Combattre l’islamophobie pour combattre la menace terroriste. On ne peut nier le fait que l’islam constitue aujourd’hui un défi majeur pour la France. Deuxième religion du pays par le nombre de musulmans et son impact social, l’islam est aussi sans doute la religion la plus mal connue des Français. Et pourtant, la France a un très long rapport avec cette religion depuis le moyen âge.
Point n’est besoin de remonter si loin dans l’histoire. On peut, à cet égard, simplement signaler le symbole que furent la construction et le financement de la Grande Mosquée de Paris, consécutifs à une loi expressément votée à cet effet par le Parlement en 1920, en l’honneur des musulmans qui ont combattu lors de la guerre de 1914-1918 et dont beaucoup sont morts pour la France.
Cette mosquée inaugurée le 16 juillet 1926 en présence des autorités politiques et religieuses du Maroc et de la Tunisie notamment, devait servir de trait d’union entre la République et le monde musulman (donc entre la France et l’islam) l’empire colonial français renfermant alors de 25 à 30% des musulmans du monde. Pourquoi l’islam est-il donc si mal connu et pourquoi fait-il si peur aujourd’hui ?
Si l’on en juge par ce que l’on entend couramment dans la rue et au café du coin, cette religion est différente des autres parce qu’elle serait incompatible avec la démocratie, avec toutes les formes de libertés et serait par conséquent insoluble dans la République.
L’islam fait peur également parce qu’il s’inscrit dans un contexte international particulier depuis la fin des années 1970 que l’on ne maîtrise pas. Parce qu’à l’échelle mondiale, l’expansion de l’islam politique radical est parfois associée à terrorisme, attentats ou violence aveugle en général.
Enfin, l’islam fait peur parce qu’on ne le connaît pas, ou qu’on ignore ses fondements autant que la réalité de la vie des musulmans en France. Il fait peur aussi parce qu’il est souvent victime de résonances historiques négatives : croisades, colonisation, guerres coloniales ou guerres de décolonisation. Cela fait certes beaucoup pour cette religion implantée de surcroît dans un vieux pays traditionnellement catholique et dont la culture est profondément imprégnée de catholicisme ou de judéochristianisme.
Qu’en est-il réellement ? Deux réalités importantes à connaître : 1 – L’écrasante majorité des 4,5 millions de musulmans vivant en France n’aspire qu’à une chose : vivre en paix en s’insérant du mieux possible dans la société française en harmonie avec ses valeurs fondamentales, y compris la laïcité.
2 – L’analyse du paysage islamique de France (P.I.F.) est une nécessité pour une bonne connaissance de l’islam et des musulmans en France. Au-delà des 4 principales organisations musulmanes officielles (l’Institut de la Mosquée de Paris, la Fédération Nationale des Musulmans de France, l’Union des Organisations Islamiques de France (l’U.O.I.F), le Comité de Coordination des Musulmans Turcs de France), généralement les mieux connues grâce à leur poids en effectif et leur rayon d’action, la connaissance de dizaines d’autres associations, moins médiatisées donc moins connues s’impose parce que permettant une vision plus large et plus complète de l’islam au sein de la République.
L’action de l’ensemble de ces organisations, leur rôle social, leur degré de rayonnement, leur militantisme même permettent de cerner de près la réalité de l’islam en France et sans doute de dissiper quelques malentendus ou erreurs de jugement. Sans une telle connaissance, ces malentendus et erreurs persisteront, faussant le jugement et engendrant la méfiance réciproque.
S’il existe quelques associations radicales porteuses de violence et de danger potentiel pour la République (une minorité selon les autorités compétentes : environ 2 000 sur 4,5 millions), liées à des réseaux internationaux de musulmans radicaux mus par un fanatisme obscurantiste, sont également répertoriées en France des associations de « musulmans laïques » qui sont affiliées à des associations laïques françaises et dont certaines militent farouchement contre le fanatisme religieux, les organisations radicales de type salafiste qu’elles combattent violemment.
De même il existe en France et hors de France des intellectuels musulmans de renommée internationale qui s’attèlent à la réécriture des textes religieux datant du moyen âge, en vue de les actualiser pour les adapter à la modernité, aux valeurs de la République et aux droits de l’individu. Ces érudits travaillent dans la discrétion mais avec détermination pour combattre par le texte et la raison, l’archaïsme sclérosant et nocif. Au-delà de cette ambition en rapport avec le dogme, leur objectif est de faire de « l’islam en France » « l’islam de France » qui épouserait entièrement le principe de laïcité, dont les animateurs et imams seraient formés en France et surtout qui ne serait plus financé de l’extérieur par des pays étrangers.
C’est tout cela qu’il faudrait porter à la connaissance du public par une pédagogie officielle de l’islam afin de combattre les fanatismes qui se nourrissent de l’islamophobie, laquelle ne discerne pas le bon grain de l’ivraie.