Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

26 janvier 2014 7 26 /01 /janvier /2014 09:02

oeil3.jpg

UNE CULTURE D’ANCIEN RÉGIME (1)


17

gif anime puces 025République et dynastie

 

doc1-copie-1.jpg

 

Les Français ne semblent pas totalement émancipés de l'esprit d'Ancien Régime qui imprègne encore profondément leurs réflexes les plus anodins. La France est ainsi agitée en ses profondeurs de spasmes monarchiques qui entrent parfois en conflit avec une pratique épurée des principes républicains. Un sevrage s'impose afin de dégager la voie vers la plénitude démocratique. Cette imprégnation monarchique se manifeste de différentes manières dont les plus sensibles sont, d'une part l’« intouchabilité » du chef quel qu'il soit, y compris le petit chef d'entreprise par rapport à ses subordonnés : la personne du chef jouissant ainsi du privilège que confèrent le sacre et l'onction divine est, par conséquent, comme telle, intouchable. D'autre part, l'esprit dynastique se transpose dans la vie politique. En France, certains individus sont au-dessus des institutions. C'est l'inverse dans les pays anglo-saxons lesquels ont, de ce fait, une culture plus authentiquement démocratique.

 

 

 

doc2-copie-1.jpg

 

 

gif anime puces 025Verrous et obstacles : le confort de l’élection

 

A l'origine des maux actuels de la société française : chômage, exclusion, morosité généralisée, rancœurs rentrées, deux tares essentielles, qui constituent autant de verrous et de goulots d'étranglement, obstacles majeurs à une évolution positive pacifiée vers la modernisation sociale et politique.

 

La première de ces tares réside dans la professionnalisation excessive de la politique qui s'apparente parfois au carriérisme. Ainsi, on entre en politique comme on entre en religion, à vie. On y entre à 20 ans et on n'en sort plus. L'âge et le déclin des capacités physiques et intellectuelles n'y changent rien. On y entre à 20 ans parce que papa y est. Mais on n'y est pleinement heureux que lorsque, comme papa, on cumule des fonctions et des mandats inconciliables par la diversité et la lourdeur des charges qu'ils supposent, comme à la fois le mandat de député au Parlement national et celui de député au Parlement européen, de président de région et de maire, ou à la fois ministre de la République, président de Conseil général ou régional ou ministre et maire d'une grande agglomération et en même temps chef de parti [...] Qu'importe, les titres et le nombre de mandats cumulés comptent plus que la rigueur dans l'action et l'efficacité ; on s'installe insensiblement dans la vénalité des offices.

 

 Le risque majeur de ce système de consanguinité politique, c'est la dégénérescence civique, le crétinisme politique, l'essentiel de l'action étant consacré à la préservation du pré-carré et des avantages qu'il confère, matériels ou d'ordre social, sans souci de compétence ni de sens de l'intérêt public. Élu maire, député, président, on veut demeurer maire, député, président... à vie. Ainsi installé dans la durée et le confort de l'élection, on en oublie qu'on est élu pour servir, non pour être servi ou se servir, aucun système d'évaluation des résultats en cours ou en fin de mandat n'étant prévu. L'esprit de caste et l'hérédité politique se lient ainsi à l'esprit monarchique pour cultiver la routine et la stagnation sociale. Jadis, à Athènes (notre commune initiatrice à la démocratie) au Ve siècle av. J.C., aux citoyens rassemblés sur l'Agora, on posait la question : Qui veut, qui peut donner un avis utile à sa patrie ? Chacun alors pouvait s'engager à briller au service de la cité ou se taire. Ne peut-on revenir à cette sagesse simple et primitive ? Que ne s'engage en politique que celui qui est porteur d'un projet pour la nation, qui veut se mettre au service exclusif des citoyens, sans calculs ni arrière-pensées.

 


gif anime puces 025Le mandarinat

 

La deuxième tare, tout aussi spécifiquement française s'incarne dans le système de formation des Grandes Ecoles. Ce système en soi n'a rien de répréhensible. Il est bon et légitime qu'un pays ait des élites bien formées et compétentes. La République a aussi besoin d'une élite qui accède aux sommets, non par le sang ou la fortune, mais par le mérite. Cependant, le mandarinat qu'il génère n'est pas de nature à favoriser le mouvement général de la société et l'ouverture des horizons. A la sortie de ces écoles de l'élite, une fois le diplôme conquis, à 22 ans, ce bâton de maréchal, après avoir ouvert tous les sésames de l'excellence, permet à son détenteur de s'installer à vie aux postes de commande où il se barricade dans sa tour d'ivoire, dans la suffisance et la domination. Il n'en ouvre la porte désormais que pour accueillir son homologue de promotion (ou ses protégés) qui, comme lui, est sorti du même moule et armé du même bâton de maréchal, à 22 ans, et rivé aux premiers postes de commande de l'Etat, sphinx parmi les sphinx.

  

Cette autre monarchie de droit divin, tout comme la fonction politique ou élective à vie, peut être de nature à engendrer sinon le mépris systématique à l'égard des autres, du moins une distanciation de fait par rapport à la masse de la population. La cohésion sociale peut en souffrir. Ces deux castes, la caste politique et la caste technocratique et intellectuelle règnent sans partage sur l'État au moyen de formules cabalistiques hermétiques au plus grand nombre des citoyens. Comment une société et une nation peuvent-elles avancer avec aisance quand la tête est ainsi coupée du reste du corps ? La conjonction des deux dynasties, celle de la politique et celle des hauts cadres issus des Grandes Ecoles, joue contre la mobilité sociale.

 

symbole-Republique1.jpg

 

gif anime puces 025La devise ?

 

Et la devise de la République : Liberté, Egalité, Fraternité ? Comment parler aux Français de valeurs républicaines quand on ne leur a pas enseigné la République, la chose de tous ? Comment leur parler de principes républicains quand on n'est pas soi-même l'incarnation de la République ? Comment parler de civisme politique ou social quand il manque la pédagogie de l'exemple ? Si crise il y a actuellement en France, elle est moins économique que politique et civique. Ce serait plutôt celle de la pratique politique. Elle est, par déduction, sociale et morale. Elle procède d'un manque d'horizon et de repères pour la grande masse des citoyens et débouche sur une interrogation sur le sens de la politique et la place des hommes politiques dans la société. Dans l'incapacité de la classe politique à comprendre les Français et à se faire comprendre d'eux, à parler le langage juste et clair, bref, dans son inaptitude à la pédagogie sociale, réside la source de ce mal-être généralisé. C'est toute la politique et la pratique politique qui mériteraient d'être renouvelées en profondeur. Mais comment rénover la politique dans ce pays sans renouveler les hommes ? A quoi bon renouveler les hommes sans rénover les idées ? L'urgence, sans aucun doute, c'est le changement des comportements : politiques et sociaux.

 

(Tidiane Diakité, France que fais-tu de ta République ?, L’Harmattan, 2004) 

 

symbole-Republique3.jpg

Partager cet article
Repost0
19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 08:20

raisin2

SÉNÈQUE, SAGESSE ET FOLIE DES UNS ET DES AUTRES : DE LA RELATIVITÉ DES MAUX

110.gif 

fleurs autre020Victimes de nous-mêmes ?

 

« L'antique sagesse, dit-on, ne prescrivait rien d'autre que ce qu'il faut faire ou éviter, et les hommes de cette époque nous étaient de beaucoup supérieurs : depuis que les érudits ont pris la première place, les hommes de bien se font rares. Cette vertu simple et accessible s'est transformée en une science hermétique réservée aux intellectuels, qui nous enseigne à faire des dissertations et non à vivre ! » Vous avez raison, cela ne fait aucun doute : la vieille sagesse, à sa naissance, était fruste, tout comme les autres arts, qui, en évoluant se sont raffinés. Mais on n'avait pas encore besoin alors de traitements exigeant des soins attentifs. L'immoralité n'avait pas encore atteint ces sommets et ne s'était pas encore aussi largement répandue : les vices simples pouvaient être guéris par des remèdes simples. À présent, il faut se munir de défenses d'autant plus solides que les assauts dont nous sommes menacés sont plus violents.

 

caducee-medecins1.jpg

 

fleurs autre020D’une médecine à l’autre

 

Autrefois, la médecine consistait à connaître un petit nombre de plantes qui permettaient d'étancher le sang et de cicatriser les plaies ; ensuite elle a progressivement atteint cette extraordinaire complexité. Quoi d'étonnant ? Elle avait moins à faire quand les corps étaient fermes et résistants, et la nourriture facile à digérer, vierge des artifices inventés par la volupté. Depuis qu'on mange non plus pour apaiser la faim, mais pour l'exciter, et qu'on a trouvé mille condiments pour stimuler l'appétit, les aliments ne viennent plus combler un manque, mais imposer une surcharge. Que de conséquences funestes ! Ainsi le teint livide, les muscles qui tremblent sous l'effet du vin, la maigreur due aux indigestions, plus pitoyable que celle qu'engendre la faim. Ainsi la démarche incertaine et trébuchante de l'ivrogne qui titube du matin au soir. Ainsi l'humeur qui s'infiltre sous la peau et le gonflement du ventre qui a pris l'habitude d'absorber plus qu'il ne peut contenir. Ainsi l'épanchement d'une bile jaunâtre, qui ternit le teint ; putréfaction des organes ; doigts recroquevillés qu'on ne peut plus bouger ; inertie du système nerveux qui ne sent plus rien, ou tremblement incessant de tout le corps. Que dire des vertiges ? Ou bien des troubles de la vue et de l'ouïe, des violentes migraines qui font de la tête un volcan, et des abcès qui affectent les intestins ou la vessie ? Que dire encore des fièvres aux formes innombrables, qui tantôt envahissent brutalement le malade, tantôt s'insinuent en lui pour distiller leur poison, tantôt s'accompagnent de frissons et de spasmes ? A quoi bon énumérer les autres maladies par lesquelles on paie chèrement les voluptés ?


Ils n'étaient pas touchés par ces maux, les hommes qui ne s'étaient pas encore liquéfiés dans les raffinements des plaisirs, et qui étaient à la fois leurs propres maîtres et leurs propres serviteurs. Ils endurcissaient leur corps par le travail et le véritable effort, que demandait la course, la chasse ou le labour. La nourriture qui les attendait ne pouvait convenir qu'à des estomacs affamés ! On n'avait donc nul besoin de tout l'attirail de nos médecins, de tous les instruments de nos chirurgiens et de toutes nos boîtes de pilules. La maladie était simple car simple était sa cause : la multiplicité des maux provient de la multiplicité des plats. Vois quel mélange d'aliments doit passer dans un seul gosier : c'est le luxe qui le veut, ce fléau des terres et des mers. Inévitablement, des ingrédients si divers ne peuvent s'accorder entre eux et, une fois avalés, ils provoquent une indigestion du fait de leur incompatibilité. Rien d'étonnant à ce qu'une nourriture mal équilibrée engendre des maladies imprévisibles et variées, et que des produits naturellement opposés, si on les engloutit tout d'un coup, soient rejetés ! Ainsi donc, nos malaises sont aussi variés que nos nourritures.


Le plus grand des médecins, le fondateur de la médecine [sans doute s’agit-il d’Aristote], a affirmé que les femmes n'étaient sujettes ni à la calvitie ni à la goutte : pourtant, elles perdent leurs cheveux et elles sont goutteuses. Ce n'est pas leur nature qui a changé, mais leur vie : en égalant les hommes dans la débauche, elles les ont aussi égalés dans les ennuis de santé ! Comme eux, elles passent des nuits blanches, comme eux elles boivent, et elles les défient à la lutte et dans les beuveries. Comme eux aussi elles rendent par la bouche ce qu'elles ont avalé quand leur organisme n'en voulait pas et vomissent la quantité exacte du vin qu'elles ont bu. Tout comme eux, elles sucent de la neige pour soulager leur estomac en feu. Au lit non plus elles ne se laissent pas dominer par le mâle : nées pour le rôle passif (que les dieux et les déesses les maudissent !) elles ont inventé cette infâme perversité : pénétrer leur partenaire. Comment donc s'étonner si le plus grand des médecins est pris en flagrant délit de mensonge quand on voit tant de femmes chauves et atteintes de la goutte ? Elles ont perdu les privilèges de leur sexe à cause de leurs vices, et pour s'être dépouillées de leur féminité, elles ont été condamnées aux maladies masculines.


Les médecins de jadis ne savaient pas prescrire des repas fréquents ni utiliser le vin pour ranimer un pouls défaillant ; ils ne savaient pas pratiquer la saignée ni soigner une maladie chronique en recourant au bain et à l'étuve ; ils ne savaient pas, en ligaturant les bras et les jambes, repousser aux extrémités du corps le foyer du mal qui gît caché dans les profondeurs. Il n'était pas nécessaire de chercher partout mille sortes de secours quand il y avait si peu de dangers. Aujourd'hui en revanche, quels progrès la maladie a accomplis ! Nous payons les intérêts des plaisirs que nous avons poursuivis sans retenue, sans respect de rien.

 

gateau2.jpg

 

fleurs autre020Table et santé

 

Nos maladies sont innombrables. Tu t'en étonnes ? Compte donc les cuisiniers. On a cessé d'étudier ; les professeurs d'arts libéraux sont en chaire devant des salles vides. Dans les écoles de rhétorique et de philosophie, c'est le désert : mais quelle foule dans les cuisines, quel rassemblement de jeunes gens autour des fourneaux des fils de famille ! Je passe sur ces troupeaux de malheureux garçons qui, arrivés au bout du festin, sont réservés à d'autres outrages, dans la chambre. Je passe sur les bataillons de prostitués qu'on répartit selon leur nationalité et selon leur couleur : tous doivent avoir le même velouté, la même longueur de duvet au menton, la même nature de cheveux — quelle horreur, si une tête à cheveux raides se trouvait au milieu de chevelures frisées ! Je passe sur la foule des pâtissiers, sur celle des serviteurs qui, au signal donné, courent de tous côtés pour apporter les plats. Dieux bons, quel remue-ménage pour la satisfaction d'un seul ventre !


Eh bien, ces champignons, poison exquis, n'accomplissent-ils pas selon toi un travail souterrain, même si aucune réaction ne se fait sentir sur l'instant ? Allons donc ! Cette neige qu'on avale en plein été, crois-tu qu'elle ne durcisse pas le foie ? Et ces huîtres, cette chair visqueuse gorgée de fange, elles ne te feraient pas absorber un peu de leur vase bien grasse ? Quant à ce garum [Il s'agit d'une saumure faite avec les intestins de certains poissons, confits dans du vinaigre et poivrés, ou dans l'eau et le sel, ou dans l'huile, en y ajoutant des fines herbes. Il servait d'assaisonnement obligé aux plats de poissons et de coquillages.], précieuse pourriture de mauvais poissons, dont un magasin a le monopole, ne brûle-t-il pas les entrailles de sa saumure putréfiée ? Ces purulences qui, à peine sorties du feu, passent directement dans la bouche, peuvent-elles sans dommages s'éteindre au sein de notre organisme ? Après cela, quels renvois écœurants et pestilentiels ! Comme on se dégoûte soi-même, quand on sent monter les relents du vin mal digéré ! Tout ce qu'on a absorbé dans ces conditions pourrit dans l'estomac, qui ne peut l'assimiler. [...]

 

 

symbole-philo3.jpg

 

fleurs autre020Les nouveaux habits du philosophe

 

Je t'en dis autant de la philosophie. Elle était plus simple quand les vices étaient moins importants et ne réclamaient que des remèdes légers : contre un si grand bouleversement des mœurs, il faut employer tous les moyens. Puissions-nous enfin, de cette manière, enrayer l'épidémie ! Notre folie ne s'arrête pas à notre vie privée : elle déborde sur la communauté. Nous réprimons les meurtres individuels ; mais les guerres et le glorieux assassinat de nations entières ? La cupidité, la cruauté ne connaissent plus de limites. Tant qu'ils sont pratiqués en secret par des particuliers, ces vices sont pourtant moins nuisibles et moins monstrueux ; mais c'est par des sénatus-consultes (lois votées) et des plébiscites que l'on commet des atrocités et qu'on ordonne officiellement aux citoyens ce qu'on interdit aux individus. Des actes que l'on paierait de sa tête si on les commettait en cachette reçoivent nos éloges si l'on met une tenue de soldat pour les perpétrer. Les hommes n'ont pas honte, ces êtres si doux, de s'entretuer avec joie, de faire la guerre et de la transmettre en héritage à leurs enfants, alors que les bêtes brutes vivent en paix.


Face à une folie qui a si largement étendu son empire, la philosophie est devenue plus active, s'armant de forces proportionnées à celles de l'adversaire qu'elle allait combattre. Auparavant, il était facile de sermonner ceux qui avaient un penchant pour la bouteille ou qui versaient dans la gourmandise ; on n'avait pas un grand effort à fournir pour ramener à la sobriété une âme qui s'en était un peu écartée :


« Maintenant, il faut des mains agiles, maintenant on a besoin de maîtres artisans. »


Partout c'est la course aux plaisirs. Il n'est pas de vice qui reste à l'intérieur de ses limites : ainsi le luxe nous précipite-t-il dans la cupidité. Qu'est-ce que le bien ? On l'a oublié : aucune honte à avoir, si le profit est à la clé ! L'homme, objet sacré pour l'homme, on le tue aujourd'hui par jeu, pour passer le temps. Il était sacrilège de lui apprendre à porter ou à recevoir des coups : à présent on le produit en public nu et sans armes, et tout le spectacle qu'on attend de lui, c'est sa mort.


Quand les mœurs ont atteint ce degré de perversion, on a besoin d'un remède plus violent que d'habitude pour prendre à la racine un mal bien implanté : il faut se munir de dogmes pour arracher définitivement les idées reçues qui font prendre le faux pour le vrai. Joints à ces principes généraux, les préceptes particuliers, les consolations, les encouragements pourront être efficaces : en soi, ils n'ont aucun effet. [...] 

Sénèque (4 av. JC – 65 ap. JC), Lettres à Lucilius.

Agora, Les Classiques

symbole-sagesse-boudhiste3.jpg

 

Partager cet article
Repost0
12 janvier 2014 7 12 /01 /janvier /2014 09:47

MB900439168

CENTRAFRIQUE, UNE LUEUR DANS LE BROUILLARD ?

 graphisme-3d-5

La fuite en avant ou la sortie du tunnel du chaos ?

 gif anime puces 286

 

Ainsi donc, à N’Djamena (capitale du Tchad), les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) réunis les 9 et 10 janvier, manifestent leur volonté de peser sur le cours des événements en Centrafrique. L’objectif de cette réunion : obtenir le retrait du président autoproclamé Michel Djotodia, chef de l’ex-mouvement rebelle Séléka.


Ce dernier déchu, la crise centrafricaine sera-t-elle pour autant résolue ? Il faut le souhaiter. Mais on peut légitimement en douter.


D’aucuns voient la diplomatie française à l’œuvre derrière ce sommet extraordinaire de N’Djamena, tout particulièrement la pression exercée sur le président tchadien Idriss Déby, par ailleurs président en exercice de la CEEAC, afin d’obtenir le départ de Djotodia, départ qui serait suivi dans l’année d’élections (présidentielle et législatives) en vue de donner une direction politique crédible au pays en évitant par la même occasion l’enlisement de la France dans le bourbier centrafricain.

 

doc1-Djotodia.jpg

Djotodia, président autoproclamé

 

fleche 235Des élections : Quand ? Comment ? Quel objectif ?

 

Deux questions préalables à tout projet de résolution de la crise centrafricaine s’imposent :


fleche 035Comment des relations naguère paisibles et harmonieuses entre ethnies, entre religions, ont-elles pu se dégrader aussi rapidement ? (Malgré le nombre important d’ethnies, plus de 90% de la population parlent une même langue locale, ce qui constitue une exception en Afrique subsaharienne).


De fait, un tel déchaînement de haine et un tel degré de barbarie, jamais vus dans ce pays, sont le signe probant d’une détérioration profonde de l’esprit national et de la volonté commune de vivre ensemble.

 

fleche 035Comment en est-on arrivé là ?

Après les causes, la seconde question porte sur les mesures et moyens de nature à renouer durablement les fils du lien social en donnant à l’État la consistance sans laquelle il n’est pas de paix sociale.


La métamorphose subite de populations d’un même pays, transformées en bêtes féroces se dévorant entre elles, mérite de tirer de cette crise toutes les leçons propres à favoriser le retour à l’existence normale d’un État et d’une nation, dans la paix et la stabilité. La presse s’en est largement fait l’écho :


« Depuis huit mois, les soudards de la Séléka ont méthodiquement mis à sac la Centrafrique et martyrisé son peuple… enlèvements nocturnes, assassinats ciblés, rafles de jeunes dans les quartiers réputés hostiles (c’est-à-dire non musulmans) de la capitale, rackets, pillages d’anthologie à l’échelle nationale, viols, expéditions punitives, razzias, jusque dans les villages frontaliers avec le Cameroun voisin… La liste des exactions auxquelles les miliciens tchadien, darfouriens et centrafricains de la Séléka se livrent sur ce territoire de non-droit, où il n’y a ni armée, ni police, ni gendarmerie, ni administration, est proprement effarante… » (Jeune Afrique, 24-30 novembre 2013)

 

Un ancien Premier ministre centrafricain affirme : « Un tel degré de sauvagerie, je n’ai jamais vu cela dans l’histoire de mon pays. »

Et le pire était à venir : le mois de décembre fut le plus meurtrier, celui qui connut les exactions les plus barbares : celles perpétrées par des musulmans rencontrant les exactions des milices d’autodéfense chrétiennes. La Centrafrique, depuis décembre 2013, se résume en quatre mots : chaos sanglant, anarchie absolue. C’est sur ces ruines qu’il s’agit de reconstruire l’État et la nation, au service exclusif d’une population profondément divisée et meurtrie.

 

fleche 235Une élection bâclée = Un président avant le prochain coup d’État ?

 

doc2-mosquee.jpg

Une mosquée pillée par des chrétiens à Bangui

 

gif anime puces 029Le préalable indispensable

 

Soigner des plaies physiques et morales, vives et profondes, réconcilier, parvenir à la paix, à défaut de l’oubli, recréer le sentiment d’appartenance à une même communauté liée par le même passé, ayant des aspirations communes, et une même volonté de vivre ensemble. Cet effort de réconciliation doit précéder tout projet d’élection. Pour aboutir, il devra prendre le temps nécessaire, car il s’agit de construire pour la durée.


Organiser des élections précipitées, sans ce préalable, reviendrait à cristalliser les fractures du moment : ethniques, religieuses, géographiques…, à refermer prématurément des plaies mal soignées, non guéries, des musulmans votant pour des musulmans, des chrétiens pour des candidats chrétiens, les ethnies du nord pour les candidats du nord, celles du sud pour les candidats du sud. On votera par conséquent pour une ethnie ou une religion, non pour l’avenir du pays, ni pour la personnalité la mieux à même de relever les immenses défis auxquels il est confronté. De telles élections sortiraient, non  une nation et un État  forts, mais un agrégat informe de communautés opposées les unes aux autres, n’ayant ni aspirations communes, ni volonté aucune de vivre ensemble.

 

doc3-ethnies.jpg

Le Nord et le Sud. 90 ethnies cohabitent

 

fleche 235Mali/Centrafrique, Serval/Sangaris, même opération ?

 

gif anime puces 029Une double différence

 

gif anime puces 042Sur le plan militaire et stratégique


Au Mali, l’ennemi était connu, identifié et localisé : les djihadistes apparentés à Al-Qaida, qui s’étaient installés dans le nord du Mali d’où ils menaçaient d’occuper le reste du pays, en défiant la communauté internationale, et en imposant leur loi obscurantiste aux habitants sous leur coupe. Il s’agissait alors de les déloger, de les combattre, de les neutraliser, avec des armes et une stratégie adaptées.

 

En Centrafrique, on ne connait pas l’ennemi en tant que tel. On ignore où il se trouve. Il est partout ! Dans les villes comme dans les campagnes, sur un territoire vaste comme la France, la Belgique et le Luxembourg réunies. Il s’agit de s’interposer entre des citoyens du même pays qui se massacrent, parce que de religions et d’ethnies différentes, qui se vouent une haine inexpiable, suscitée et entretenue par des politiques irresponsables, incompétents, indignes de leur charge.

Les militaires français sont entrés dans ce pays avec des chars des avions, des fusils, des armes sophistiquées pour s’interposer, pour réconcilier !

 

doc4aeroport.jpg

Aéroport de Bangui. Arrivée de soldats français.

 

gif anime puces 042Sur le plan administratif et politique

 

En Centrafrique, contrairement au Mali lors de l’opération Serval, il n’y a ni armée nationale (même embryonnaire), ni police, ni gendarmerie, ni archives administratives…

Les ministères sont fermés, pillés, vidés de leurs dossiers et mobilier. Tout a disparu dans les services et bâtiments publics. C’est l’État centrafricain même qui a disparu.

 

Au Mali, y compris au plus fort de la crise, (sauf dans la région occupée au nord), les bases et structures essentielles de l’État sont demeurées intactes, avec un gouvernement et une Assemblée nationale en service.


En Centrafrique, tout est à reconstruire ! Qui fera ce travail ? Pendant combien de temps ? Quelle élection possible dans l’immédiat ?

 

Il s’agira de recréer l’État, mais avant, de procéder au recensement de la population éparpillée, qu’il faudra regrouper, établir des listes électorales fiables, car « à la différence du Mali, le ministère de l’Intérieur en Centrafrique est une coquille vide et l’administration renouvelée sous le régime de transition au mieux incompétente, au pire inexistante.

Il faudra que l’Union africaine et l’ONU s’y substituent et valident le scrutin comme cette dernière l’a fait en Côte d’Ivoire. Une opération longue, lourde et coûteuse, dont on ne perçoit encore ni la mise en place, ni le financement. »

 

fleche 235Perspectives

 

Quels effets bénéfiques du sommet de N’Djamena peut-on escompter sans une étude approfondie et rigoureuse de tous ces préalables ? Sans la reconstruction méthodique de l’État et l’indispensable réconciliation des habitants de ce pays ? Sinon, de fâcheuses conséquences se profileraient à l’horizon, parmi lesquelles la persistance des tensions mais aussi une probable partition du pays entre un Nord musulman et un Sud chrétien et animiste (à l’image du Sud-Soudan dont on voit aujourd’hui même la triste réalité).

 

Michel Djotodia, à lui seul, ne fait pas la Séléka, mais en l’occurrence, il partage avec ses principaux lieutenants cette idéologie de la scission du pays.

 

« En privé, Djotodia et son entourage menacent depuis plusieurs mois de diviser le pays… Chaque fois que la communauté internationale durcit le ton, Djotodia répond : « partition ». Il faut dire que pour les Séléka, ce serait un moindre mal, qui leur permettrait tout de même de mettre la main sur les principales richesses du pays (pétrole et diamants notamment). Déjà depuis quelques mois, 2000 soldats, ex-rebelles sont retournés dans leur fief du Nord-est.

Devant ses interlocuteurs, le président de la transition, convaincu que la Centrafrique, le Tchad et le Soudan ne forment qu’un seul et même territoire arbitrairement divisé par les colons, n’hésite pas à convoquer des arguments historiques. » (Jeune Afrique, 22 décembre 2013 – 4 janvier 2014)

 

En raison de tous ces paramètres, l’avenir de la Centrafrique exige lucidité, vision, détermination et pragmatisme.

Et si, malgré tout, un nouveau chef d’État venait à être élu (ou désigné) sans délai, dans ces conditions, il serait indiqué qu’il soit, pour un temps à déterminer, sous la tutelle des Nations unies, auxquelles il devrait régulièrement rendre compte de sa gestion du pays, afin d’épargner à celui-ci d’autres chaos et drames, et pour préserver l’avenir.

Mais, en définitive,c'est aux Centrfricains de prendre leur destin en main. Si la France ou l'ONU peuvent apporter une assistance ponctuelle, elles n'ont pas vocation à porter ce pays à bout de bras continuellement

 

doc5adieuDjotodia.jpg

Adieu Djotodia ! Le départ.

 

Partager cet article
Repost0
5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 09:52

MB900439171

LA FRANCE EN CENTRAFRIQUE : GRANDEUR ET SERVITUDE

 gif anime puces 858

 

Que diable allait-elle donc faire dans cette galère ?

 

bateau-ds-la-tempete2.jpg

La galère sur un océan de haine

 

Quoi qu’elle fasse

 

La non intervention en Centrafrique à l’heure où le monde entier assiste au naufrage d’un pays, où l’État implose littéralement, un pays transformé en champ clos de carnage, théâtre de violences inouïes et de sanglante barbarie, en proie à la folie meurtrière d’un obscurantisme surgi du fond des âges, eut été considérée comme une dérobade coupable, par ceux-là mêmes qui lui font aujourd’hui le reproche de son intervention, trouvant le mobile de cette intervention dans la convoitise des ressources naturelles du pays.

 

 

Intervenir ou ne pas intervenir ?

 

La France avait-elle le choix ?

 

On peut toujours trouver un relent de colonialisme et une volonté de mettre la main sur les richesses naturelles à toute intervention de la France dans n’importe quel pays d’Afrique francophone. Ce jugement n’est certes pas dépourvu de tout fondement mais, c’est l’interprétation sans doute la plus facile, c’est-à-dire la plus commode, qui permet de s’exonérer de toute analyse approfondie visant à un degré minimal d’objectivité.

 

doc2-devant-l-ambassade-de-France-a-Bangui.jpg

Appel à la France à Bangui

 

Le plus difficile, par définition le moins commode, c’est l’effort intellectuel par lequel on s’efforce de pénétrer au cœur de l’événement pour une expertise critique étayée par une argumentation rigoureuse, prenant en compte ses dimensions multiples, en fonction du lieu et du contexte.

 

En Centrafrique, la France n’est pas en terre inconnue. Elle est toujours intervenue dans ce pays depuis son indépendance, et fut intimement associée à toutes les phases de son histoire politique agitée, depuis 1959. Aucun chef d’État centrafricain, élu ou parvenu au pouvoir à la faveur d’un coup d’État, n’a pu se passer de l’appui et de l’onction de la France.

 

C’est sans doute pour cette raison que le président Bozizé, chassé du pouvoir en mars 2013 par les rebelles de la Séléka (rassemblement ou coalition en langue sango), avait sollicité en vain l’aide de la France (comme après son coup d’État en 2003, où celle-ci lui tendit la main et l’adouba).


Ayant signé en 2013 un important contrat avec la Chine qui permettait à celle-ci d’exploiter de nouveaux gisements pétroliers au nord, ainsi que sa participation au développement du pays (selon la volonté du président), d’aucuns y ont vu la raison du lâchage de Bozizé, mais aussi de l’intervention en cours, destinée entre autres à contrer cette entrée des Chinois sur sa « chasse gardée ».


Malgré tout, la décision d’intervenir en Centrafrique ne semble pas avoir été spontanée, ni réellement désirée, selon plusieurs éléments d’analyse. Elle s’est faite en 3 étapes, entre la prise de conscience et l’action concrète.


fleche 0261er temps : celui de l’attentisme. L’entrée des rebelles dans la capitale et la fuite du président Bozizé vers le Cameroun une fois entérinées, le gouvernement français par la voix du Quai d’Orsay, déclare avoir pris acte du changement intervenu et appelle au calme et au dialogue dans l’intérêt de ce pays.


fleche 0262e temps : la France déclare déplorer que ce changement soit survenu par la force et au mépris des institutions démocratiques et la suppression (ou suspension) de celles-ci.


fleche 0263e temps : face à l’appel pressant de plusieurs ONG étrangères, notamment de Human Rights Watch, mais aussi d’Églises, de personnalités africaines et françaises, surtout, confrontées aux images et récits de violences et d’exactions insoutenables, dans un chaos indescriptible et des populations à l’abandon, le président français décide d’entrer en action par l’envoi de troupes.


Fallait-il laisser un « génocide rwandais bis » se perpétrer en Centrafrique, musulmans massacrant chrétiens et chrétiens massacrant musulmans ?

 

doc3-l-horreur--femmes-en-detresse078.jpg

L’horreur. Femmes en détresse

 

 

Comment intervenir ?

 

Si le bien-fondé de l’intervention française ne peut être mis en doute, vu l’urgence humanitaire et la « responsabilité historique », c’est le comment de cette intervention qui peut légitimement interroger.

 

Fallait-il y aller seul ?

 

Une force internationale massive sous la bannière de l’ONU et le commandement (ou l’inspiration) de la France eût été souhaitable.

 

Face-a-la-haine-et-a-la-violence.jpg

Militaires français face à la haine et à la violence à Bangui

 

gif anime puces 577Que peut la France seule dans cet océan de haine et d’obscurantisme ? Face à ce trou béant, ce déficit criant d’État ?


gif anime puces 577Que peuvent les chars et les canons, quand c’est le cœur et le cerveau qu’il faut toucher pour éteindre la haine et activer la raison ?

 

La présence française en Centrafrique, au-delà de l’aspect purement militaire, constitue un véritable symbole : celui d’un renversement des rôles ou des valeurs. Les jeunes soldats français auraient-ils désormais vocation à remplacer les « vieux sages » africains, pour concilier et réconcilier, apaiser les tensions qui déchirent individus, familles et clans ?


Où est donc passée la légendaire « sagesse africaine » ? Est-elle partie en fumée ou était-elle fumée ?

 

Où sont les Africains ?

 

Dès l’arrivée au pouvoir et l’installation par la force des nouvelles autorités issues de la rébellion, en mars 2013, la première réaction africaine fut celle de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), dont la Centrafrique est membre. Au cours d’un sommet extraordinaire des chefs d’État de la sous-région, réunis pour la circonstance, dans la capitale du Tchad, N’Djamena, il fut décidé d’entériner le fait accompli à Bangui. Ce soutien tacite fut assorti de conditions dictées au nouveau pouvoir, parmi lesquelles la formation d’un gouvernement d’union nationale et l’organisation d’élections « démocratiques et transparentes » dans un délai de 18 mois.

 

Cacophonie ?

 

Dans le même temps, l’Union africaine réagissait et condamnait vigoureusement le coup d’État de la rébellion en Centrafrique. Mieux, elle décidait d’isoler totalement les nouvelles autorités, en commençant par exclure le pays de la CEEAC. Elle demanda à toutes les organisations internationales de faire de même : ONU, Union européenne… Elle les invita à prendre des sanctions à l’encontre des principaux chefs de la Séléka, à commencer par le premier d’entre eux, le président autoproclamé Djotodia : gel des avoirs, restrictions des déplacements…


De toute manière, le rétablissement de l’État et de l’ordre en Centrafrique ne peuvent venir ni des responsables politiques, ni des forces armées africains. Le salut du pays est ailleurs.

 

Et l’Europe ?

 

Les Européens ne se sentent pas concernés par ce qui se passe en Centrafrique. D’une manière générale, la réponse de la communauté internationale, principalement de l’Union européenne, demeure jusque là minimale. L’Allemagne, la Pologne, la Lettonie… ont-elles le même rapport à l’Afrique que la France ? Ont-elles la même mémoire de l’histoire ?

 

D’aucuns, parmi les États européens, reprochent à la France de s’être engagée seule en Centrafrique, sans les prévenir, et de vouloir les mettre devant le fait accompli en sollicitant leur participation.


Quoi qu’il en soit, la situation actuelle de ce pays dépasse le simple huis-clos de la France avec son ancienne colonie. L’État centrafricain totalement effondré, le vide créé serait vite comblé par ceux que peu d’États d’Europe souhaiteraient voir à leur porte : un terrain conquis par les djihadistes et les adeptes de tous les trafics… Ceux qui sont chassés du Nord-Mali y afflueraient, s’y installeraient en maîtres, en y rencontrant d’autres qui renforceraient leur pouvoir. Et ce nouveau sanctuaire de tous les dangers, créé et conforté, serait une menace pour l’Afrique, mais aussi pour l’Europe et le monde.


Vu sous cet aspect, la France, ce Don Quichotte impénitent, œuvre aussi en Centrafrique, seule, pour la paix mondiale.

 

Un conflit interne, religieux et ethnique ?

 

À l’origine non ! Un conflit né de l’incurie et de l’inconscience de politiques centrafricains qui instrumentalisent la religion et l’ethnie pour suppléer leurs carences. La défaillance de la gouvernance et la faillite de l’État portent en germes toutes les dérives et tous les drames imaginables.


Si ce pays a toujours été une terre de révoltes et de rébellions, ces mouvements sociaux ou politiques furent toujours dirigés contre des gouvernants brutaux, incompétents et inaptes à la fonction d’homme d’État. Jamais par le passé des fractions de la population de ce pays, où religions et ethnies ont toujours vécu en bonne intelligence, ne s’affrontèrent pour motif religieux ou ethnique. La mauvaise gouvernance corrompt cette harmonie sociale, compromettant gravement l’avenir du pays.

 

Comment éteindre le feu ?

Perspectives et solutions

 

Court terme, moyen terme, long terme

 

etoile 108Court terme :


 

gif anime puces 601D’abord mettre le pays sous tutelle internationale, sous mandat des Nations unies, avec pour objectif : traiter le mal en profondeur : mettre un terme aux violences et exactions, grâce à la mise sur pied d’une force issue des l’ONU.


gif anime puces 601La deuxième urgence sera la création d’une administration digne de ce nom : police, gendarmerie, justice, toutes choses totalement disparues depuis mars 2013.

Reconstruire hôpitaux, dispensaires, services municipaux, écoles, service d’état civil, poste… bref, les bases fondamentales de l’administration.


gif anime puces 601Troisième urgence enfin, former les cadres nationaux indispensables à l’administration et à l’État. Entreprendre une œuvre de pédagogie civique : réconcilier ethnies et religions.


 

etoile 108Moyen terme :


Construire ou « reconstruire » l’État, créer et mettre à jour fiches électorales, budget, douanes, service fiscal… former et sensibiliser au sens de l’État, au réflexe du service d’État, au respect du bien public…

 


etoile 108Long terme :


Celui de la renaissance de l’État et de la nation. Il sera fonction des constructions opérées par le court et le moyen terme, et permettra de les compléter et les parfaire, par le fonctionnement normal de l’État au service de tous, et la formation d’un gouvernement issu d’élections authentiquement démocratiques, lequel sera animé par des hommes et des femmes formés, intègres, compétents et dévoués.

 

 arbre 

 

Partager cet article
Repost0
29 décembre 2013 7 29 /12 /décembre /2013 09:53

chouette2.jpgÉPICTÈTE, ENTRE MAXIME ET ACTIONS

 

fleurs autre020

gif anime puces 029Face à l’autre, chercher l’entrée lumineuse

 

Epictete.jpg

 

Chaque chose présente deux prises, l'une qui la rend très aisée à porter, et l'autre très mal aisée. Si ton frère donc te fait injustice, ne le prends point par l'endroit de l'injustice qu'il te fait ; car c'est par où on ne saurait, ni le prendre, ni le porter ; mais prends-le par l'autre prise, c'est-à-dire, par l'endroit qui te présente un frère, un homme qui a été élevé avec toi, et tu le prendras par le bon côté qui te le rendra supportable.

 

Ce n'est pas raisonner conséquemment que de dire, je suis plus riche que vous, donc je suis meilleur que vous : je suis plus éloquent que vous, donc je vaux mieux que vous. Pour raisonner conséquemment il faut dire, je suis plus riche que vous, donc mon bien est plus grand que le vôtre ; je suis plus éloquent que vous, donc ma diction vaut mieux que la vôtre : mais toi tu n'es ni bien, ni diction.

 

Quelqu'un se met de bonne heure au bain, ne dis point qu'il fait mal de se baigner si tôt, mais qu'il se baigne avant l'heure : quelqu'un boit beaucoup de vin, ne dis point qu'il fait mal de boire, mais qu'il boit beaucoup ; car avant que tu aies bien connu ce qui le fait agir, d'où sais-tu s'il fait mal ? Ainsi toutes les fois que tu as à juger évite de voir devant tes yeux une chose, et de te prononcer sur une autre.

 

fleurs 089

 

gif anime puces 029L’ignorant et le philosophe

 

En nulle occasion ne te dis Philosophe, et ne débite point de belles maximes devant les ignorants ; mais fais tout ce que ces maximes renferment. Par exemple, dans un festin ne dis point comment il faut manger, mais mange comme il faut. Et souviens-toi qu'en tout et partout Socrate a ainsi retranché toute ostentation et tout faste ; les jeunes gens allaient à lui pour le prier de les recommander à des Philosophes, et il les menait, souffrant ainsi sans se plaindre le peu de cas qu'on faisait de lui.

 

S'il arrive donc qu'on vienne à parler de quelque belle question devant les ignorants, garde le silence ; car il y a bien du danger à aller rendre d'abord ce que tu n'as pas digéré. Et lorsque quelqu'un te reprochera que tu ne sais rien, sache que tu commences à être Philosophe dès ce moment-là : car les brebis ne vont pas montrer à leurs bergers combien elles ont mangé, mais après avoir bien digéré la pâture qu'elles ont prise, elles portent de la laine et du lait ; toi de même ne débite point aux ignorants de belles maximes ; mais si tu les as bien assimilées, fais-le paraître par tes actions.

 

Si tu es accoutumé à mener une vie frugale et à traiter durement ton corps, ne te complais point sur cela en toi-même ; et si tu ne bois que de l'eau, ne dis point à tout propos que tu ne bois que de l'eau. Que si tu veux t'exercer à la patience et à la tolérance, pour toi, et non pas pour les autres, n'embrasse point les Statues ; mais, dans la soif la plus ardente, prends de l'eau dans ta bouche, rejette-la en même temps, et ne le dis à personne.

 

L'état et le caractère de l'ignorant ; il n'attend jamais de lui-même son bien ou son mal ; mais toujours des autres. L'état et le caractère du Philosophe ; il n'attend que de lui-même tout son bien et tout son mal.

 

Signes certains qu'un homme fait du progrès dans l'étude de la sagesse : il ne blâme personne ; il ne loue personne ; il ne se plaint de personne ; il n'accuse personne ; il ne parle point de lui, comme s'il était quelque chose ou qu'il sût quelque chose ; quand il trouve quelque obstacle ou quelque empêchement à ce qu'il veut, il ne s'en prend qu'à lui-même. Si quelqu'un le loue, il se moque en secret de ce louangeur ; et si on le reprend, il ne fait point d'apologie ; mais, comme les convalescents, il se tâte et se ménage, de peur de troubler et de déranger quelque chose dans ce commencement de guérison, avant que sa santé soit entièrement fortifiée. Il a retranché toutes sortes de désirs, et il a transporté toutes les aversions sur les seules choses qui sont contre la nature de ce qui dépend de nous ; il n'a pour toutes choses que des mouvements peu empressés et soumis ; si on le traite de simple et d'ignorant, il ne s'en met pas en peine. En un mot, il est toujours en garde contre lui-même, comme contre un homme qui lui tend continuellement des pièges et qui est son plus dangereux ennemi.

 

oiseau mouche 013

 

gif anime puces 029Ce qui dépend ou non de nous

 

Demeure ferme dans la pratique de toutes ces maximes, et obéis-leur comme à des Lois dont tu ne peux violer la moindre sans impiété ; et ne te mets nullement en peine de ce qu'on dira de toi ; car cela n'est plus du nombre des choses qui sont en ta puissance.

 

chat_013-copie-1.gif

Partager cet article
Repost0
15 décembre 2013 7 15 /12 /décembre /2013 09:26

Tn 000398

CENTRAFRIQUE, LE CHAOS PERMANENT

 17

La France en terre de mission impossible ?

 

Au centre de l’Afrique

 

Afrique.jpg

 

Un condensé du mal africain.

Au pays de l’Empereur Bokassa

 

Centrafrique1.jpg

 Centrafrique

 

Bokassa1.jpg

L’Empereur du chaos, Bokassa Ier

 

Si la Centrafrique n’est pas l’Afrique, elle est néanmoins largement représentative de ce continent au double sens de la fragilité étatique, voire de l’inconsistance de l’État, et de la vacuité de l’indépendance émancipatrice. Elle fait en outre partie de ces États africains qui sont marqués d’une grave carence de la gouvernance.

 

Dans une Afrique à géométrie variable, trois catégories d’États apparaissent :

bouton 007Des États qui tentent, tant bien que mal (le plus souvent plutôt mal que bien), de sortir la tête du marais du sous-développement, avec des phases d’accélération, mais aussi de recul.

bouton 007Des pays qui nagent ou plutôt surnagent, avec une infinie peine, vers le rivage et la lumière.

bouton 007Enfin, des pays qui plongent totalement, immergés au plus profond du marais, ballottés et retournés, qui perdent pied, sans boussole ni gouvernail, et qui ne tiennent que par une béquille prêtée par des pays extérieurs au continent, ou sur le dos de ces derniers.

 

La Centrafrique fait partie de cette dernière catégorie. Pays dit « indépendant » depuis plus de 50 ans, en réalité terre de chaos permanent et d’un cercle vicieux perpétuel.

 

gif anime puces 042Une indépendance fictive, des pays vassalisés.

 

René Dumont prévenait déjà en 1962 :

« L’Afrique risque la vassalisation néocolonialiste… si elle continue dans cette voie. »

Cette prédiction est aujourd’hui avérée pour nombre d’États africains. Mais, si vassalisation il y a, à qui en incombe la responsabilité ? L’irresponsabilité inqualifiable et l’incompétence notoire, aggravées parfois par l’absence de l’élémentaire intégrité morale, font de ces États les jouets de qui veut s’en servir.

 

Car, où est l’État quand l’on se trouve dans l’incapacité intrinsèque de nourrir la population, de la soigner, d’assurer sa sécurité ?

A-t-on « pris » son indépendance pour se faire porter par l’ancien colonisateur et dormir indéfiniment sur son dos ?

Car la Centrafrique est bien (comme d’autres), ce gouffre sans fond qui absorbe tout et ne rend rien.

 

gif anime puces 042La France dans le guêpier centrafricain

 

les-emigres-de-l-interieur.jpg

Les émigrés de l’intérieur. Une errance sans fin.

 

bouton 007Que peut la France contre la haine qui anime les Centrafricains et les oppose les uns aux autres ?

bouton 007Que peut-elle faire pour inscrire au cœur et dans l’esprit des Centrafricains l’amour et le respect des uns pour les autres ?

bouton 007De quelle potion magique dispose-t-elle pour créer dans les esprits, indéfiniment, le sens de l’État et la culture du respect de la chose publique ? Celle du service public ?

 

la-marche-des-damnes.jpg

La marche des damnés, de nulle part vers nulle part.

 

Une des tâches prioritaires des Français (et des Européens en général), comme de tous ceux qui se penchent au chevet de ce grand malade chronique qu’est la Centrafrique, c’est d’amener ses dirigeants à prendre conscience de leurs responsabilités dans le chaos où baigne ce pays depuis si longtemps, c'est-à-dire, les former à la fonction et à la dignité de dirigeant d’État.

Combien d’interventions de la France dans ce pays depuis son indépendance ? Pour quels résultats ?

 

Si les Français veulent éviter à leur gouvernement (Oh ! certes il est quelque part quelques compensations ou intérêts matériels !) la condamnation à un éreintant travail de Sisyphe, il importe de revoir en profondeur leur pratique de l’aide au développement qui a prouvé son inefficacité. Il importe d’introduire d’autres méthodes, en s’éloignant d’un formalisme dogmatique, et d’un conformisme intellectuel qui ont fait leur temps.

Il est nécessaire, à cet égard, de déterminer avec les intéressés, les objectifs prioritaires, le développement étant l’unique finalité. Des objectifs, des impératifs, avec exigence de résultats sinon dévaluation, et pour le pays qui aide, et pour le pays bénéficiaire, et, nécessairement, en permanence, un droit de regard des citoyens du pays donateur comme de ceux du pays bénéficiaire.

 

Comment prendre au sérieux des responsables africains discourant à longueur de forums internationaux sur le développement quand, dans certains États, le taux d’alphabètes a chuté de 30% depuis les années 1970 ? Des pays où l’école est à l’abandon, les enseignants déconsidérés, prolétarisés voire clochardisés ?

Dans ce domaine aussi, il faut que les pays développés qui prétendent aider les pays africains à sortir du sous-développement, apportent la preuve de leur engagement, non dans le discours, mais dans la pratique, en ouvrant les yeux sur les réalités profondes des États et des peuples : penser juste, dire vrai, pour être efficaces.

En dernier ressort, la flamme du développement doit s’allumer dans la conscience des Africains, ou il n’y aura pas de développement.

 

« Il faut former les jeunes », affirme Mme Cinzia Catalfamo Akbaraly, présidente de la Fondation Akbaraly, qui lutte contre le cancer à Madagascar. Elle précise :

« On n’arrive pas à retenir les meilleurs.

L’Afrique n’arrive pas à former et éduquer correctement sa jeunesse. Il faut absolument insister sur ce terrain-là. Les jeunes qui veulent recevoir une éducation à haute valeur ajoutée vont en Europe, aux États-Unis… Et ils ne reviennent pas ! En Afrique, nous n’arrivons pas à les faire revenir ! »

 

gif anime puces 042Pourquoi partent-ils ?

 

bouton 007Pourquoi ne veulent-ils pas revenir ?

bouton 007Que faire pour qu’ils ne partent pas, ou pour qu’ils reviennent ?

Telles sont les questions primordiales à poser. Y répondre, c’est déjà faire une partie du chemin vers l’objectif à atteindre.

Enfin, mettre un terme aux propos lénifiants convenus à l’égard des dirigeants africains apparaît comme une absolue nécessité : tenir résolument le langage de la vérité et de la responsabilité. Le meilleur moyen d’aider l’Afrique, est que l’Afrique s’aide.

 

gif anime puces 042Et les Chinois ? Où sont-ils quand l’Afrique brûle ?

 

Il est une autre réalité qu’il faut oser aborder dès lors qu’il s’agit du présent et du futur de l’Afrique. C’est l’attitude des nouveaux partenaires du continent, qui l’envahissent littéralement du nord au sud, au détriment des partenaires historiques que sont les Européens. Il y a sûrement des raisons à cette fulgurante percée des uns et à l’élimination progressive des autres du jeu africain. Là n’est pas la question pour ce sujet. Sans émettre le moindre jugement de valeur, il s’agit ici d’énoncer un constat.

Depuis le début des années 2000, ces nouveaux partenaires, Chinois en tête, mais aussi Indiens, Japonais, Russes, Brésiliens… qui jouent des coudes pour se faire une place en Afrique, et déloger méthodiquement les anciens partenaires des Africains, se taillent la part du lion dans l’exploitation des ressources naturelles raflant au passage tous les marchés publics et appels d’offres, avec la bienveillance des dirigeants africains.

La « diplomatie du chéquier », que ces nouveaux venus pratiquent à merveille, envoûte littéralement bien des dirigeants du continent, qui s’empressent de leur dérouler le tapis rouge, sans conditions ni précautions.

 

Or, paradoxalement, la France, premier pays européen à pâtir durement de cette percée, perdant marchés et contrats, est la première à accourir pour éteindre l’incendie allumé par des Africains. Ceux qui sont à l’honneur et en grâce auprès des dirigeants africains, sont étonnamment absents. Ils se taisent et se terrent, quand la France monte au feu.

Ainsi, par une curieuse alchimie, ceux qui sont absents à la redistribution de cartes économiques sont aussi les pompiers les plus assidus et les plus dévoués.

 

La France n’est pas seulement le « gendarme de l’Afrique », elle est aussi le pompier régulier, à pied d’œuvre sur le continent. Et, à voir les foules massées le long des routes, les visages rayonnants des habitants acclamant les troupes françaises, la France apparaît aussi comme le « sauveur » attitré, en tout cas, le pompier qui sait éteindre l’incendie. Au-delà de profits escomptés en termes de rayonnement, il y a aussi chez elle, la réelle volonté de contrer partout sur le continent, la barbarie obscurantiste et d’en écarter le danger.

 

Au-secours.jpg

Le pompier français à l’œuvre

 

Le président Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire, également président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de L’Ouest (CEDEAO), semble en prendre conscience. Ne déclarait-il pas le 6 décembre à Paris :

« Quoi qu'on en dise,et malgré l’influence grandissante de la Chine, des États-Unis et du Brésil en Afrique, ces pays ne sont pas engagés chez nous sur le front de la défense et de la sécurité. Ils ne prennent pas les mêmes risques que la France. »

 

Certes ! Mais ils prennent tous les marchés et contrats au nez de la France.

Cette déclaration du président Ouattara a de quoi surprendre car, ce sont bien eux, dirigeants, qui ouvrent grandes les portes de leurs pays aux Chinois, Indiens, Brésiliens… qu’ils s’empressent d’installer et d’adouber. D’une part, parce que la « diplomatie du chéquier » opère des miracles, en produisant des retournements d’alliance spectaculaires, d’autre part, parce que les Chinois et autres, leur tiennent le langage qu’ils veulent bien entendre.

Aucune allusion concernant les droits de l’homme, la bonne gouvernance, et encore moins la démocratie !

 

gif anime puces 042La France aujourd’hui, et après ? Demain ?

 

Que faire ? Secouer le mammouth !

 

L’intervention militaire de la France en Centrafrique pour empêcher les Centrafricains de s’entre'égorger un temps, pour soigner quelques plaies et bosses, et nourrir les affamés, est louable au titre de l’humanitaire. Mais amènera-t-elle les Centrafricains en capacité de se prendre en charge aujourd’hui, de prendre en main leur destin, demain, et pour toujours ?

Car, l’Afrique est le remède de l’Afrique. Seuls le ressort intérieur, la volonté et l’effort permettront de mettre le pays en marche. Ce remède n’appartient qu’aux seuls Centrafricains.

Il serait temps pour les dirigeants africains en général, de sortir enfin de cette longue hibernation cérébrale, de cette longue maladie du sommeil, comme de cette pesante léthargie mentale, qui frappent les responsables du continent depuis plus de 50 ans.

 

De combien de Nelson Mandela le Ciel gratifiera-t-il encore l’Afrique ?

 

mammouth4.jpg

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 10:11

001-CALEXIS DE TOCQUEVILLE : DE LA RÉVOLUTION ET DES RÉVOLUTIONNAIRES

 

abstrait 022


A chacun sa révolution et ses révolutionnaires

 

la-liberte-incarnee.jpg

 La Liberté incarnée

 


gif anime puces 025Après la Révolution française : réactions et réflexions

 

1789, c’est sans doute un des moments majeurs de l’Histoire, et pour la France, une accélération sans précédent de l’histoire nationale, l’acte fondateur de la France moderne et le creuset de la nation française.


Un mouvement puissant et créateur, un événement sans précédent, passionnant et fondateur, que ses acteurs ont voulu universel, par ses idéaux et ses acquis. Un ébranlement systémique, aux effets planétaires, passés et présents.


Le regard d’Alexis de Tocqueville fait partie de ces réactions, à froid, qui suscitent réflexions, peut-être réactions et débats, en tout cas méditation.

 

alexis-de-Tocqueville.jpg

 Alexis de Tocqueville

 


gif anime puces 0251789 : la Révolution enchantée !

 

la-prise-de-la-Bastille064.jpg

 La prise de la Bastille


gif anime puces 025Des révolutionnaires d’une espèce inconnue, avec ou sans culottes

 

les-Sans-culottes-autour-de-l-arbre-de-la-liberte065.jpg

 Les sans-culottes autour de l'arbre de la Liberté


« Si les Français qui firent la Révolution étaient plus incrédules que nous en fait de religion, il leur restait du moins une croyance admirable qui nous manque : ils croyaient en eux-mêmes. Ils ne doutaient pas de leur perfectibilité, de la puissance de l'homme; ils se passionnaient volontiers pour sa gloire, ils avaient foi dans sa vertu. Ils mettaient dans leurs propres forces cette confiance orgueilleuse qui mène souvent à l'erreur, mais sans laquelle un peuple n'est capable que de servir ; ils ne doutaient point qu'ils ne fussent appelés à transformer la société et à régénérer notre espèce. Ces sentiments et ces passions étaient devenus pour eux comme une sorte de religion nouvelle, qui produisant quelques-uns des grands effets qu'on a vu les religions produire, les arrachait à l'égoïsme individuel, les poussait jusqu'à l'héroïsme et au dévouement, et les rendait souvent comme insensibles à tous ces petits biens qui nous possèdent. »

 

graphisme-3d-5

 

« J'ai beaucoup étudié l'histoire, et j'ose affirmer que je n'y ai jamais rencontré de révolution où l'on ait pu voir au début, dans un aussi grand nombre d'hommes, un patriotisme plus sincère, plus de désintéressement, plus de vraie grandeur. La nation y montra le principal défaut, mais aussi la principale qualité qu'a la jeunesse, l'inexpérience et la générosité.


Et pourtant l'irréligion produisit alors un mal public immense.


Dans la plupart des grandes révolutions politiques qui avaient paru jusque-là dans le monde, ceux qui attaquaient les lois établies avaient respecté les croyances, et, dans la plupart des révolutions religieuses, ceux qui attaquaient la religion n'avaient pas entrepris du même coup de changer la nature et l'ordre de tous les pouvoirs et d'abolir de fond en comble l'ancienne constitution du gouvernement. Il y avait donc toujours eu dans les plus grands ébranlements des sociétés un point qui restait solide.


Mais, dans la révolution française, les lois religieuses ayant été abolies en même temps que les lois civiles étaient renversées, l'esprit humain perdit entièrement son assiette; il ne sut plus à quoi se retenir ni où s'arrêter, et l'on vit apparaître des révolutionnaires d'une espèce inconnue, qui portèrent l'audace jusqu'à la folie, qu'aucune nouveauté ne put surprendre, aucun scrupule ralentir, et qui n'hésitèrent jamais devant l'exécution d'un dessein. Et il ne faut pas croire que ces êtres nouveaux aient été la création isolée et éphémère d'un moment, destinée à passer avec lui; ils ont formé depuis, une race qui s'est perpétuée et répandue dans toutes les parties civilisées de la terre, qui partout a conservé la même physionomie, les mêmes passions, le même caractère. Nous l'avons trouvée dans le monde en naissant; elle est encore sous nos yeux. »

 

 

gif anime puces 025Deux passions principales

 

Republique--liberte--egalite066.jpg

 République, liberté, égalité


« Ceux qui ont étudié attentivement, en lisant ce livre, « la France au XVIIIe siècle », ont pu voir naître et se développer dans son sein deux passions principales, qui n'ont point été contemporaines et n'ont pas toujours tendu au même but.


L'une, plus profonde et venant de plus loin, est la haine violente et inextinguible de l'inégalité. Celle-ci était née et s'était nourrie de la vue de cette inégalité même, et elle poussait depuis longtemps les Français, avec une force continue et irrésistible, à vouloir détruire jusque dans leurs fondements tout ce qui restait des institutions du moyen âge, et, le terrain vidé, à y bâtir une société où les hommes fussent aussi semblables et les conditions aussi égales que l'humanité le comporte.


L'autre, plus récente et moins enracinée, les portait à vouloir vivre non seulement égaux, mais libres.


Vers la fin de l'ancien régime, ces deux passions sont aussi sincères et paraissent aussi vives l'une que l'autre. A l'entrée de la Révolution, elles se rencontrent; elles se mêlent alors et se confondent un moment, s'échauffent l'une l'autre dans le contact, et enflamment enfin à la fois tout le cœur de la France. C'est 89, temps d'inexpérience sans doute, mais de générosité, d'enthousiasme, de virilité et de grandeur, temps d'immortelle mémoire, vers lequel se tourneront avec admiration et avec respect les regards des hommes, quand ceux qui l'ont vu et nous-mêmes auront disparu depuis longtemps. Alors les Français furent assez fiers de leur cause et d'eux-mêmes pour croire qu'ils pouvaient être égaux dans la liberté. Au milieu des institutions démocratiques, ils placèrent donc partout des institutions libres. Non seulement ils réduisirent en poussière cette législation surannée qui divisait les hommes en castes, en corporations, en classes, et rendaient leurs droits plus inégaux encore que leurs conditions, mais ils brisèrent d’un seul coup ces autres lois, œuvres plus récentes du pouvoir royal qui avaient ôté à la nation la libre jouissance d'elle-même, et avaient placé à côté de chaque Français le gouvernement, pour être son précepteur, son tuteur, et, au besoin, son oppresseur. Avec le gouvernement absolu la centralisation tomba (...)


A plusieurs reprises, depuis que la Révolution a commencé jusqu'à nos jours, on voit la passion de la liberté s’éteindrepuis renaître, puis s'éteindre encore, et puis encore renaître ; ainsi fera-t-elle longtemps, toujours inexpérimentée et mal réglée, facile à décourager, à effrayer et à vaincre, superficielle et passagère. Pendant ce même temps, la passion pour l’égalité occupe toujours le fond des cœurs dont elle s'est emparée la première ; elle s'y retient aux sentiments qui nous sont les plus chers ; tandis que l'une change sans cesse d'aspect, diminue, grandit, se fortifie, se débilite suivant les événements, l'autre est toujours la même, toujours attachée au même but avec la même ardeur obstinée et souvent aveugle, prête à tout sacrifier à ceux qui lui permettent de se satisfaire, et à fournir au gouvernement qui veut la favoriser et la flatter les habitudes, les idées, les lois dont le despotisme a besoin pour régner. »


gif anime puces 601Charles Alexis Clérel de Tocqueville, écrivain et homme politique français, Paris, 1805, Cannes, 1859.

 

bonnet-phrygien1.jpg

 

Partager cet article
Repost0
1 décembre 2013 7 01 /12 /décembre /2013 08:43

canstock4062310

ÉPICTÈTE, PHILOSOPHE STOÏCIEN

 fleche 235

La sagesse stoïcienne, une  philosophie de vie exigeante

fleche 235

 

LA DOCTRINE  

 

« Ne demande point que les choses arrivent comme tu les désires, mais désire qu'elles arrivent comme elles arrivent, et tu prospéreras toujours.

 

La maladie est un empêchement du corps et nullement de la volonté, à moins qu'elle ne le veuille. Je suis boiteux, voilà un empêchement pour mon pied ; mais pour ma volonté, point du tout. Sur tous les accidents qui t'arriveront, dis-toi la même chose; car tu trouveras que c'est toujours un empêchement pour quelqu'autre chose et non pas pour toi.

 

Sur chacun des objets qui se présentent, souviens-toi de rentrer en toi-même, et d'y chercher quelle vertu tu as pour bien user de cet objet. Si tu vois un beau garçon ou une belle fille, tu trouveras, contre ces objets, une vertu, qui est la continence ; si c'est quelque peine, quelque travail, tu trouveras le courage; si ce sont des injures, des affronts, tu trouveras la résignation et la patience. Si tu t'accoutumes ainsi à déployer sur chaque accident la vertu que la nature t'a donnée pour le combattre, jamais tes imaginations ne t'emporteront. »

 

 

gif anime 3d 056

 

« Si tu veux avancer dans l'étude de la sagesse, laisse là tous ces raisonnements : si je néglige mes affaires, je serai bientôt ruiné et je n'aurai pas de quoi vivre ; si je ne châtie pas mon valet, il deviendra méchant : car il vaut mieux mourir de faim, après avoir banni les soucis et les craintes, que de vivre dans l'abondance avec inquiétude et chagrin ; il vaut mieux que ton valet soit méchant, que si tu te rendais misérable. Commence donc par les petites choses ; on a répandu ton huile, on t'a dérobé ton vin ? dis sur tout cela, c'est à ce prix qu'on vend la tranquillité, c'est à ce prix qu'on vend la liberté, on n'a rien pour rien. Quand tu appelleras ton valet, pense qu'il peut ne pas entendre, et que, t'ayant entendu, il peut ne rien faire de ce que tu lui as commandé. Mais, diras-tu, mon valet se trouvera fort mal de ma patience et deviendra incorrigible : oui, mais tu t'en trouveras fort bien, puisque, par son moyen, tu apprendras à te mettre hors d'inquiétude et de trouble.

 

Si tu veux avancer dans l'étude de la sagesse, ne refuse point sur les choses extérieures de passer pour imbécile et pour insensé.

 

 

Ne cherche point à passer pour savant, et si tu passes pour un personnage dans l'esprit de quelques-uns, défie-toi de toi-même ; car sache qu'il n'est pas facile de conserver ta volonté conforme à la nature, et les choses du dehors ; mais il faut de toute nécessité, qu'en t'attachant à l'un, tu négliges l'autre. »

 

gif anime 3d 056

 

« Le véritable maître de chacun de nous est celui qui a le pouvoir de nous donner ou de nous ôter ce que nous voulons ou ne voulons pas. Que tout homme donc, qui veut être libre, ne veuille et ne fuie rien de tout ce qui dépend des autres, sinon il sera esclave nécessairement. »

Le Manuel d’Épictète

 

L’HOMME 

 

Epictete2.jpg

 

Philosophe stoïcien de la Rome impériale, né à Hiérapolis en Phrygie (dans l’actuelle Turquie) vers 50 ap. JC et mort à Nicopolis vers 125, Épictète est une figue marquante du stoïcisme latin.

Il arriva à Rome esclave, y fut affranchi. Il ouvrit une école de philosophie mais fut victime de la mesure d’expulsion de Rome et d’Italie prise par l’empereur Domitien, visant tous les philosophes (93-94). Épictète s’établit alors dans la ville grecque de Nicopolis où il ouvrit une autre école de philosophie.

 

LA DOCTRINE : LE FIL CONDUCTEUR  

 

Les biens et les maux humains ne peuvent appartenir qu’au domaine des choses qui dépendent de « ce qui est en notre pouvoir » et qui résultent donc de notre libre choix moral. Le bonheur de chacun ne dépend pas des circonstances extérieures, de ses biens matériels, de la santé de son corps, de ses succès professionnels, mais de sa seule attitude morale, qui est fonction de la rectitude de sa raison.

La saine raison doit se manifester dans trois domaines :

bouton 007Celui des désirs et aversions, qui se rapportent aux passions.

bouton 007Celui des tendances positives et négatives, qui se rapportent aux devoirs et aux actions.

bouton 007Et le domaine des jugements.

 

Il y a trois disciplines auxquelles doit s’être exercée la personne qui veut acquérir la perfection :

fleche 026Celle  qui concerne les désirs et les aversions, afin de ne pas se voir frustré dans ses désirs et de ne pas rencontrer ce qu’on cherche à éviter.

fleche 026Celle qui concerne les tendances positives et les tendances négatives, et, d’une façon générale, ce qui a trait au devoir, afin d’agir d’une façon ordonnée, réfléchie, sans négligence.

fleche 026La troisième est celle  qui concerne la fuite de l’erreur, la prudence du jugement, en un mot, ce qui se rapporte aux assentiments.


De toutes, la principale et la plus urgente est celle qui regarde les passions, car la passion ne vient pas d’ailleurs que de se voir frustré dans ses désirs ou de rencontrer ce qu’on cherche à éviter. Voilà ce qui amène les troubles, les agitations, les infortunes, les chagrins ; ce qui rend envieux, jaloux ; passions qui empêchent même de prêter l’oreille à la raison.

 

L’essentiel de l’enseignement du philosophe stoïcien Épictète est condensé dans ses Entretiens et son Manuel, rédigés par son disciple, Arrien. Il exercera une influence capitale sur les philosophes de son temps, notamment sur l’empereur Marc-Aurèle (empereur philosophe). Son enseignement et sa méthode seront encore utilisés au XVIIe siècle par les Jésuites pour l’évangélisation des Chinois.

 

a683

 

 

 

Partager cet article
Repost0
24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 09:33

 

images2

ESCLAVAGE ET DROITS DE L’HOMME EN AFRIQUE HIER ET AUJOURD’HUI

 gif anime puces 583

 

Esclavage, démocratie, développement : antinomie.

 gif anime puces 583

 

HIER   

 

doc1.jpg

 

Le titre invite à mettre en rapport deux termes antinomiques : esclavage et droits de l'Homme.


L'Afrique est aujourd'hui considérée comme la région du monde où la démocratie a le plus de mal à s'enraciner. Elle est également — l'Afrique subsaharienne notamment — la région où l'esclavage a le plus longtemps et le plus profondément marqué les rapports entre les peuples. Peut-on et doit-on établir un rapport de cause à effet entre passé et présent ? Entre la pratique ancienne de l'esclavage et les difficultés actuelles à asseoir durablement le principe du respect des libertés et des droits individuels ? Quel impact sur les rapports humains dans les sociétés africaines aujourd'hui ? Dans quelle mesure les droits de l'Homme y sont-ils tributaires du passé esclavagiste ?


L'esclavage, c'est la possession d'une personne, corps et biens, par une autre, son « maître ». Ainsi compris, l'esclavage est la négation de la liberté et des droits de la personne possédée.


Selon la définition donnée par la Société des Nations en 1926, reprise par les Nations unies en 1956, l'esclavage est « l'état ou la condition d'un individu sur lequel s'exercent les attributs du droit de propriété ou certains d'entre eux ».


S'agissant de l'Afrique, l'antinomie esclavage-droits de l'Homme trouve sa logique. Ce continent est bien le lieu où la pratique de l'esclavage est massivement présente dans l'histoire, encore aujourd'hui, terre où se croisent les formes anciennes de l'asservissement et des pratiques assimilées à l'esclavage connues sous le nom d'« esclavage moderne ».


 

AUJOURD’HUI  

 

doc2.jpg

 

De nos jours encore, esclavage et traite sous différentes formes sont une réalité et le demeurent comme antithèse de la culture des droits de l'Homme. Et partout en Afrique subsaharienne, des caractéristiques des rapports sociaux façonnés par l'esclavage demeurent « alors même que le contexte historique, les conditions socio-économiques qui avaient produit le phénomène ont peu à peu disparu ».

 


UNE CULTURE TOUJOURS VIVANTE 

 

doc3.jpg

 

Si l'esclavage n'est toujours pas vaincu en Afrique, l'action conjuguée d'acteurs extérieurs et intérieurs, et surtout, l'aspiration de plus en plus affirmée de nombreux peuples africains aux valeurs universelles de liberté et des droits de l'Homme, constituent autant de voies susceptibles de mener à l'éradication du phénomène sur ce continent.


doc4.jpg

 

Un long chemin qui requiert éducation, pédagogie, volonté.

 

 

 

doc5.jpg (source, Ouest-france)


Des humains aussi !

 

gif anime puces 543(Tidiane Diakité, Traumatismes et Histoire. Des enjeux aux pratiques. Ouvrage collectif sous la direction de Nicole Lucas et Vincent Marie. Editions Le Manuscrit. Recherche. Université)

 MB900438301

Partager cet article
Repost0
23 novembre 2013 6 23 /11 /novembre /2013 09:23

MB900438273

L’ouvrage ci-dessous auquel j’ai participé est un ouvrage collectif dirigé par Vincent Marie et Nicole Lucas (responsable du département d’histoire-géographie, IUFM, Rennes).

 

17Le chapitre que j’ai traité s’intitule : Esclavage et droits de l’homme en Afrique hier et aujourd’hui. 

 

couverture053

4e-de-couverture054.jpg

 

 

Partager cet article
Repost0