mon arrivée en Afrique vers les années soixante, l'argent était loin d'avoir ce caractère sacré qu'on lui connaît dans les années quatre-vingts, principalement dans les campagnes, mais aussi les villes évidemment. Maints services autrefois rendus à des voisins par des voisins, à des parents voire à des inconnus l'étaient à titre purement gracieux. Pour certains services importants rendus à autrui, une noix de cola dans les pays de savane, ou une mesure de vin de palme dans les pays de forêt constituait le seul salaire requis. De nos jours, tout cela semble définitivement révolu, oublié. Partout, y compris dans la brousse la plus profonde et la plus fermée, l'espèce sonnante et trébuchante semble le prix incontournable de tout service si infime soit-il. Du coup, l'effet le plus sensible de ce phénomène qu'il m'est arrivé de mesurer fut la perte d'une certaine convivialité naturelle, la perte du sourire africain. La fête est finie au village. Ce qui rejaillit sur tous les autres aspects dans les rapports humains. Comment l'expliques-tu ?

A. : C'est une perte inestimable. J'ai pu voir aussi, hélas, la montée inexorable de l'esprit mercantile avec son cortège de ravages dans les cœurs et les esprits au sein des sociétés africaines.

              La pratique de l'impôt de capitation généralisée à partir du début du XXe siècle par la colonisation a sans doute constitué un moment privilégié de l'éveil des Africains à l'argent au sens moderne du terme. Cet impôt de plus en plus exigé en espèces au fil des ans a abouti à une véritable déstructuration des sociétés traditionnelles. Pour avoir de l'argent afin de payer l'impôt annuel et échapper ainsi à la rigueur implacable de la loi qui s'abat inéluctablement sur tout défaillant, il fallait user de tous les moyens licites et illicites, d'où les migrations de travail à travers toute l'Afrique, de la savane à la forêt, de la brousse vers la ville, de colonie à colonie ; car ne pas pouvoir payer l'impôt à la date fixée par l'Administration coloniale équivalait à une véritable condamnation à la déchéance sociale, à une damnation, à l'humiliation suprême.

De plus, par cette exigence de l'impôt en argent, les colonisateurs (français, anglais, belges ou portugais) ont introduit des modifications majeures, en imposant à leur profit des cultures industrielles dont avaient besoin leurs industries, au détriment des cultures vivrières traditionnelles. L'intérêt était double pour eux. D'une part cela permettait d'ancrer davantage dans l'esprit des Africains la nécessité de gagner de l'argent, donc de pouvoir acheter les produits d'importation provenant d'Europe, d'autre part, en plus de l'approvisionnement à bon compte des industries européennes en matières premières, la pratique de ces cultures, en désorganisant les sociétés africaines, les rendaient plus insécurisées, donc plus malléables... Le producteur africain, mû par l'intérêt mercantile en même temps que contraint, fut amené à s'adonner aux cultures industrielles spéculatives : cacao, café, coton, arachides... ou au travail des mines en Afrique du Sud, mais aussi au Congo belge ou dans les colonies portugaises... l'Administration coloniale française décida d'introduire le cacao en Côte d'Ivoire, les Britanniques ayant tenté la même opération dans leur colonie de Gold Coast (Ghana) comme culture forcée en 1908. Ce fut en Côte d'Ivoire comme au Ghana, un échec total au début de l'initiative (de même au Sénégal avec l'arachide dont la culture fut encouragée dès le milieu du XIXe siècle par Faidherbe, gouverneur de la colonie), les paysans africains désemparés refusant la culture de la nouvelle plante. C'est alors que l'impôt jusque là en nature : denrées, céréales, gomme de caoutchouc, peaux de bêtes... changea d'aspect et l'obligation de sa perception en espèces fut étendue dans toutes les colonies européennes d'Afrique. En conséquence, l'impôt étant désormais exclusivement perçu en espèces, les paysans africains s'engagèrent-ils alors de façon déterminée pour certains, dans la production de ces nouvelles cultures. Plus ils les pratiquaient, alléchés par l'appât de l'argent, plus ces cultures prenaient de l'importance aux dépens des cultures vivrières traditionnelles. Le développement de ces cultures industrielles connut d'autant plus de succès qu'il comblait un vide créé par la suppression officielle de la traite esclavagiste. Elles permettaient d'acquérir les produits des industries européennes, de plus en plus préférés aux productions locales qui périclitaient en conséquence. On entrait ainsi peu à peu dans ce cercle vicieux, véritable engrenage aux effets amplificateurs. Ce fut le même processus au Ghana, au Nigeria, en Côte d'Ivoire...L'une des conséquences en est que ces cultures industrielles ont pris le dessus en s'érigeant au rang de monoculture de nos jours. Toute l'économie de nombre de ces pays producteurs se trouve de ce fait tributaire du cours de ces produits sur le marché international. Quand le prix du café ou du cacao chute, c'est l'économie de ces pays qui plonge. Le malheur veut que le cours de ces produits soit fixé chaque année au niveau mondial à Londres ou Chicago par les pays développés consommateurs. Dans ce domaine également — comme ailleurs — une réflexion s'impose en vue d'une diversification des cultures de sorte que l'économie des pays africains ne soit pas indéfiniment prise en otage par le capitalisme international.

En Afrique du Sud, une législation spécifique élaborée dès 1903, obligeait les Africains à aller s'engager dans les mines ; législation appuyée sur la mise en place d'un impôt de capitation très lourd en espèces bien entendu. Le résultat de cette initiative fut qu'en 1909, quatre vingt pour cent des travailleurs mâles Zoulou étaient des travailleurs « immigrés » dans les régions minières du pays. L'agriculture africaine traditionnelle se voyait dès lors confinée à l'autosubsistance et chargée en particulier de nourrir les familles des travailleurs restées au village. Un schéma quasi identique prévalut également dans les colonies belges, principalement au Congo alors doté de riches régions minières.

Cet impôt en argent exclusivement, mis en place par la colonisation fut considéré après les indépendances comme une merveilleuse trouvaille et conservé comme telle. De même, ainsi que tu viens de le constater, des services jadis rendus au titre du bénévolat et sans la moindre idée de contrepartie sont désormais rétribués en argent. Parallèlement à l'obligation de se soumettre aux nouvelles charges fiscales, la société africaine était et reste inondée de produits étrangers consécutivement à la création de besoins nouveaux, le plus souvent factices, jugés cependant indispensables et préférés aux produits et productions locaux qui entraient de ce fait peu à peu dans une éclipse sans doute irréversible. Le goût pour ces produits se perdait ainsi et avec lui les techniques qui y sont liées.

L'argent sur-apprécié en tant que tel par rapport aux valeurs traditionnelles se révèle un ferment majeur de déstructuration sociale et culturelle. Ainsi se met en place l'engrenage dans lequel l'Africain perdra peu à peu son âme en devenant étranger à lui-même.

 

 

(Suite prochainement)

 

 

 

 

 

 

 

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28 novembre 2022 1 28 /11 /novembre /2022 10:24

HUMEUR ET HUMOUR (1)

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LES FRANÇAIS EN PROIE

À

UNE NOUVELLE ÉPIDÉMIE ?

 

 

Deux vieux amis, tous deux enseignants retraités, Jean-Jacques, le Français et Alioune, ressortissant de l’Afrique de l’Ouest.

Jean-Jacques a longtemps enseigné la psychologie dans plusieurs universités africaines.

Alioune, quant à lui a aussi enseigné longtemps en Afrique, puis en France.

Ils devisent sur quelques traits caractéristiques du tempérament français ainsi qu’on le voit dans le dialogue ci-dessous.

 

 

Jean-Jacques : Les Français apparaissent en général comme des gens qui vivent perpétuellement sur la défensive, prisonniers de leur ego, ce qui amène chacun à vivre dans son monde au lieu de vivre dans le monde. Ceci ne favorise ni l'ouverture, ni la communication.

Alioune : Je plains les Français, atteints d'un mal qui sévit sous forme d'épidémie en passe de devenir endémie : le stress, le mal du siècle, qui ronge la population du pays. Mal nouveau qui menace tous les pays développés du monde — semble-t-il — mais dont la France constitue incontestablement le pays d'élection et de prédilection, ce qui se traduit par un record de consommation de médicaments, précisément d'antidépresseurs et autres tranquillisants ou somnifères. 

Personnellement, j'ai connu une famille dans mon voisinage (alors que j'habitais une ville du centre-est de la France) qui se situait — si j'en jugeais par les apparences — largement dans la tranche sociale la plus aisée du pays. Par une occasion fortuite, j'eus l'honneur d'être reçu à dîner dans cette famille. L'occasion me fut ainsi donnée de l'observer dans des conditions idéales. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que tout le monde y était malade parce que atteint du stress. Le chef de famille, P D G. d'une moyenne entreprise internationale assez bien cotée, avait le stress parce que les statistiques du mois qui venait de s'écouler indiquaient un léger fléchissement du chiffre d'affaires de son entreprise. Sa secrétaire (également conviée à dîner ce jour) m'a certifié que le mois précédent, il était en proie au même mal parce que ce même chiffre avait progressé au point de faire l'objet des louanges d'une revue économique spécialisée. Le P D G. redoutait alors la concurrence.

La maîtresse de maison souffrait également du stress parce que le bulletin scolaire du petit dernier, élève de cinquième au collège, n'était pas très brillant. Elle était en même temps rongée du même mal parce que sa fille aînée avait un flirt un peu poussé avec un jeune chômeur du quartier.

Quant aux enfants, ils étaient encore plus atteints que leurs parents. Le plus jeune parce qu'il fallait se lever tôt chaque matin (à sept heures trente) pour aller au collège dans la voiture conduite par le « chauffeur de papa ». Quant à la fille, le stress qui la rongeait depuis de longs mois avait pour origine le regard peu approbateur de son père qu'elle croisait chaque fois que ses petits copains, invités à la maison, faisaient du bruit ou buvaient de l'alcool un peu plus que de raison.

Enfin, selon la maîtresse de maison, le chien et le chat étaient, à leur tour, malades du stress tout simplement parce que leurs maîtres étaient victimes de ce mal.

J.J. : Cette famille ne constitue pas une exception. Ceux qui parlent le plus de stress n'en sont pas toujours les vraies victimes. J'en connais plusieurs qui leur ressemblent. Pis, je mets quiconque au défi de me citer un seul foyer de ce pays dont un membre n'est pas, n'a pas été ou ne sera pas un jour ou l'autre atteint de ce mal ravageur qu'est le stress. Et c'est sans espoir, sans remède... 

A. : Mais si ! Il faut tuer le mal. 

J.J. : Penses-tu. C'est comme l'hydre de la légende ; coupez une tête, il en repoussera aussitôt deux, cinq, dix !  

A. :C'est vrai que la nature a horreur du vide. Je vois une solution au mal, à mon sens radicale.

J.J. : Laquelle ?

A. : Emasculer le stress.

J.J. : Par quel moyen ?

A. : La pédagogie. La thérapie du rire, le rire vrai, naturel, communicatif, car les Français — semble-t-il — ne rient plus que cinq minutes en moyenne par jour contre vingt il y a cinquante ans. Plutôt le rire que les antidépresseurs ou autres béquilles chimiques.

J.J. : Excellent. Il est grand temps de se pencher sur le mal en effet ; on en arrive au point où les Français deviennent incapables d'humour, cette « politesse du désespoir ! ». Et lorsqu'on est incapable d'humour élémentaire, la haine n'est pas loin. Or, on ne construit rien de beau, de grand sur la haine. La haine, avec la violence qui la symbolise, est un facteur de désagrégation sociale. J'ai été témoin direct ou indirect de quelques scènes caractéristiques à cet égard.

Un touriste anglais circulant sur une route départementale du centre de la France constate que le coffre de la voiture qui le précède, conduite par un Français, est ouvert et qu'il s'en échappe divers objets qui jonchent la chaussée. Il croit bon d'avertir ce conducteur au moyen d'appels de phares et de grands signes de la main. Brusquement, le Français arrête sa voiture, sans chercher à comprendre, sort un fusil, le montre à celui qui l'avertit en le menaçant et proférant des injures grossières.

L'humeur de certaines personnes en est au point où elle interdit de leur être serviable car tout geste de sympathie devient de facto casus belli.

Je fus aussi témoin de cette autre scène où, à une intersection, un automobiliste ne respectant pas l'obligation d'arrêt au stop, faillit provoquer un grave accident. Pour l'éviter, celui à qui revenait la priorité de passage avertit le premier au moyen d'un coup de klaxon. C'est alors que l'automobiliste fautif bondit de son véhicule qu'il arrêta en catastrophe, se jeta sur celui qui avait — dans son droit — usé du klaxon et le cribla de coups de poing d'une fureur bestiale. Comment qualifier ce geste sinon de geste dicté par la haine ?  

A. : La haine est un sentiment qui use et qui enlaidit.

 

***

J.J. : Et que dire des deux faits divers suivants tels que rapportés par le quotidien Ouest-France ?

« Accès de violence entre automobilistes

Un pistolet sur la tempe

Grosse frayeur pour un jeune automobiliste rennais dans la nuit de jeudi à vendredi. Pour avoir roulé trop lentement, il a été rattrapé par l'automobiliste trop impatient qui le suivait et... s'est trouvé avec un pistolet sur la tempe.

Il était 0h30, jeudi soir, rue Legraverend, à sens unique. Au volant de sa voiture, un étudiant se dirige vers le centre-ville. Il a quatre passagers à bord. Il cherche une place de stationnement pour faire un créneau et roule donc très lentement. Trop lentement doit penser le conducteur d'une Renault qui survient derrière lui.

Dans cette dernière voiture, deux hommes sont assis à l'avant et deux femmes à l'arrière. Le conducteur manifeste son impatience par des jeux de phare, des coups de klaxon répétés, le poing menaçant puis entreprend finalement de doubler. Arrivé à la même hauteur, le passager avant à côté du chauffeur pointe un pistolet à grenailles vers l'autre automobiliste qui prend peur et ralentit.

Les deux hommes armés font une queue de poisson et s'arrêtent pour immobiliser les cinq étudiants. Le conducteur, qui a repris le pistolet à son passager descend de sa voiture et se dirige rapidement vers l'autre voiture. Il braque le pistolet à bout touchant sur la tempe gauche de l'automobiliste et profère des insultes. Puis avec la crosse de l'arme, il brise la vitre de la portière gauche, la faisant voler en éclats. Il repart furieux, remonte dans sa voiture et démarre en trombe laissant les cinq étudiants très choqués. ...» (Ouest-France, 4 mai 1996)

 

Et cet autre fait divers ?

« Il emmène l'automobiliste énervée ... sur son capot

Un mois de prison pour les coups

Garder son calme en voiture. Le tribunal a voulu, hier, donner une leçon aux automobilistes trop violents. Un mois de prison ferme pour avoir porté des coups à une femme un peu énervée.

Le 8 janvier à 17h, une jeune femme circule rue Alphonse Guérin. Elle a à son bord deux jeunes enfants. Soudain une R14 quitte un stop sous son nez. Visiblement, la R14 a tout juste eu le temps de passer. Mme P. ne l'entend pas ainsi. Vexée, furieuse, elle joue de ses phares, frappe son volant, fait des gestes.

Le conducteur de la R14, M. C. 25 ans tout aussi nerveux veut montrer à la dame que lui non plus ne s'en laisse pas compter. Il ralentit, roule à 10km/h, ce qui énerve encore plus la conductrice. Jusque là rien de trop grave.

Mais les choses s'accélèrent quand les voitures s'arrêtent. Selon Mme P. M. C. descend de sa voiture, la saisit au collet et la jette à terre. Elle se relève, se place devant la R14 qui démarre. Elle a juste le temps de sauter sur le capot et... de s'accrocher aux essuie-glaces.

L'énervement collectif

La voiture roule et, quelques dizaines de mètres plus loin, s'arrête dans le parking du vélodrome. Coup de frein, glissement à terre de la passagère clandestine.

Ce n'est pas fini ! M.C. quitte à nouveau son volant et rattrape Mme P. qui comprenant enfin que la situation tourne mal s'enfuit en criant au secours. Saisie par les cheveux, elle encaisse un coup de poing au visage et des coups de pied. M.C. lui prend la jambe et la tord.

Mme P. s'en tire avec une fracture du nez, une entorse à la cheville et une plaie à la lèvre... J.G » (Ouest-France 7 janvier 1993).

**

Il est assez curieux qu'en France on ait perdu à ce point le goût de se parler pour se comprendre. Qu'on ne se donne pas cette peine élémentaire de se parler pour faire savoir et pour dire ce qu'on veut, ce qu'on ne veut pas. Que soient tombés si bas le devoir et le sens de l'élémentaire courtoisie. Que tout, entre Français, se règle par des injures et des coups.

          Que signifie donc ce retour inexorable à la morale des cavernes ? 

A. : Une main ouverte tendue est toujours préférable à un poing fermé. Il est tout de même étonnant que les choses les plus simples ne puissent pas se dire simplement. Ces faits divers nous laissent la fâcheuse impression d'une atmosphère de guerre civile permanente entre Français. Comment peut-on en arriver à cette extrémité dans un pays civilisé ? La réflexion de J. Fouché en 1815 « on croirait que la France renferme deux nations aux prises l'une avec l'autre » serait-elle encore d'actualité aujourd’hui ?

J.J. : C'est une France de la haine.  

A. : Non. Une nation de haine ne peut être une grande nation. Or, la France est une grande nation. Sais-tu que la France est le deuxième pays au monde où l'on adopte des enfants étrangers, c'est-à-dire une nation parmi les toutes premières au monde qui acceptent d'accueillir de petits enfants étrangers en mal d'amour et ce, sans distinction d'origine géographique ni de couleur de peau ? Comment expliquer un tel geste sans une forte dose de générosité de cœur et d'âme, et sans cet humanisme à toute épreuve ? 

J.J. : C'est effectivement là une question à poser et à méditer. S'agirait-il alors de cette haine courtoise qui n'exclut nullement les élans de générosité sincères, ni la solidarité vraie aux heures critiques ?

A. : Je crois qu'il se passe pour les Français ce qu'il est loisible de constater au niveau de chaque famille. Je pense qu'en France on s'aime, mais qu'on ne se le dit pas où qu'on ne sait pas se le dire. Raymond Aron, parlant de la France la qualifie de « société de satisfaction querelleuse » à moins que ce ne soit tout simplement une société de discorde fraternelle permanente. C'est peut-être aussi tout cela.

J.J. : Je crois trouver un autre facteur d'explication de cette humeur morose des Françaises et des Français, de cette semi-guerre civile franco-française, dans l'impact de plus en plus visible de l'argent sur notre société et sur ses valeurs. C'est là à mon sens un sujet de préoccupation certain...

 

 

(Suite prochainement)

 

 

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25 septembre 2022 7 25 /09 /septembre /2022 09:16

 

VILLE OU VILLAGE ?

 

 

Autrefois (au 20e siècle), les jeunes surtout, quittaient la campagne pour s’installer en ville (cf. la chanson de Jean Ferrat La Montagne).

Aujourd’hui, après le Covid, c’est le chemin inverse que beaucoup suivent en retournant s’installer à la campagne.

 

Voici de beaux textes parlant de la campagne ou de la ville.

 

 

>> UN PAUVRE VILLAGE DE MONTAGNE

 

"On arrive, et le chemin devient une espèce de rue très étroite où passe tout juste un mulet chargé ! Elle s'en va tout de travers, toute tordue par des façades qui avancent ou bien qui reculent…

D'un côté de la rue, par l'effet de la pente, les maisons sont en contrebas, montrant seulement leur toit ; de l'autre, au contraire, elles se dressent tout entières et semblent d'autant plus hautes.

On trouve d'abord la fontaine qui est creusée dans un gros tronc, où l'on voit toujours des femmes qui lavent. A côté, il y a le four qui ouvre à l'air sa gueule noire dans un tas de pierres qui penchent, mal façonnées ; c'est là qu'on cuisait le pain de là-haut, noir et dur. Un peu plus loin, il y a la chapelle ; elle est blanche et toute petite, elle servait du temps où l'église n'était pas bâtie ; à présent, elle ne sert plus. Elle a bien toujours une petite cloche pendue dans une espèce de clocheton qui branle tout entier et qui craque sitôt qu'on commence à sonner ; mais à présent, dans la chapelle, ils mettent les cibles pour les exercices de tir, la pompe, la civière, et les araignées sont venues, qui ont fait leurs toiles au plafond.

[...] Tout le reste du village, c'est des maisons. Elles se suivent le long du chemin, un peu penchées, s'appuyant de l'épaule comme si elles avaient sommeil Il y a des petits enfants partout, assis ou qui se roulent par terre ; on voit, par les portes ouvertes dans l'intérieur des cuisines, et c'est parfois un escalier ou un haut perron de pierre où un homme se tient debout, mais des montagnes tout est caché, et rien non plus ne se voit du ciel qu'en haut, entre les toits, un autre petit chemin bleu.

Alors, on arrive à la maison du juge, la plus belle de toutes… Puis, tout à coup, les pentes reparaissent, les pâturages, les rochers : c’est qu'on est arrivé au bout du village. Il cesse soudain : point de maison isolée ; les vents sont trop forts, elles auraient peur, et peur aussi des grandes neiges. Elles ont fait entre elles comme une alliance, se prêtant aide et protection."

                                    (C.F. Ramuz, Le village dans la montagne, Editions Bernard Grasset.)

 

 

>> LA VILLE EUROPEENNE

 

[…]

 

"C'était donc cela, une grande ville européenne : des maisons blanches ayant leurs murs et leurs grilles sur le même alignement, des avenues bordées d'arbres et baignées d'ombre, des rues qui, toutes, fuyaient, coupées à angle droit par d'autres rues semblables, plus ou moins longues, plus ou moins larges ?... C'était cela : l'église, dont la flèche aiguë s'effile vers le ciel, le cercle avec ses tennis et ses pelouses, l'hôpital, son parc et ses allées sablées, l'école et le tumulte de ses voix enfantines aux heures de récréation, la gare enfin avec son bruit métallique, ses sifflets grinçants et le halètement de ses machines et puis, d'autres monuments encore, également entourés de verdure, et pareillement troués de fenêtres alignées le long des façades ?"

[…]

                                                              (Jean d’Esme, Thi-Bâ, Editions de France)

 

 

>> "CONNAIS-TU MON BEAU VILLAGE ?

 

Connais-tu mon beau village

Qui se mire au clair ruisseau ?

Encadré dans le feuillage,

On dirait un nid d’oiseau.

Ma maison, parmi l’ombrage

Me sourit comme un berceau.

Connais-tu mon beau village,

Qui se mire au clair ruisseau ?

 

Loin du bruit de la grand-ville,

A l’abri du vieux clocher,

Je cultive un champ fertile,

Un jardin près d’un verger ;

Sans regret ni vœu stérile,

Mon bonheur vient s’y cacher,

Loin du bruit de la grand-ville,

A l’abri du vieux clocher.

 

Quand ta voix, cloche argentine,

Retentit dans nos vallons,

Appelant sur la colline

Les bergers et leurs moutons

Moi, joyeux, je m’achemine

En chantant vers mes sillons,

Quand ta voix, cloche argentine,

Retentit dans nos vallons."

                                                 (F. Bataille, Les trois Foyers, Juven Editions.)

 

 

 Brève biographie des auteurs :

 

Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947)

***

>> Le premier texte est de C.F. Ramuz

Charles Ferdinand Ramus (1878-1947), écrivain et poète suisse, est né à Lausanne en 1878. Son père tenait une épicerie coloniale et de vin. Sa mère affichait une certaine proximité avec l’église protestante libre.

Jeune, Ramuz vit à Lausanne puis à Cheseaux-sur-Lausanne et poursuit ses études dans des établissements vaudois.

Après l’école primaire, Ramus entre au Gymnase classique de Lausanne et réussit sa « maturité » en 1896. Puis il passe une licence de lettres à l’université de Lausanne en 1900. Ensuite il enseigne au collège d’Aubonne.

Il marque un intérêt pour la littérature et les disciplines artistiques et écrit ses premiers poèmes en 1896 lors d’un voyage à Karlsruhe et prends alors la résolution de devenir écrivain.

A 20 ans il part pour Paris, son objectif étant d’y poursuivre sa formation en préparant une thèse de doctorat dont le sujet porte sur l’œuvre du poète français Maurice Guérin. Jusqu’en 1904 les débuts parisiens de Ramuz sont difficiles et solitaires et il abandonne rapidement son projet de thèse.

Ramuz est en fait transformé au contact des lettres classiques françaises et commence à y découvrir son rapport à la « langue vaudoise », une forme de français marquée par un rythme et des intonations particuliers.

Il passe de longs séjours à Paris entrecoupés de vacances en Suisse et s’affirme en tant que Vaudois.

 

Après l’abandon de ses études, Ramuz écrit ses premiers textes.

  • Le Petit Village (poésie)
  • Aline (roman)

 

A partir de 1904 Ramuz partage son temps entre Paris, la Suisse romande et des voyages.

A Paris il fréquente le salon d’Edouard Rod qui l’aide à publier son roman « Aline ». Il fréquente également de nombreux écrivains et artistes suisses ou français : Charles-Albert Cingria, René Auberjonois, Henry Spiess, Adrien Bovy, André Gide…

Il collabore à la « Gazette de Lausanne », le « Journal de Genève », la « Bibliothèque universelle » et crée la revue « La Voile latine ».

Il reçoit le Prix Goncourt et le Prix Rambert

 

En 1913, il épouse Cécile Cellier, artiste peintre et en 1914 la famille quitte définitivement Paris pour s’installer à Lausanne où Ramuz continue sa carrière littéraire.

Ramuz s’intéresse aussi à d’autres formes artistiques : la peinture, la musique. A partir de cette époque son style s’affirme et évolue, ses thèmes sont plus sombres et spirituels : la mort, la fin du monde, le mal, la guerre ou les miracles.

Cependant ses écrits sont peu prisés du public et de la critique et Ramuz est progressivement isolé.

 

Quelques ouvrages parmi les nombreuses œuvres de Ramuz

  • 1903 : Le Petit Village
  •  1907 : Les Circonstances de la Vie
  • 1911 : Aimé Pache
  •  1915 : La Guerre dans le Haut-pays
  • 1917 : Le Règne de l’esprit malin
  • 1917 : La Guérison des maladies
  • 1927 : La Beauté sur la Terre

****

Jean d’Esme (1894-1966)

***

>> Le deuxième texte est de Jean d’Esme

Jean d’Esme, journaliste et écrivain français, de son vrai nom Jean Marie Henri d’Esmenard, vicomte, est né en 1894 à Shanghai et mort en 1966 à Nice.

Son père, fonctionnaire des douanes en Indochine était originaire de La Réunion.

Jean fait ses études à Paris et en 1914 entre à la section indochinoise de l’École coloniale.

Il s’oriente vers le journalisme et prend le pseudonyme de Jean d’Esme. 

Il travaille à la rédaction ou la direction des journaux Je sais tout, Le Matin et L’Intransigeant.

Puis Jean d’Esme devient un spécialiste du roman colonial dont le plus connu est Les Dieux rouges, roman fantastique qui se passe en Indochine.

1936 : il tourne La Grande Caravane, film sur le voyage d’une caravane vers les mines de sel de Bilma.

Directeur de Paris-Soir, il part pour un reportage en Espagne ; là, il est emprisonné par les troupes franquistes pour avoir filmé dans les zones interdites.

 

1941 : il réalise le film Quatre de demain, à Ramatuelle, à la demande du Secrétariat à la jeunesse du Gouvernement de Vichy. Thème du film : l’histoire d’un village français qui reprend confiance malgré la défaite, et ce grâce à la visite d’un groupe de scouts des Compagnons de France.

Esme écrit beaucoup de livre pour enfants dans la collection Bibliothèque verte (Hachette).

 

Jean d’Esme est

  • membre de l’Académie des sciences d’outre-mer
  • président de la Société des Écrivains maritimes et coloniaux
  • président de la Société des gens de lettres

 

A La Réunion, un collège à Sainte-Marie, porte son nom.

 

Jean d’Esme fut un écrivain prolifique.

 

Quelques ouvrages parmi ses écrits très nombreux :

  • Thi-Bâ
  • Les Dieux Rouges
  • L’Homme des sables
  • Les Maîtres de la Brousse
  • Les Chevaliers sans éperons
  • La Grande Horde
  • Leclerc
  • De Gaulle
  • Les Chercheurs de mondes

****

Frédéric Bataille (1850-1946)

***

>> Le 3e texte est un poème de Frédéric Bataille

 

Frédéric Bataille, poète et fabuliste français (Comtois), enseignant et mycologue, est né à Mandeure dans le Doubs en 1850 et mort à Besançon en 1946.

Issu d’une famille de paysans protestants, il est formé au métier d’instituteur à l’École modèle de Montbéliard.

Libre penseur et républicain, il déplaît aux parents d’élèves, malgré ses qualités pédagogiques.

1881, il est admis à la Société des gens de Lettres, puis en 1884, enseigne au lycée Michelet à Vanves.

 

Il se lance alors dans l’étude des champignons et cuisine.

1899, il entre à la Société mycologique de France et se révèle un mycologue exceptionnel. Il rédige plus de 40 mémoires dans le bulletin de la SMF et quelques uns dans le Bulletin de la Société d’Histoire naturelle du Doubs.

Il est décoré : Chevalier de la Légion d’Honneur et  Officier de l’Instruction Publique.

Il devient vice-président de la Société mycologique de France et acquiert une certaine renommée.

1905 : prix de l’Académie des Sciences.

A partir de 1908 il se consacre presque exclusivement à l’étude des champignons de sa région.

 

Quelques ouvrages :

  • Le Pinson de la Mansarde
  • Poèmes du soir
  • Les Trois Foyers
  • Pages d’Automne
  • Anthologie de l’Enfance
  • Monographie des Amanites et Lépiotes
  • Monographie des Astérosporés
  • Flore analytique des morilles et des helvelles
  • Flore monographique des Hydnes terrestres
  • Les réactions macrochimiques chez les champignons

 

Ces textes nous plongent dans la beauté de la nature, nous ressourcent, en contraste avec la ville plus oppressante pour beaucoup.

Et vous, Chers lecteurs, qu’en pensez-vous ?

 

 

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