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27 août 2017 7 27 /08 /août /2017 07:39

LE PROGRÈS ? LE MEILLEUR OU LE PIRE ?

L’avenir de la Civilisation et de l’Homme.

La machine prendra-t-elle le pouvoir ?

Débat multiséculaire.

Issy-les-Moulineaux, XIXe siècle
L’industrie quitte l’atelier pour l’usine

Le XIXe siècle en France (comme en Europe) plus précisément la 2e moitié de ce siècle, marque le démarrage de l’industrialisation au sens moderne. La grande industrie marque le paysage urbain, puis la campagne, de son empreinte, puissante et soudaine. C’est la « révolution industrielle » en Europe de l’Ouest, inaugurée par l’Angleterre dès la fin du XVIIIe siècle.

En France, l’industrialisation découle alors de la volonté de l’empereur Napoléon III qui a l’ambition de transformer le pays en le modernisant, selon le modèle anglais. C’est le début des chemins de fer, des premiers trains, de la machine à vapeur

Mais, cette industrialisation, c’est surtout le règne de la métallurgie, du fer, de l’acier, des hauts fourneaux

L’empereur veut aller vite, dans la transformation et la modernisation du pays, et il entend le faire par la manière forte. À Paris, ce sont les grands boulevards, les immeubles haussmanniens, mais aussi les premières gares. Cette rénovation urbaine à marche forcée, sur le modèle de Paris, fut également imposée à toutes les grandes villes du pays.

Partout, le fer s’impose et marque l’architecture : gares, musées, théâtres, monuments…

Un train de voyageurs à la fin du 19e siècle

La peur de la modernité ?

    La révolte contre la nouveauté et la machine.

Mais, ces transformations des paysages urbains et le bouleversement dans la société qu’elles entrainent, inquiètent, et des mouvements de contestation naissent : La résistance à la modernité et au progrès technique ?

Des intellectuels, notamment des gens de lettres prennent la tête de cette résistance d’un genre inédit.

On a peur du train, on a peur des navires à vapeur, tout cela va si vite !

Parlant du train, le célèbre poète stoïcien, Alfred de Vigny, le compare à un taureau fou et dangereux. Il écrit : « Sur ce taureau de fer qui fume, souffle et beugle, l’homme est monté trop tôt. »

 

Dans les usines, des ouvriers qui se voient peu à peu remplacés par des machines, s’en prennent à ces outils de travail, les cassent, les qualifiant de « concurrents sans âme ».

Les médecins ne sont pas en reste et entrent aussi en résistance contre le train, cette invention diabolique et malsaine, propagatrice de maladies nouvelles.

La peur des 1ers chemins de fer

Enfin, des écrivains protestent, non contre la modernité, mais contre la manière dont elle est imposée, surtout au détriment des plus pauvres, chassés des centres-villes, leurs habitations rasées sans ménagement ni contrepartie. Rien n’y fait.

Pour marquer cet essor de la grande industrie, et signifier à l’Europe et au monde que la France est devenue une puissance industrielle, Napoléon III prend l’initiative de la première exposition universelle organisée en France, qui fut ouverte sur les Champs Élysées, du 15 mai au 15 novembre 1855.

Paris, Exposition universelle de 1855

Ce fut un événement considérable, un réel succès, avec près de 5 100 000 visiteurs, et la participation de 27 États et leurs colonies.

Malgré tout, ce succès n’entama en rien l’inquiétude et la réflexion des intellectuels à l’égard de la grande industrie et de la machine.

Le poète Baudelaire, connu également comme critique d’art, consacra, à ce titre, trois articles de fond à l’exposition de 1855.

Charles Baudelaire (1821-1867)
Poète français (chantre de la modernité cependant).Son recueil de poèmes : Les Fleurs du Mallui confère la notoriété et une place considérable parmi les poètes français.

 

« Le progrès

Il est encore une erreur fort à la mode, de laquelle je veux me garder comme de l'enfer. Je veux parler de l'idée du progrès. Ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance ; la liberté s'évanouit, le châtiment disparaît. Qui veut y voir clair dans l'histoire doit avant tout éteindre ce fanal perfide. Cette Idée grotesque, qui a fleuri sur le terrain pourri de la fatuité moderne, a déchargé chacun de son devoir, délivré toute âme de sa responsabilité, dégagé la volonté de tous les liens que lui imposait l'amour du beau : et les races amoindries, si cette navrante folie dure longtemps, s'endormiront sur l'oreiller de la fatalité dans le sommeil radoteur de la décrépitude. Cette infatuation est le diagnostic d'une décadence déjà trop visible.

Demandez à tout bon Français qui lit tous les jours son journal dans son estaminet, ce qu'il entend par progrès. Il répondra que c'est la vapeur, l'électricité et l'éclairage au gaz, miracles inconnus aux Romains, et que ces découvertes témoignent pleinement de notre supériorité sur les anciens ; tant il s'est fait de ténèbres dans ce malheureux cerveau et tant les choses de l'ordre matériel et de l'ordre spirituel s'y sont si bizarrement confondues ! Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes zoocrates et industriels, qu'il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et du monde moral, du matériel et du surnaturel.

Si une nation entend aujourd'hui la question morale dans un sens plus délicat qu'on ne l'entendait dans le siècle précédent, il y a progrès ; cela est clair. Si un artiste produit cette année une œuvre qui témoigne de plus savoir ou de force imaginative qu'il n'en a montré l'année dernière, il est certain qu'il a progressé. Si les denrées sont aujourd'hui de meilleure qualité et à meilleur marché qu'elles n'étaient hier, c'est dans l'ordre matériel un progrès incontestable. Mais où est, je vous prie, la garantie du progrès pour le lendemain ? Car les disciples des philosophes de la vapeur et des allumettes chimiques l'entendent ainsi : le progrès ne leur apparaît que sous la forme d'une série indéfinie, Où est cette garantie ? Elle n'existe, dis-je, que dans votre crédulité et votre fatuité. »

BAUDELAIRE. Exposition universelle. 1855. Beaux Arts I.

 

Paul Valéry, quoique né quatre ans après la mort de Baudelaire, fait du progrès technique un des axes majeurs de sa réflexion et de sa production littéraire.

Paul Valéry -1871-1945)

Écrivain, poète et philosophe (même s’il a toujours récusé ce titre) français.

Paul Valéry, écrivain engagé (en politique et au sein d’associations de bienfaisance) fut résistant pendant l’Occupation lors de la 2e Guerre mondiale. Il fut marqué par l’occupation du pays et de la capitale, qui porta préjudice à sa carrière.

Ses essais traduisent ses inquiétudes sur la pérennité de la civilisation et sur le progrès « machiniste » et matériel en général, mais surtout sur l’avenir de l’Homme. La machine, de sophistication en sophistication, ne finira-t-elle pas par s’imposer à l’homme et bouleverser sa vie, en en faisant son esclave ?

« Quant à nous, nous ne savons que penser des changements prodigieux qui se déclarent autour de nous, et même en nous. Pouvoirs nouveaux, gênes nouvelles, le monde n'a jamais moins su où il allait. (...)

Louis XIV, au faîte de la puissance, n'a pas possédé la centième partie du pouvoir sur la nature et des moyens de se divertir, de cultiver son esprit, ou de lui offrir des sensations, dont disposent aujourd'hui tant d'hommes de condition assez médiocre. Je ne compte pas, il est vrai, la volupté de commander, de faire plier, d'intimider, d'éblouir, de frapper ou d'absoudre, qui est une volupté divine et théâtrale. Mais le temps, la distance, la vitesse, la liberté, les images de toute la terre...

Un homme aujourd'hui, jeune, sain, assez fortuné, vole où il veut, traverse vivement le monde, couchant tous les soirs dans un palais. Il peut prendre cent formes de vie ; goûter un peu d'amour, un peu de certitude, un peu partout. S'il n'est pas sans esprit (mais cet esprit pas plus profond qu'il ne faut), il cueille le meilleur de ce qui est, il se transforme à chaque instant en homme heureux. Le plus grand monarque est moins enviable. Le corps du grand roi était bien moins heureux que le sien peut l'être ; qu'il s'agisse du chaud ou du froid, de la peau ou des muscles. Que si le roi souffrait, on le secourait bien faiblement. Il fallat qu'il se tordît et gémît sur la plume, sous les panaches, sans l'espoir de la paix subite ou de cette absence insensible que la chimie accorde au moindre des modernes affligés.

Ainsi, pour le plaisir, contre le mal, contre l'ennui, et pour l'aliment des curiosités de toute espèce, quantité d'hommes sont mieux pourvus que ne l'était, il y a deux cent cinquante ans, l'homme le plus puissant d'Europe. (...)

Je me suis essayé autrefois à me faire une idée positive de ce que l'on nomme progrès. Eliminant donc toute considération d'ordre moral, politique, ou esthétique, le progrès me parut se réduire à l'accroissement très rapide et très sensible de la puissance (mécanique) utilisable par les hommes, et à celui de la précision qu'ils peuvent atteindre dans leurs prévisions. Un nombre de chevaux-vapeur, un nombre de décimales vérifiables, voilà des indices dont on ne peut douter qu'ils n'aient grandement augmenté depuis un siècle. Songez à ce qui se consume chaque jour dans cette quantité de moteurs de toute espèce, à la destruction de réserves qui s'opère dans le monde. Une rue de Paris travaille et tremble comme une usine. Le soir, une fête de feu, des trésors de lumière expriment aux regards à demi éblouis un pouvoir de dissipation extraordinaire, une largesse presque coupable. Le gaspillage ne serait-il pas devenu une nécessité publique et permanente ? Qui sait ce que découvrirait une analyse
assez prolongée de ces excès qui se font familiers ? Peut-être quelque observateur assez lointain, considérant notre état de civilisation, songerait-il que la Grande Guerre ne fut qu'une conséquence très funeste, mais directe et inévitable du développement de nos moyens ? »     

VALERY. Regards sur le monde actuel.

 

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20 août 2017 7 20 /08 /août /2017 08:45

UN AUTRE VERSANT DES RELATIONS FRANCO-AFRICAINES ?

D’une rive à l’autre

Qui gagne, qui perd ?

 

La première possession française d’Afrique

La France s’établit au Sénégal au 17e siècle sous le règne de Louis XIV.

Depuis la ville de Saint-Louis (ainsi baptisée en hommage au roi de France), la domination française s’étend progressivement sur tout le territoire et, de là, à l’Est et au Nord, sur l’ensemble des territoires qui constitueront à la fin du 19e siècle, l’Afrique occidentale française (AOF).

Le Sénégal est un État indépendant depuis 1960. Les rapports entretenus avec l’ancienne puissance tutélaire sont de nature variée.

 

De l’ère coloniale à l’ère de l’indépendance : rupture relative.

Pas de table rase avec le passé.

Les liens tissés par l’histoire demeurent et se renouvellent.

 

Le document ci-dessous en révèle une des facettes.

Le film « Vers le sud » de Laurent Cantet, évoque ces relations entre jeunes hommes et femmes occidentales d’âge mûr.

 

Au Sénégal, des idylles au parfum d'arnaque

De jeunes et beaux Sénégalais deviennent les amants d'Européennes, célibataires et plus âgées. Ces aventures « intéressées » aboutissent parfois à des mariages qui finissent mal.

 

Saly. De notre correspondant

Saly, station balnéaire au sud de Dakar, se révèle la nuit. Ce vendredi, une bande de jeunes Sénégalais bon chic bon genre traîne devant un bar. « On cherche les balles perdues », ironise l'un d'eux, en désignant trois Européennes de plus de 50 ans. Ses comparses ricanent.

Ces jeunes amants sont surnommés les « antiquaires » ou « topp toubab » (suiveurs de Blancs, en wolof). « Ils cherchent une grand-mère européenne pour gagner de l'argent », se désole Boufane, barman de 32 ans à la Somone.

À Saly, Boubacar, vendeur au look rasta, connaît leur méthode par cœur : « Ils agissent près du village artisanal, sur la plage ou dans les bars et discothèques. » Entraînés, musclés, ils se présentent comme des guides, vendeurs d'objets artisanaux, chauffeurs ou plagistes. Leur point commun : leur art du compliment et leur totale disponibilité.

À l'instar de Diankha, 32 ans. L'apollon tripote sa bague : « Ma copine a environ 55 ans. À vrai dire, je n'en sais rien. Je sais qu'elle est plus âgée que moi. » Ils se sont rencontrés dans une discothèque de Saly. « Ça a été le coup de foudre, ironise-t-il. Depuis, elle vient chaque été. Dès qu'elle m'appelle, on se voit », reconnaît-il, tout en confiant penser au mariage.

 

« Cela finit en divorce »

Souhaite-t-il aussi se rendre en Europe ? « Si je la suis en Europe, c'est pour me trouver un travail et m'installer », assure-t-il. Ce que ne souhaite pas Wellé, un Don Juan de 45 ans à la moustache brossée : « Ces femmes viennent à Saly chercher une aventure. Souvent elles ont vécu des échecs sentimentaux. On leur fait passer de bons moments. »

Sa « copine » de 60 ans revient le voir régulièrement. Ils se sont rencontrés il y a quinze ans. « Elle n'est pas très belle, mais elle paie bien. Chaque fin de mois, quand elle est là, elle me donne 300 000 CFA (450 €). »

Wellé profite alors de la villa de sa compagne et utilise sa voiture. Le Graal pour beaucoup de ces jeunes Sénégalais, « à la recherche des 4 V : voiture, villa, virement, visa », selon Lionel Croes, sociologue belge spécialiste du sujet, basé au Sénégal. Wellé se targue d'être pragmatique. Il se défend d'être un profiteur ou de pratiquer une forme de prostitution : « C'est une relation gagnant-gagnant ! »

Les beaux parleurs recrutent aussi, via Internet. Parfois, la liaison aboutit à un mariage qui, souvent, ne dure pas. Lionel Croes a conduit des recherches sur le sujet : « En 2008, le consulat a recensé 381 mariage; entre Françaises et Sénégalais. À la mairie de Mbour, Khalifa Sow, qui célèbre les unions, est toujours surpris de l'écart d'âge entre les mariés. »

Une source anonyme à la gendarmerie de Saly note que « la plupart du temps, cela finit en divorce ». Au TGI de Mbour, Mbengue, chargé de l'état civil, le confirme : « J'ai un cas de divorce de couple mixte par semaine, au bas mot. »

Benjamin CHABERT

 

« Je sais que j'ai fait une erreur, mais je la paie vraiment cher »

Témoignage

«  J'ai rencontré Joseph (1) à Saly il y a près de sept ans. À l'époque, j'avais l'habitude de me rendre au Sénégal. J'avais entendu parler d'hommes plus jeunes qui séduisaient des femmes plus âgées. Ce n'est pas ce que je recherchais. Et puis, il y a eu Joseph, beau, séduisant, de vingt ans plus jeune que moi. J'ai 58 ans aujourd'hui. Nous avons débuté une relation. Je me suis alors rendue au Sénégal deux à trois fois par an. À chaque fois, je restais deux ou trois semaines.

« Il me traitait comme une princesse. Il ne voulait même pas que je fasse le ménage de la maison que je louais. Il n'avait pas de métier, vivait du système D, mais j'étais séduite. Au bout d'un an, nous sommes passés devant le chef de quartier, qui a validé un premier mariage coutumier. Cela n'avait aucune valeur légale, mais c'était important pour sa famille. Le 30 août 2013, nous nous sommes vraiment mariés à Mbour. J'avais auparavant établi un contrat de mariage devant notaire et en sa présence pour préserver mes biens : un appartement et un bien de famille.

« Lors de mes venues au Sénégal, il arrivait qu'il me demande de l'argent, que je lui paie le permis. Je n'avais pas voulu. C'était aussi ma façon de tester son attachement à moi. Lorsque je débarquais, il demandait parfois si j'avais un cadeau pour lui. Je lui répondais : c'est moi, le cadeau. Le mariage a été une suite logique de notre relation.

« Joseph est venu me rejoindre en France en janvier 2014. Notre projet de vie était alors de vivre ici jusqu'à ma retraite - il me restait alors cinq ans à faire - et que nous retournions ensuite au Sénégal. Mais son attitude a rapidement changé. J'avais cessé d'être une princesse. Je n'étais plus que vieille et moche. Au bout de trois mois, nous faisions chambre à part. J'avais interdiction de m'habiller en robe. Il me réveillait à 2 h du matin parce qu'il avait faim, pour lui faire, à manger. Ou pour que je lui donne de l'argent pour qu'il aille en boîte de nuit.

Une aide de 700 € par mois

« Puis, je lui ai trouvé un travail dans un élevage de porc. Nous ne nous voyions plus que le week-end : je lui faisais les courses, son ménage... Début 2015, nous nous sommes entendus pour entamer une procédure de divorce. Il a fait traîner les choses Finalement, fin 2016, un juge aux affaires familiales a décidé que je devais lui verser 700 € par mois (il avait demandé 900 €), au titre de l'aide au secours. Et ce, jusqu'à ce que le divorce soit prononcé. Ce qui n'est toujours pas le cas.

« Combien de temps cela va durer ? Aujourd'hui, je ne peux plus subvenir à mes besoins. Il est trop tard pour faire appel et j'ai dû mettre mon appartement en vente. Lui, pendant ce temps-là, fait encore traîne la procédure alors qu'officiellement puisque j'ai déclaré que nous ne vivions plus ensemble, il a l'obligation de quitter le territoire.

Je sais que j'ai fait une erreur. Mail je la paie vraiment cher !

 

(1) Prénom d'emprunt

Source : Ouest-France, 5-6 août 2017.

 

Gagnant-gagnant

    Ou

    Perdant-perdant ?

 

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13 août 2017 7 13 /08 /août /2017 09:55

ET L’ESPÈCE HUMAINE ?

PASCAL ET LA ROCHEFOUCAULD

REGARDS CROISÉS

Qu’est-ce que l’Homme ?

Peut-on le définir ?

 

Le regard de Blaise Pascal

Blaise Pascal, mathématicien, physicien, philosophe et écrivain français (1623-1662)

Qu'est-ce que le moi ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non, car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non ; car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus.

Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on, moi ? Non ; car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? Et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités.

Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualités empruntées.

Nous sommes plaisants de nous reposer dans la société de nos semblables : misérables comme nous, impuissants comme nous, ils ne nous aideront pas ; on mourra seul. Il faut donc faire comme si on était seul ; et alors, bâtirait-on des maisons superbes, etc.… ? On chercherait la vérité sans hésiter ; et, si on le refuse, on témoigne estimer plus l'estime des hommes, que la recherche de la vérité.

La vie humaine n'est qu'une illusion perpétuelle ; on ne fait que s'entre-tromper et s'entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. L'union qui est entre les hommes n'est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'y est pas, quoiqu'il en parle alors sincèrement et sans passion.

L'homme n'est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l'égard des autres. Il ne veut pas qu'on lui dise la vérité, il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son cœur.

Tous les hommes se haïssent naturellement l'un l'autre. On s'est servi comme on a pu de la concupiscence pour la faire servir au bien public ; mais ce n'est que feindre, et une fausse image de la charité ; car au fond ce n'est que haine.

Chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres.

Blaise PASCAL (1623-1662), Les Pensées.

Tableau un peu sombre de l’espèce humaine ?

     Qu’en pense François, duc de La Rochefoucauld ?

La Rochefoucauld (1613-1680). Moraliste.

Dans son œuvre littéraire : réflexions ou sentences et Maximes, La Rochefoucauld exprime son dégoût d’un monde où les meilleurs sentiments sont, malgré les apparences, dictés par l’intérêt.

 

L'intérêt parle toutes sortes de langues et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé.

Les vertus se perdent dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer.

L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu.

La pitié est souvent un sentiment de nos propres maux dans les maux d'autrui. C'est une habile prévoyance des malheurs où nous pouvons tomber. Nous donnons du secours aux autres pour les engager à nous en donner en de semblables occasions, et ces services que nous leur rendons sont, à proprement parler, un bien que nous nous faisons à nous-mêmes par avance.

L'amour de la justice n'est, en la plupart des hommes, que la crainte de souffrir de l'injustice.

L'amitié la plus désintéressée n'est qu'un commerce où notre amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner.

L'amour, aussi bien que le feu, ne peut subsister sans un mouvement continuel, et il cesse de vivre dès qu'il cesse d'espérer ou de craindre.

Le plaisir de l'amour est d'aimer, et l'on est plus heureux par la passion que l'on a que par celle que l'on donne.

Il n'y a point de passion où l'amour de soi-même règne si puissamment que dans l'amour, et l'on est souvent plus disposé à sacrifier le repos de ce qu'on aime qu'à perdre le sien.

Si on juge l'amour par la plupart de ses effets, il ressemble plus à la haine qu'à l'amitié.

LA ROCHEFOUCAULD - Maximes.

 

Alors, l’Homme ?

Quelle définition ?

Un animal comme les autres, mais doué de raison avec une conscience ?

Conscience de l’autre ?

Conscience du bien et du mal ?

Conscience du passé et du futur ?

Ou bien

L’être humain, un mystère à jamais insondable ?

Le débat est ouvert.

À vos plumes !

 

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6 août 2017 7 06 /08 /août /2017 07:07

 

SAINT-AUGUSTIN : CROIRE OU COMPRENDRE POUR ATTEINDRE LA VÉRITÉ ?

Faut-il croire pour comprendre ou comprendre d’abord avant de croire ? Éternel débat.

 

Saint-Augustin (340-430)

Saint-Augustin, docteur de l’Église latine, théologien, philosophe, écrivain, moraliste, a exercé une influence capitale sur la théologie en Occident.

Dans le texte ci-dessous, le sermon 43, il rend sa noblesse à la raison et à la foi dans la recherche de la vérité, l’une ne pouvant aller sans l’autre selon lui.

 

 

L'intelligence diffère de la raison. Nous avons la raison avant d'avoir l'intelligence ; et nous ne pourrions avoir l'intelligence d'une chose si nous n'étions pas d'abord doués de raison. L'homme est donc un animal qui possède une raison, ou pour emprunter une expression meilleure et plus brève : c'est un animal raisonnable ; pour lui la raison est une propriété de la nature ; il a la raison avant de comprendre, et il ne cherche à comprendre que parce qu'il a la raison. À nous de cultiver, de retoucher aussi en quelque manière et de réformer cette faculté qui nous rend si supérieurs aux animaux. Mais un si grand ouvrage relève avant tout du divin artisan qui nous a créés. Nous avons bien pu déformer son image en nous : nous ne pouvons la restaurer. Nous avons donc, pour tout résumer en peu de mots, l'être comme le bois et la pierre, la vie comme les arbres, l'intelligence comme les anges. [...]

 

L’homme, animal raisonnable

Et maintenant, ravivez votre attention. Tout homme veut comprendre ; personne qui n'ait ce désir. Mais tous nous ne voulons pas croire. On me dit : « Je veux comprendre pour croire. » Je réponds : « Crois pour comprendre. » ; voici donc une discussion qui s'élève entre nous et qui va porter tout entière sur ce point : « Je veux comprendre avant de croire », me dit l'adversaire ; et moi je lui dis : « Crois d'abord et tu comprendras. » Pour trancher le débat, choisissons un juge. Parmi tous les hommes à qui je puis songer, je ne trouve pas de meilleur juge que l'homme que Dieu lui-même a choisi pour interprète. [...] Ce n'est pas au poète de juger entre nous, c'est au prophète [...].

 

Quel arbitre pour trancher le débat ?

Tu disais : « J'ai besoin de comprendre pour croire », et moi : « Crois d'abord pour comprendre. »  La discussion est engagée ; allons au juge ; que le prophète prononce ou plutôt que Dieu prononce par son prophète. Gardons tous deux le silence. Il a entendu nos opinions contradictoires ; « Je veux comprendre, dis-tu, pour croire » ; « Crois, ai-je dit, pour comprendre », et le prophète répond : « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. »

Cependant, mes très chers frères, faut-il penser qu'il n'y a aucune part de vérité dans ses paroles : j'ai besoin de comprendre pour croire ? Quel est donc mon rôle en ce moment ? C'est d'amener à la foi non pas ceux qui en sont totalement privés, mais ceux qui en ont un faible commencement ; car s'ils ne croyaient pas du tout, ils ne seraient pas ici ; c'est la foi qui leur a inspiré de venir m'entendre, c'est la foi qui les tient attentifs à la parole de Dieu ; mais cette foi, qui a germé dans leur cœur, a besoin d'être arrosée, nourrie, fortifiée et c'est ce que nous faisons. « J'ai planté, dit l'apôtre, Apollon [dieu grec de la Lumière, des Arts et de la Divination] a arrosé, mais Dieu a donné l'accroissement ; aussi celui qui plante n'est rien, celui qui arrose n'est rien si Dieu ne donne l'accroissement.»

 

 

Une vérité partagée

Par conséquent, mes très chers frères, cet homme [...] avec lequel j'ai engagé une discussion qui a été portée au tribunal du prophète, n'a pas tout à fait tort de vouloir comprendre avant de croire. Moi qui vous parle, en ce moment, si je parle, c'est pour amener aussi à la foi ceux qui ne croient pas encore. Donc, en un sens, cet homme a dit vrai quand il a dit : « Je veux comprendre pour croire » ; et moi également je suis dans le vrai quand j'affirme avec le prophète : « Crois d'abord pour comprendre. » Nous disons vrai tous les deux : donnons-nous donc la main ; comprends donc pour croire et crois pour comprendre ; voici en peu de mots comment nous pouvons accepter l'une et l'autre ces deux maximes : comprends ma parole pour arriver à croire, et crois à la parole de Dieu pour arriver à la comprendre.

Saint-Augustin, Sermon 43

 

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30 juillet 2017 7 30 /07 /juillet /2017 07:44

 

ÉDOUARD GLISSANT, LA CRÉOLISATION DU MONDE

 

Le monde vu par le poète philosophe

La rencontre des peuples et des cultures

 

Édouard Glissant (Né en 1928 à la Martinique, mort en 2011 à Paris)

 

Œuvre dense et prolifique, qui touche tous les genres littéraires : poésie, théâtre, roman, essai philosophique, avec des centres d’intérêt qui se croisent et se fécondent, comme s’il observait et contemplait le monde du haut d’un promontoire géant.

Un regard qui embrasse l’Univers

Le centre de l’œuvre de Glissant : les modalités du dialogue des cultures et la réalisation du TOUT-MONDE qui peut se définir comme suit :

« Rencontre et harmonie des cultures dans le respect, la paix et l’égalité, idée résumée dans cette formule : Je peux changer en échangeant avec l’autre, sans me perdre ni me dénaturer.

L’auteur définit la créolisation.

 

J'appelle créolisation la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures dans la totalité réalisée du monde-terre. [...]

Les exemples de créolisation sont inépuisables et on observe qu'ils ont d'abord pris corps et se sont développés dans des situations archipéliques plutôt que continentales. Ma proposition est qu'aujourd'hui, le monde entier s'archipélise et se créolise. [...]

 

J'appelle Chaos-monde le choc actuel de tant de cultures qui s'embrassent, se repoussent, disparaissent, subsistent pourtant, s'endorment ou se transforment, lentement ou à vitesse foudroyante ; ces éclats, ces éclatements dont nous n'avons pas commencé de saisir le principe ni l'économie et dont nous ne pouvons pas prévoir l'emportement. Le Tout-Monde, qui est totalisant, n'est pas (pour nous) total. Et j'appelle Poétique de la Relation ce possible de l'imaginaire qui nous porte à concevoir la globalité insaisissable d'un tel Chaos-monde, en même temps qu'il nous permet d'en relever quelque détail, et en particulier de chanter notre lieu, insondable et irréversible. L'imaginaire n'est pas le songe, ni l'évidé de l'illusion. [...]

 

Et Tout-Monde ?

J'appelle Tout-Monde notre univers tel qu'il change et perdure en échangeant et, en même temps, la « vision » que nous en avons. La totalité-monde dans sa diversité physique et dans les représentations qu'elle nous inspire : que nous ne saurions plus chanter, dire ni travailler à souffrance à partir de notre seul lieu, sans plonger à l'imaginaire de cette totalité. Les poètes l'ont de tout temps pressenti. [...] La conjonction des histoires des peuples propose aux poètes d'aujourd'hui une façon nouvelle. La mondialité, si elle se vérifie dans les oppressions et les exploitations des faibles par les puissants, se devine aussi et se vit par les poétiques, loin de toute généralisation. [...]

 

« Nous écrivons en présence de toutes les langues du monde [...] » Car avec toute langue qui disparaît s'efface à jamais une part de l'imaginaire humain : une part de forêt, de savane, ou de trottoir fou. [...]

 

L'imaginaire irradie et se refait dans l'emmêlé du Tout-Monde. L'emmêlement des langues à son tour nous est rendu lisible par la langue dont nous usons : notre usage de la langue ne peut plus être monolingue. [...]

 

L'éclat des littératures orales est ainsi venu, non pas certes remplacer l'écrit, mais en changer l'ordre. Écrire c'est vraiment dire : s'épandre au monde sans se disperser ni s'y diluer, et sans craindre d'y exercer ces pouvoirs de l'oralité qui conviennent tant à la diversité de toutes choses, la répétition, le ressassement, la parole circulaire, le cri en spirale, les cassures de la voix. [...]

 

Intégration, un mot à débat.

     Intégrer ou ne pas intégrer ?

     Pourquoi ?

     Intégration ou assimilation ?

Tous les peuples sont jeunes dans la totalité-monde. Il n'y a plus de vieilles civilisations qui veilleraient à la santé du Tout, comme des patriarches vêtus de sagesse séculaire, là même où d'autres peuples seraient ardents et comme sauvages d'une jeunesse non encore éprouvée. La Démesure a raccourci les temps et les a démultipliés [... ] Nous sommes tous jeunes et anciens, sur les horizons. Cultures ataviques et cultures composites, colonisateurs et colonisés d'hier, oppresseurs et opprimés d'aujourd'hui. [...]

 

Parce que par exemple nous commençons à peine de concevoir qu'il est grande barbarie à exiger d'une communauté d'immigrés qu'elle « s'intègre » à la communauté qui la reçoit. La créolisation n'est pas une fusion, elle requiert que chaque composante persiste, même alors qu'elle change déjà. L'intégration est un rêve centraliste et autocratique. La diversité joue dans le lieu, court sur les temps, rompt et unit les voix (les langues). Un pays qui se créolise n'est pas un pays qui s'uniformise. La cadence bariolée des populations convient à la diversité-monde. La beauté d'un pays grandit de sa multiplicité.

Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde, Poétique IV.

 

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23 juillet 2017 7 23 /07 /juillet /2017 08:44

MARC-AURÈLE, LA VOIX DU PHILOSOPHE STOÏCIEN

Réflexions sur notre chemin de vie

Marc Aurèle (121-180 ap. JC)

Dès l'aurore, dis-toi par avance : « Je rencontrerai un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un insociable. Tous ces défauts sont arrivés à ces hommes par leur ignorance des biens et des maux. Pour moi, ayant jugé que la nature du bien est le beau, que celle du mal est le laid, et que la nature du coupable lui-même est d'être mon parent, non par la communauté du sang ou d'une même semence, mais par celle de l'intelligence et d'une même parcelle de la divinité, je ne puis éprouver du dommage de la part d'aucun d'eux, car aucun d'eux ne peut me couvrir de laideur. Je ne puis pas non plus m'irriter contre un parent, ni le prendre en haine, car nous sommes nés pour coopérer, comme les pieds, les mains, les paupières, les deux rangées de dents, celle d'en haut et celle d'en bas. Se comporter en adversaires les uns des autres est donc contre nature, et c'est agir en adversaire que de témoigner de l'animosité et de l'aversion. »

Tout ce que je suis, c'est une chair, avec un souffle et un principe directeur. Renonce aux livres; ne te laisse pas absorber : ce ne t'est point permis. Mais, comme un homme déjà en passe de mourir, méprise la chair : sang et poussière, petits os, tissu léger de nerfs et entrelacement de veines et d'artères. Examine aussi ce qu'est le souffle : du vent qui n'est pas toujours le même, car à tout moment tu le rends pour en avaler d'autre. Il te reste, en troisième lieu, le principe directeur. Pense à ceci : tu es vieux; ne permets plus qu'il soit esclave, qu'il soit encore comme tiré par les fils d'une égoïste impulsion, ni qu'il s'aigrisse contre son sort actuel, ou bien qu'il appréhende celui qui doit venir.

 

Les hommes tels qu’ils sont, mais tous son frères, parents et amis

Comme tout s'évanouit promptement : les corps eux-mêmes dans le monde, et leur souvenir dans la durée ! Tels sont tous les objets sensibles, et particulièrement ceux qui nous amorcent par l'appât du plaisir, qui nous effraient par l'idée de la douleur, ou bien qui nous font jeter des cris d'orgueil. Que tout cela est vil, méprisable, abject, putride et mort, aux yeux de la raison qui peut s'en rendre compte ! Que sont donc ceux dont l'opinion et la voix donnent la célébrité ? Qu'est-ce que mourir ? Si l'on envisage la mort en elle-même, et si, divisant sa notion, on en écarte les fantômes dont elle s'est revêtue, il ne restera plus autre chose à penser, sinon qu'elle est une action naturelle. Or celui qui redoute une action naturelle est un enfant. La mort pourtant n'est pas uniquement une action naturelle, mais c'est encore une œuvre utile à la nature.

[…]

Quand tu devrais vivre trois fois mille ans, et même autant de fois dix mille ans, souviens-toi pourtant que nul ne perd une vie autre que celle qu'il vit, et qu'il ne vit pas une vie autre que celle qu'il perd. Par là, la vie la plus longue revient à la vie la plus courte. Le temps présent, en effet, étant le même pour tous, le temps passé est donc aussi le même, et ce temps disparu apparaît ainsi infiniment réduit. On ne saurait perdre, en effet, ni le passé, ni l'avenir, car comment ôter à quelqu'un ce qu'il n'a pas ?

Il faut toujours se souvenir de ces deux choses : l'une que tout, de toute éternité, est d'identique aspect et revient en de semblables cercles, et qu'il n'importe pas qu'on fixe les yeux sur les mêmes objets durant cent ans, deux cents ans, ou durant l'infini du cours de la durée. L'autre, que celui qui a le plus longtemps vécu et que celui qui mourra le plus tôt, font la même perte. C'est du seul présent, en effet, que l'on peut être privé, puisque c'est le seul présent qu'on a et qu'on ne peut perdre ce qu'on n'a point.

 

Seul compte l’expérience du présent

L'âme de l'homme se fait surtout injure, lorsqu'elle devient, autant qu'il dépend d'elle, une tumeur et comme un abcès du monde. S'irriter en effet contre quelque événement que ce soit, est se développer en dehors de la nature, en qui sont contenues, en tant que parties, les natures de chacun de tout le reste des êtres. L'âme se fait ensuite injure, lorsqu'elle conçoit pour un homme de l'aversion ou que, pour lui nuire, contre lui elle se dresse, telles que les âmes des hommes en colère. Troisièmement, elle se fait injure, lorsqu'elle est vaincue par le plaisir ou par la douleur. Quatrièmement, lorsqu'elle dissimule, agit ou parle sans franchise et contrairement à la vérité. Cinquièmement, lorsqu'elle ne dirige son activité et son initiative vers aucun but, mais s'applique à n'importe quoi, au hasard et sans suite, alors que nos moindres actions devraient être ordonnées par rapport à une fin. Or, la fin des êtres raisonnables, c'est d'obéir à la raison et à la loi du plus vénérable des États et des Gouvernements.

Le temps de la vie de l'homme, un instant ; sa substance, fluente ; ses sensations, indistinctes ; l'assemblage de tout son corps, une facile décomposition ; son âme, un tourbillon ; son destin, difficilement conjecturable ; sa renommée, une vague opinion. Pour le dire en un mot, tout ce qui est de son corps est eau courante ; tout ce qui est de son âme, songe et fumée. Sa vie est une guerre, un séjour sur une terre étrangère ; sa renommée posthume, un oubli. Qu'est-ce donc qui peut nous guider ? Une seule et unique chose : la philosophie. Et la philosophie consiste en ceci : à veiller à ce que le génie qui est en nous reste sans outrage et sans dommage, et soit au-dessus des plaisirs et des peines ; à ce qu'il ne fasse rien au hasard, ni par mensonge ni par faux-semblant ; à ce qu'il ne s'attache point à ce que les autres font ou ne font pas. Et, en outre, à accepter ce qui arrive et ce qui lui est dévolu, comme venant de là même d'où lui-même est venu. Et surtout, à attendre la mort avec une âme sereine sans y voir autre chose que la dissolution des éléments dont est composé chaque être vivant. Si donc pour ces éléments eux-mêmes, il n'y a rien de redoutable à ce que chacun se transforme continuellement en un autre, pourquoi craindrait-on la transformation de leur ensemble et sa dissolution ? C'est selon la nature; et rien n'est mal de ce qui se fait selon la nature.

Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, Garnier-Flammarion.

 

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16 juillet 2017 7 16 /07 /juillet /2017 07:49

JEUNES D’AFRIQUE, REFUSEZ L’ESCLAVAGE SOUS TOUTES SES FORMES, CHEZ VOUS COMME AILLEURS

Un impératif absolu : la lutte pour la liberté et les droits

Marché d’esclaves en Libye, en 2017

[Image dégradante pour l’Afrique et les Africains]

 

Troupeau d’esclaves en Afrique

[C’était au XVIIIe siècle]

 

Qu’est-ce qui définit le mieux l’esclave ?

Une personne (homme ou femme) vendue, achetée, qui appartient à une autre personne, son maître qui a tous les droits sur elle ; un objet qui n’a aucune personnalité, vendu, prêté, loué, échangé…

L’idée au centre du mot esclave : perte de toute liberté et de tous droits.

 

La liberté fait l’homme

Toute personne sur terre, sans exception, naît avec des droits et sa liberté garantie.

Or, quand on observe ces jeunes Africains fuyant leur pays, entassés comme des sardines sur des radeaux de fortune, l’air épouvanté, les yeux hagards, voués pour certains d’entre eux à la mort ou à l’esclavage, l’image qui vient en tête, c’est le transport d’esclaves arrachés à l’Afrique et entassés dans des navires négriers voguant vers l’Amérique.

Mais, une différence de taille : ces derniers étaient razziés chez eux, contraints d’embarquer, pieds et mains liés, alors que les premiers partent « librement » de chez eux, paient leur voyage pour s’embarquer sur des bateaux qui peuvent les conduire à la mort ou à l’esclavage, c’est-à-dire à la perte de leur liberté et de leurs droits.

Ça, c’est aujourd’hui, en juin 2017

Pourquoi renoncent-ils à leur vie et à leur liberté ?

    Sont-ils libres ? Ont-ils des droits chez eux ?

 

Qui les prive de leurs droits ?

La fuite leur garantit-elle la liberté et des droits ?

Introspection salutaire

    Réfléchir : préalable à la décision et à l’action.

 

Partir ou ne pas partir ?

Pourquoi je pars ? Pourquoi je reste ?

Ce que je gagne en restant vaut-il ce que je perds en partant ? Ce que je perds en partant vaut-il ce que je gagne en restant ?

 

Le plus étonnant, c’est de constater que des pays démunis, qui ont tant besoin de bras et de cerveaux, qui ont tant à construire et tant de défis colossaux de tous ordres à relever, laissent leur jeunesse en déshérence, partir aussi massivement pour un avenir aussi incertain.

 

Il est à se demander si les responsables au plus haut niveau de ces pays ne souhaitent pas secrètement ces départs pour se débarrasser des charges qu’ils jugent sans doute trop lourdes ou inutiles.

 

Et quand on est ainsi abandonné de ceux qui ont la charge de vous instruire, vous éduquer, vous soigner, vous aider à vous construire un avenir, que fait-on ?

 

Mais, partir à tout prix est-ce la solution ?

Si les responsables de vos pays vous regardent partir avec plaisir, soulagement, indifférents à votre sort, à votre avenir, les responsables des pays européens eux, vous voient arriver sur leurs côtes sans plaisir.

Dès lors, vous devenez des indésirables en amont et en aval, des apatrides.

Quand on est abandonné de tous, et qu’on n’est aimé de personne, que fait-on ?

    Il faut s’aimer soi-même, et se persuader que la vie est un combat : « Ceux qui vivent sont ceux qui luttent » (Victor Hugo).Mais, un combat contre soi-même d'abord, pour s'améliorer, c'est-à -dire, s'humaniser sans cesse, intérieurement, pour s'élever. Puis, un combat contre tous les éléments contraires qui font obstacle à son épanouissement.

On prend son destin en main, on se prend en charge pour se forger l’avenir dont on rêve,bref, on devient acteur de son destin.

 

Pour vous construire un avenir en Afrique, il faut vous organiser entre jeunes (puisque vos pays de naissance vous réservent le même sort, refusez ce sort de misère matérielle, intellectuelle et morale). Battez-vous.

Pour cela :

Créez au niveau de chaque État une « brigade de lutte pour les libertés et de défense des droits ».

Puis fédérez ces brigades nationales au niveau du continent en une « Brigade africaine de défense des libertés et des droits ».

 

Mais, il ne s’agit pas de lutte armée, dans des maquis. Si vous prenez les armes, vous serez sûrs d’échouer, d’être écrasés piteusement et inéluctablement par les armées de vos pays respectifs qui n’auront aucune peine à vous faire passer pour des terroristes d’un genre nouveau, et qui, de ce fait, bénéficieront de l’aide externe des pays développés.

Non, cette lutte est une lutte de l’intelligence, qui se mène et se gagne par l’intelligence, l’organisation, la détermination. Dans cette lutte, votre arme la plus efficace, c’est le Droit. Et, pour manier cette excellente arme, c’est simple, il faut être droit, c’est-à-dire, savoir ce que l’on veut, ne pas en dévier, et respecter les droits des autres, en un mot, être responsable, responsable de soi et des autres.

 

Moyens et méthodes

Il faut :

Expliquer, dénoncer, faire du bruit, à l’intérieur et à l’extérieur des pays et du continent.

Expliquer encore et toujours, dénoncer encore et toujours. Prendre le monde à témoin des violations des droits, de privations de liberté.

Alerter les médias, à l’intérieur et à l’extérieur du continent.

Alerter les organisations internationales de défense des droits de l’homme…

Alerter tous les secteurs économiques et sociaux, dans vos pays, sur le continent.

Faire passer des mots d’ordre de désobéissance civile, dans tous les pays, expliquer, encore et toujours vos motivations et objectifs, pour vous, pour vos pays, pour l’Afrique, pour le monde…

Avoir foi en la noblesse de la cause qui vous met en mouvement.

S’instruire pour vaincre et s’élever par l’effort.

Un organisme universel au service des droits de tous : l’ONU

En menant cette lutte pour la liberté et les droits, sachez compter sur les Nations unis, la Déclaration universelle des Droits Humains, au service de tous, partout, à tout moment.

Il faut savoir utiliser cet allié universel, le connaissez-vous ?

Sachez recourir à lui, il vous attend depuis 1948, à votre écoute.

Préambule

(10 décembre 1948, Organisation des Nations Unies)

 

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

 

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme.

 

Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression.

 

Article premier

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Article 3

Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Article 4

Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.

Article 5

Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Article 26

 

1 Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

 

2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

 

3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.

 

Osez!

Osez la lutte contre l'asservissement de l'esprit et du corps, pour la liberté!

Osez dire , et osez faire!

Ne soyez esclaves ni de personne ni de rien, surtout pas de l’argent ou  mirages. Ayez toujours les yeux et l’esprit ouverts, soyez exigeants, sur le sens de votre image, et surtout, de votre dignité qui fait l’homme libre.

 

Petite histoire édifiante

 

Passeport pour la dépendance

 

Fatouma croyait rêver. En ce mois de novembre 1988, elle s'envolait vers le Canada. Avec ses quatre enfants, elle allait rejoindre un Québécois qu'elle avait rencontré dans son Ethiopie natale, puis épousé lors d'un voyage à…, l'année précédente. Elle quittait son pays, sa famille et son emploi de secrétaire. Mais qu'importe, ils allaient tous vivre tellement heureux...

 

Pour Fatouma, les lendemains qui chantent ont déchanté rapidement. « Quand j'étais venue en visite à Montréal en 1987, tout allait sur des roulettes. Mais dès que j'ai débarqué pour de bon, rien n'allait plus. Pour les deux enfants que mon mari avait eus d'un précédent mariage, leur papa était allé acheter des négros. Lui, il s'est mis à me traiter comme une servante, à me dire que je ne pourrais rien faire d'autre ici. A moi qui étais habituée de tout gérer, d'élever seule mes enfants, il a enlevé toute responsabilité. »

 

Fatouma a vécu huit mois avec son nouveau mari, avec lequel elle a eu une fille, sa quatrième enfant. Aujourd'hui divorcée, elle est liée à lui pour dix ans. La raison? Fatouma a pu émigrer au Canada parce qu'elle était parrainée par son époux. Le parrainage est un contrat par lequel le répondant (ou parrain) s'engage à subvenir pendant une période d'au plus dix ans aux besoins de la personne parrainée. Rien, ni l'obtention de la citoyenneté canadienne, ni la séparation, ni le divorce, ne peut briser ce contrat. Seule la mort du parrain ou de la personne parrainée peut y mettre fin.

 

Qu'est-ce que le parrainage ?

 

Le parrainage est un contrat entre un résident permanent ou un citoyen canadien âgé d'au moins 18 ans (« le garant » ou « le répondant ») et le gouvernement concernant un tiers (« le parrainé »). Sa durée varie généralement entre cinq ans (dans le cas de parents aidés) et dix ans (pour les personnes de la catégorie de la famille).

 

Par ce contrat, « le garant » s'engage par écrit envers le gouvernement à fournir au parrainé : le gîte; la nourriture et les vêtements ; les besoins imprévus ; l'adaptation ; et l'aide financière de subsistance.

 

Ces obligations découlent des articles 42 et suivants du Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers (c. M-23.1, r.2) et de l'article 6 (1) b) i) du Règlement sur l'immigration de 1978.

 

Il y a trois façons d'émigrer au Canada. On peut venir comme réfugiée ou autre « cas » humanitaire : 10 066 des 65 035 femmes (15,5%) entrées au pays entre 1980 et 1986 sont dans cette situation. On peut, comme c'est le cas pour 22 257 femmes (34,2%) qui ont émigré durant cette même période, être acceptée comme immigrante indépendante. On peut finalement, comme 27 640 femmes (42,5%) admises entre 1980 et 1986, venir dans le cadre du « programme de réunion des familles » et être parrainée par un parent déjà établi au Canada, le plus souvent un père, un mari, un fils. A cette catégorie, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration (MCCI) ajoute celle des « parents aidés » qui représente 7,8% du total, toujours pour les mêmes années.

 

C'est que la politique canadienne d'immigration n'a rien de philanthropique. Elle vise à ce que les nouveaux arrivants et les nouvelles arrivantes ne soient pas à la charge de la société. On les sélectionne donc en fonction de leur capacité de s'intégrer au marché du travail, ainsi, la grille de sélection appliquée aux immigrantes et aux immigrants indépendants mesure leur « employabilité », leur « adaptabilité », leur scolarité, leur connaissance des langues officielles. Les immigrants et surtout les immigrantes admis dans le cadre du programme de réunion des familles ne sont pas tenus de satisfaire à de tels critères, mais alors on exigera que quelqu'un s'en porte garant au moyen d'un contrat de parrainage. Or le parrainage ressemble fort à un passeport pour la dépendance. Comme le souligne un avis du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec (CCCI), un organisme consultatif du gouvernement, « l'engagement écrit du parrain consacre le lien de dépendance totale et absolue sur le plan financier. (...) Aux yeux de l'État, la personne parrainée est donc dépendante du garant pour toute la durée de l'engagement ». Par conséquent, elle a difficilement accès à certaines mesures gouvernementales de soutien et aux services d'adaptation et d'intégration : formation linguistique, formation professionnelle, support psychosocial.

Source : Services canadiens de l’Immigration et de l’Insertion

 

 

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10 juillet 2017 1 10 /07 /juillet /2017 10:07

JOHN STUART MILL : DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE

LE COMMERCE EST-IL UN ACTE SOCIAL ?

Comment concilier liberté individuelle, commerce et société ?

John Stuart Mill

John Stuart Mille, philosophe et économiste anglais (-1806-1873), penseur politique et économique.

Un des grands théoriciens du libéralisme économique du 19e siècle.

En politique, il se rattache au courant libéral, mais, il fait preuve d’une grande indépendance d’esprit par rapport au parti libéral. Il échappe ainsi aux classifications absolues traditionnelles.

Tout en étant de tendance libérale et individualiste, il réclame – quand c’est nécessaire – l’intervention de l’État au profit des plus faibles et des femmes, et pour protéger l’individu en général contre les forces financières et économiques.

« En matière de morale, les actions sont bonnes dans la mesure où elles tendent à promouvoir le bonheur; elles sont mauvaises lorsque leur tendance est de le diminuer [...]. En matière légale, comme en morale, les droits qui doivent être respectés sont ceux qui, du point de vue du bonheur de la communauté, sont utiles à faire respecter [...]. Avoir un droit c'est avoir quelque chose dont la société doit me garantir la jouissance. Si quelque contradicteur me demande pourquoi elle le doit, je ne peux lui donner d'autre raison que l'utilité générale [...]. La question de savoir où l'on doit placer la limite entre la liberté de l'individu et le contrôle de la société sur lui est la question principale dans les affaires humaines [...]. Deux maximes forment toute la doctrine développée dans cet essai. Premièrement, l'individu n'a pas à répondre de ses actions devant la société, tant que celles-ci n'affectent les intérêts de personne d'autre que lui. Deuxièmement, dès qu'une partie de la conduite de quelqu'un porte atteinte aux intérêts des autres, la société a le droit d'intervenir et la question de savoir si cette intervention favorisera ou non le bien-être général est ouverte à la discussion [...]. Cette doctrine s'applique uniquement aux êtres humains dont les facultés ont atteint leur maturité. Nous ne parlons pas ici des états arriérés de la société [...]. La liberté, comme principe, n'a aucune application avant que les hommes n'aient atteint un stade où ils sont capables de s'améliorer par la discussion libre et entre égaux. »

Morale, liberté individuelle et société

« La doctrine économique dite du "libre-échange" repose sur des arguments différents, mais aussi solides, que celle de la "liberté individuelle" exposée dans cet essai [...]. Le commerce est un acte social. Quiconque met en vente quoi que ce soit, affecte les intérêts des autres. Par conséquent, sa conduite tombe, par principe, sous la juridiction de la société [...]. Les restrictions à la liberté du commerce concernent cette partie de la conduite humaine que la société a le droit de réglementer [...]. Elles ne sont mauvaises que dans la mesure où elles ne produisent pas vraiment les résultats souhaités.

Une des questions les plus controversées, tant dans la science politique que dans l'art de l'homme d'État, est celle du rôle que doit jouer l'État et des limites que celui-ci ne doit pas dépasser. À une époque où l'on place tellement d'espoirs dans la réforme de l'État et dans les changements de législation comme moyens pour améliorer la condition humaine, cette question ne devient que plus importante. »

Le commerce est-il un acte social ?

« En bref on peut dire qu'en économie le laisser-faire doit être la pratique courante et qu'on ne doit s'en éloigner que lorsque cela est nécessaire pour atteindre un grand bien. Cette maxime est indiscutablement solide en tant que règle générale ; mais ce n'est pas difficile de constater qu'elle comporte de nombreuses et évidentes exceptions [...]. Lorsque nous essayons d'énumérer les fonctions nécessaires de l'État [...], nous trouvons qu'elles sont beaucoup plus diverses qu'on ne le pense généralement et il est presque impossible de leur trouver une justification commune autre que celle de l'utilité générale [...]. La proposition selon laquelle le consommateur est toujours un juge compétent de la marchandise qu'on lui propose, ne peut être admise qu'avec de nombreuses exceptions. Elle n'est valable que lorsque le jugement de l'individu est fondé sur une expérience personnelle. Ceux qui n'ont pas reçu d'éducation, par exemple, ne peuvent pas être des juges compétents de ce qu'est une bonne éducation. L'intervention publique se justifie dans ce cas car l'intérêt et le jugement du consommateur ne suffisent pas pour garantir la qualité de la marchandise [...]. En matière de contrats, le rôle de l'État ne se limite pas à les faire respecter. Il doit d'abord déterminer quels contrats méritent d'être respectés. »

J0HN STUART MILL, PRINCIPES D'ÉCONOMIE POLITIQUE, Londres, 1848.

 

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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 07:21

Des migrants subsahariens esclaves en Libye

Ces damnés, des déshérités et « sans patrie »

Le drame est si souvent répété : des migrants, des navires en détresse, des naufrages, des morts par centaines, par milliers, hier, avant-hier, aujourd’hui… que plus personne ne voit ce qui se passe, n’entend plus ce qui se dit.

Plus personne ne veut voir, ni entendre, ni savoir…

Qui sont ces morts, ces damnés de la terre, qui fuient,  dont les navires ou embarcations de fortune font naufrage et qui disparaissent à jamais sans laisser de traces, sans laisser de nom ni de mots pour dire pourquoi ils sont partis, pourquoi ils ont préféré la mort en mer à la vie dans leur pays natal ? Pourquoi ont-ils voulu respirer l’air d’ailleurs,  au péril de leur vie, et au risque de leur liberté?

Qui veut le savoir,  qui a voulu le savoir, avant que leur bouche se ferme à jamais, sur leurs mots et leurs maux ?

 

                                        Destination Europe .Pour le pire ou pour le meilleur?

                           

Pour le pire ou pour le meilleur ?

Les chiffres ont-ils encore un sens ? Ces chiffres, si souvent répétés et toujours aussi énormes!

— Du dimanche 25 au mardi 27 juin 2017, plus de 8000 migrants ont été secourus en 48 heures ! Mieux, entre dimanche 25 et mardi 27 juin, selon l’Organisation internationale des Migrations (OIM), plus de 12 000 migrants ont été secourus au large de la Libye, dont 5 000 pour la seule journée de lundi.

Le mardi 27 juin 2017, les gardes-côtes libyens ont indiqué avoir secouru 147 personnes originaires pour la plupart du Cameroun, du Soudan, du Sénégal et du Mali, autrement dit, tous enfants d’Afrique subsaharienne.

                                         27 juin 2017.Sauvetage auprès des côtes italiennes

L’autre calvaire du damné : travail forcé et esclavage

En Libye, des migrants subsahariens sont condamnés au travail forcé, et vendus sur des « marchés aux esclaves ».

 

 

Selon l’Organisation internationale pour les Migrations, la traite d’êtres humains est une pratique de plus en plus fréquente chez les passeurs.

Puis, ajoute le responsable de cette organisation : « Un nombre croissant de migrants africains transitant par la Libye, sont vendus sur des « marchés aux esclaves », avant d’être soumis au travail forcé ou à l’exploitation sexuelle. Les femmes sont systématiquement violées et n’ont aucune défense, ni aucun moyen d’échapper à ce sort. » (Rapport de l’Organisation internationale des Migration (OIM) publié le 11 avril 2017)

 

Ces prisonniers esclaves africains sont vendus, selon la même source, entre 200 et 300 dollars (190 et 280 euros). Ils sont retenus 2 à 3 mois en moyenne dans cet état de privation de tout droit humain.

Le responsable de l’OIM en Libye précise : « Les migrants sont vendus sur les marchés comme s’ils étaient une matière première… La traite des êtres humains est de plus en plus fréquente, pratiquée par les passeurs dont les réseaux sont de plus en plus puissants en Libye. »

                                       Marché aux esclaves en Libye

Des marchés d’esclaves en Afrique au XXIe comme au XVIIe siècle !

Pourtant, il existe bien en Afrique une « Union africaine » avec une Charte des Droits Humains, merveilleusement bien rédigée, qui garantit à tous les filles et fils du continent, toutes les libertés  et tous les droits dus , non seulement à tout africain, mais aussi à tout humain ! C’est bien écrit.

 Mais, qu’en fait-on ?

Quand l’Afrique sortira-t-elle de l’esclavage et des trafics d’êtres humains ?

 

D’une manière générale, ces migrations massives, avec les drames et tragédies de toute nature qu’elles génèrent, ne sont manifestement pas un signe de bonne santé de ce continent où l’on assiste avec une passivité insoupçonnée, à l’hécatombe de sa jeunesse, sans qu’une seule voix ne se lève pour protester, alerter et agir.

Pire, les corps des victimes de naufrage ne sont même pas réclamés par les États d’origine !

 

Qui pour plaider la cause des déshérités et des sans-patrie ?

Où ? Quand ?

Vive l’« Union africaine » !!

 

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24 juin 2017 6 24 /06 /juin /2017 07:12

ARISTOTE : LE PHILOSOPHE DÉCLINE ET DISSÈQUE L’AMITIÉ SOUS TOUTES SES FORMES

L’amitié, un suprême bien pour l’individu et pour la société

Aristote (384-322 av. JC)

 

 

  Amitié entre personnes de rang social différent

Il y a une autre espèce d'amitié : celle qui comporte un élément de supériorité, par exemple les sentiments d'un père à l'égard de son fils, ceux qui unissent généralement une personne plus âgée à une personne plus jeune, un mari à sa femme, et tout homme revêtu d'autorité à qui est soumis à cette autorité. En effet, l'amitié des parents pour leurs enfants n'est pas identique à celle des chefs pour leurs subordonnés. De plus, il faut distinguer l'affection du père pour son fils et celle du fils pour son père, de même qu'entre celle du mari pour sa femme et de la femme pour son mari. A chacune correspond une vertu propre ; toutes se manifestent différemment et obéissent à des raisons différentes. Il en résulte que nos attachements, comme nos amitiés, sont distincts.

On n'a donc pas des deux côtés les mêmes devoirs et on ne doit pas les chercher. Néanmoins, lorsque les enfants accordent à leurs parents ce qui leur revient de droit, et que les parents en font autant pour leurs enfants, l'amitié entre eux sera durable et raisonnable. Mais, dans toutes les amitiés où intervient un élément de supériorité, c'est selon la loi de proportion qu'il faut aimer ; par exemple, il faut que le meilleur soit aimé plus qu'il n'aime ; qu'il en aille de même pour celui qui rend le plus de services et dans tous les cas semblables. Car, lorsqu'on aime d'une manière proportionnée au mérite, il s'établit une sorte d'égalité, caractère propre, semble-t-il, de l'amitié.

Notons cependant que l'égalité ne présente pas dans l'amitié les mêmes traits que dans la justice. Ici, ce qui vient en premier lieu, c'est la proportion fondée sur le mérite et, en second lieu, la proportion fondée sur la quantité; par contre, dans l'amitié, ce qui est au premier plan, c'est la proportion basée sur la quantité et, au second rang, celle qui est fondée sur le mérite.

La chose est claire quand il existe une grande différence sous le rapport de la vertu et du vice, des richesses ou à quelque autre point de vue : il n'y a plus d'amis et l'on ne prétend même pas être amis. On s'en convaincra parfaitement en ce qui concerne les dieux ; l'abondance des biens de toute sorte les met fort au-dessus des mortels. On peut s'en assurer aussi en ce qui concerne les rois ; les personnes qui leur sont très inférieures ne jugent pas possible d'être leurs amis ; de même les gens sans aucune valeur ne le sont pas de ceux qui possèdent les dons éminents de l'esprit ou de la sagesse.

Sans doute il est difficile de préciser jusqu'où l'amitié entre personnes inégales peut s'étendre. Bien des conditions peuvent disparaître, elle n'en subsiste pas moins. Pourtant, avec un être à part des autres mortels, comme un dieu, elle est impossible.

De là une question embarrassante : les amis peuvent-ils vouloir pour leurs amis les plus grands des biens, par exemple, qu'ils deviennent des dieux ? Mais alors l'amitié disparaîtra et, partant, les biens qu'elle comporte, car les amis sont des biens véritables. Si donc on a eu raison de dire que l'ami veut le bien de son ami pour son ami même, ne faudra-t-il pas que celui-ci demeure ce qu'il est ? Et c'est en tant qu'il le considère comme un homme que l'ami voudra pour son ami les plus grands biens. Et encore pas tous peut-être ; car c'est surtout pour soi-même que chacun désire les biens.

Beaucoup de gens par ambition désirent, semble-t-il, plus vivement être aimés qu'aimer eux-mêmes; de là vient qu'on aime souvent les flatteurs, le flatteur étant un ami inférieur ou qui affecte d'être tel et de préférer aimer à être aimé. Or l'amitié qu'on inspire ressemble d'assez près à la considération qu'on obtient, à quoi aspirent la plupart des gens.

Toutefois cette prédilection pour les honneurs ne semble pas nous les faire rechercher pour eux-mêmes ; elle est souvent accidentelle. La foule, en effet, prend plaisir à se voir considérée par les gens revêtus de l'autorité : elle espère obtenir d'eux, le cas échéant, ce qui lui manque ; cette considération qui l'enchante est donc l'indice qu'elle recevra d'eux des faveurs. Pour ceux qui aspirent à la considération des honnêtes gens et des doctes, ils désirent voir confirmée l'idée qu'ils ont d'eux-mêmes. Ils éprouvent de la satisfaction à l'idée d'être vertueux et se fient au jugement de ceux qui le disent ; ils ont aussi du plaisir à se sentir aimés pour cela même. Cette satisfaction semble supérieure à celle qu'on obtient de la considération et l'amitié paraît désirable pour elle-même.

D'ailleurs elle consiste, semble-t-il, à aimer plutôt qu'à être aimé. Les mères le prouvent bien qui prennent leur plaisir à l'amour qu'elles donnent ; quelques-unes ont beau mettre leurs enfants en nourrice : elles les aiment avec pleine conscience de leur amour, sans chercher à être payées de retour, tant qu'ils ne peuvent le faire. Il semble qu'il leur suffise de voir leurs enfants heureux et leur tendresse n'est pas amoindrie du fait que leurs petits, dans leur état d'ignorance, ne peuvent leur rendre les sentiments qu'une mère est en droit d'attendre d'eux.

Du moment que l'amitié consiste surtout dans les sentiments affectueux que l'on témoigne, du moment qu'on loue ceux qui ont le culte de l'amitié, la vertu des amis consiste à aimer et il s'ensuit que ceux qui proportionnent ce sentiment au mérite sont des amis sûrs et que leur amitié est inébranlable.

C'est surtout cette considération qui doit rendre possible l'amitié entre personnes inégales ; car, par là, l'égalité peut s'établir entre eux. Or l'égalité et la ressemblance déterminent l'amitié, principalement la ressemblance du point de vue de la vertu. Les gens de cette sorte sont fermes en eux-mêmes et à l'égard des autres ; ils se gardent du mal, prennent soin de ne pas le commettre, ni rien qui lui ressemble et, pour ainsi dire, empêchent les autres de s'y porter ; la vertu, en effet, consiste à éviter les fautes soi-même et à ne pas permettre à ses amis d'en faire. Les gens vicieux, au contraire, n'ont en eux rien de stable, attendu qu'ils ne restent même pas constants avec eux-mêmes. En peu de temps, ils deviennent amis, parce qu'ils se complaisent à la perversité les uns des autres.

Ceux qui se rendent mutuellement des services et éprouvent de l'agrément à se fréquenter demeurent liés d'amitié pendant plus longtemps — tout le temps, du moins, qu'ils sont en état de se causer du plaisir ou de se rendre des services. C'est surtout de l'opposition que, semble-t-il, naît l'amitié fondée sur l'utilité, celle par exemple qui unit un pauvre à un riche, un ignorant à un savant. Car, si l'on se trouve démuni à un certain point de vue, on cherche à obtenir ce qui manque, en donnant autre chose en retour. On pourrait être tenté de ranger dans cette catégorie l'amant et l'aimé, le beau et le laid. La même raison fait parfois paraître ridicules les amants : ils ont la prétention d'être aimés comme ils aiment, ce qui se justifie peut-être quand ils sont aimables, mais devient risible quand ils ne possèdent aucune des qualités propres à se faire aimer.

Peut-être est-il exact que les contraires ne s'attirent pas précisément en eux-mêmes, mais uniquement par accident ; la tendance du reste se propose de trouver l'état intermédiaire et c'est là qu'effectivement est le bien. Par exemple le bien pour le sec ne consiste pas à devenir humide, mais à atteindre un état moyen; ainsi du chaud et de tout le reste. Mais laissons de côté ces considérations qui nous éloignent de notre sujet.

  L’amitié, rouage et moteur des associations

Il semble, comme nous l'avons dit au début, qu'amitié et justice se rapportent aux mêmes objets et ont des caractères communs. Dans toute association on trouve, semble-t-il, de la justice et par conséquent de l'amitié. Du moins décerne-t-on le nom d'amis à ceux qui sont compagnons de bord et d'armes, comme à ceux qui se trouvent réunis en groupe dans d'autres circonstances. La mesure de l'association est celle de l'amitié et aussi du droit et du juste. Aussi le proverbe est-il bien exact qui dit qu’ « entre amis, tout est commun », car c'est dans la communauté que se manifeste l'amitié.

Entre frères et compagnons tout est commun; dans les autres rapports, chacun garde par devers soi tantôt plus, tantôt moins, les amitiés comportant des degrés, selon les cas. Les droits et les devoirs diffèrent également : ceux des parents à l'égard de leurs enfants sont différents de ceux des frères entre eux; ceux des compagnons sont distincts de ceux des citoyens. Il en va ainsi des autres sortes d'amitié.

Les injustices qu'on peut commettre envers les êtres appartenant à chacun de ces groupes varient également; elles s'aggravent du fait que la relation entre l'offenseur et l'offensé est plus étroite ; par exemple, le cas est plus grave quand on fait subir une perte d'argent à un camarade qu'à un concitoyen, quand on refuse son aide à un frère qu'à un étranger, quand on frappe son père que le premier venu. La nature veut, en effet, que l'obligation d'être juste croisse avec l'amitié, puisque justice et amitié ont des caractères communs et une égale extension.

Toutes les sociétés paraissent être des fractions de la société civile; les hommes, en effet, se réunissent pour satisfaire à quelque intérêt et pour se procurer ce qui est essentiel à la vie. La communauté politique, semble-t-il, se fonde dès le début sur ce besoin utilitaire et subsiste par lui ; tel est, d'ailleurs, le but que se proposent les législateurs qui identifient le juste avec ce qui est utile à la communauté.

Les autres associations, chacune pour sa part, visent également ce qui est utile : par exemple les gens de mer cherchent, par le moyen de la navigation, leur intérêt qui consiste à amasser des richesses ou à se procurer quelque avantage de ce genre ; les compagnons d'armes poursuivent le leur par la guerre, qu'ils visent à s'enrichir, à obtenir la victoire, ou à s'emparer d'une ville. Il n'en va pas autrement des gens d'une même tribu ou d'un même dème [subdivision territoriale et association de citoyens qui correspond à notre commune moderne]. Quelques associations semblent motivées par la recherche du plaisir ; qu'on songe aux membres d'un thiase [association] ou à ceux des sociétés de banquets où chacun apporte son écot : ces groupements se proposent de faire un sacrifice et un repas en commun.

Or toutes ces associations semblent être sous la dépendance de la société politique, car cette dernière ne se propose pas l'intérêt du moment, mais celui de la vie entière. Et que fait-on d'autre en organisant des sacrifices et, à leur occasion, des réunions, en rendant aux dieux des marques d'honneur, et en instituant pour les citoyens d'agréables loisirs ? Les sacrifices et les réunions d'autrefois paraissent avoir pris naissance après la récolte de fruits et avoir constitué, en quelque sorte, une offrande. N'était-ce pas alors qu'on jouissait surtout de moments de liberté ?

Aussi toutes ces associations paraissent-elles être des fractions de la société politique. Tels seront les groupements, telles seront les relations d'amitié qui en découleront.

Aristote, Éthique de Nicomaque.

Voir aussi l’article du blog : L’AMITIÉ SELON LE PHILOSOPHE

 

 

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