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20 juin 2021 7 20 /06 /juin /2021 08:52

 

LES FONCTIONS DE LA CONNAISSANCE

L'IMAGINATION

 

Blaise Pascal (1623-1662)

La réflexion de Blaise Pascal

 

 

« On rencontre sa destinée souvent par des chemins qu’on prend pour l’éviter » (Jean de La Fontaine)

 

 

« C'est cette partie dominante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l'était infaillible du mensonge. Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux.

Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages ; et c'est parmi eux que l'imagination a le grand droit de persuader les hommes. La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses.

Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l'homme une seconde nature. Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres ; elle fait croire, douter, nier la raison ; elle suspend les sens, elle les fait sentir ; elle a ses fous et ses sages : et rien ne nous dépite davantage que de voir qu'elle remplit ses hôtes d'une satisfaction bien autrement pleine et entière que la raison. Les habiles par imagination se plaisent tout autrement à eux-mêmes que les prudents ne se peuvent raisonnablement plaire. Ils regardent les gens avec empire ; ils disputent avec hardiesse et confiance ; les autres, avec crainte et défiance : et cette gaîté de visage leur donne souvent l'avantage dans l'opinion des écoutants, tant les sages imaginaires ont de faveur auprès des juges de même nature. Elle ne peut rendre sages les fous ; mais elle les rend heureux, à l'envi de la raison qui ne peut rendre ses amis que misérables, l'une les couvrant de gloire, l'autre de honte.

Qui dispense la réputation ? qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? Combien toutes les richesses de la terre insuffisantes sans son consentement !

 

 

« L’imagination est plus importante que le savoir » (Albert Einstein)

 

 

Ne diriez-vous pas que ce magistrat, dont la vieillesse vénérable impose le respect à tout un peuple, se gouverne par une raison pure et sublime, et qu'il juge des choses dans leur nature sans s'arrêter à ces vaines circonstances qui ne blessent que l'imagination des faibles ? Voyez-le entrer dans un sermon, où il apporte un zèle tout dévot, renforçant la solidité de sa raison par l'ardeur de sa charité. Le voilà prêt à l'ouïr avec un respect exemplaire. Que le prédicateur vienne à paraître, que la nature lui ait donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l'ait mal rasé, si le hasard l'a encore barbouillé de surcroît, quelque grandes vérités qu'il annonce, je parie la perte de la gravité de notre sénateur.

Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n'en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer.

Je ne veux pas rapporter tous ses effets. (...)

L'affection ou la haine change la justice de face. Et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu'il plaide ! combien son geste hardi la fait-il paraître meilleure aux juges, dupés par cette apparence ! Plaisante raison qu'un vent manie, et à tout sens !

Je rapporterais presque toutes les actions des hommes qui ne branlent presque que par ses secousses. Car la raison a été obligée de céder, et la plus sage prend pour ses principes ceux que l'imagination des hommes a témérairement introduits en chaque lieu.

 

 

« L’intelligence fait naître, l’imagination fait vivre. » (Corentin Pagis)

 

Qui voudrait ne suivre que la raison serait fou au jugement de la plus grande partie du monde. Il faut, parce qui lui a plu, travailler tout le jour pour des biens reconnus pour imaginaires ; et, quand le sommeil nous a délassés des fatigues de notre raison, il faut incontinent se lever en sursaut pour aller courir après les fumées et essuyer les impressions de cette maîtresse du monde. — Voilà un des principes d'erreur, mais ce n'est pas le seul. L'homme a eu bien raison d'allier ces deux puissances, quoique dans cette paix l'imagination ait bien amplement l'avantage ; car dans la guerre elle l'a bien plus entier : jamais la raison ne surmonte entièrement l'imagination, alors que l'imagination démonte souvent tout à fait la raison de son siège.

Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines, dont ils s'emmaillotent en chats fourrés, les palais où ils jugent, les fleurs de lis, tout cet appareil auguste était fort nécessaire ; et si les médecins n'avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n'eussent des bonnets carrés et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n'auraient dupé le monde qui ne peut résister à cette montre si authentique. S'ils avaient la véritable justice et si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n'auraient que faire de bonnets carrés ; la majesté de ces sciences serait assez vénérable d'elle-même. Mais n'ayant que des sciences imaginaires, il faut qu'ils prennent ces vains instruments qui frappent l'imagination à laquelle ils ont affaire ; et par là, en effet, ils s'attirent le respect. (...)

L'imagination dispose de tout ; elle fait la beauté, la justice, et le bonheur, qui est le tout du monde. » (PASCAL. Pensées.)

 

 

« L’inquiétude est une perte d’imagination. » (Walt Disney)

 

 

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7 mars 2021 7 07 /03 /mars /2021 08:16

 

ÉPICURE PHILOSOPHE

DU BONHEUR PAR LE PLAISIR

 

 

Qu’est-ce que le bonheur ?
Comment y parvenir ?

 

Le dernier degré du bonheur est l’absence de tout mal. (Épicure)

Épicure (341-270 av. JC)

Que de contresens entendus et lus concernant les théories du grand philosophe grec

Né en 341 av. J.C. à Athènes (ou Samos), mort en 270 av J.C., Épicure fut un grand philosophe, connu comme le philosophe du bonheur par le plaisir.
Selon sa philosophie, il n’y a pas de bonheur sans plaisir physique, moral et intellectuel.
Cependant, si pour lui, le plaisir est la condition du bonheur, il ne s’agit pas de n’importe quel plaisir et à n’importe quel prix.
Au contraire, ce plaisir, pour mener au bonheur, doit respecter une discipline stricte du corps et de l’esprit.

 

Le bonheur est accessible à n’importe qui. À une seule condition : ramener les désirs dans les limites des besoins corporels. (Épicure)

 

 

Pour Épicure, par conséquent, « le bonheur se mérite ».
Auteur d’une œuvre prolifique, il crée ainsi une philosophie appelée « épicurienne » ; d’où l’expression « épicurien, épicurienne) qui désigne une personne adepte de la philosophie du plaisir.
Aussi pour Épicure, le plaisir qui mène au bonheur, sollicite-à la fois le corps et l’esprit. Ainsi, pour lui, le bonheur est aussi l’accès au savoir, c’est-à-dire l’intellectualisation du plaisir et surtout la « maîtrise de ses passions et pulsions ».

 

Aucun plaisir n’est en soi un mal, mais, il est des plaisirs dont les facteurs apportent bien plus de tourments que de plaisirs. (Épicure)

 

 

Ainsi, pour le grand philosophe du bonheur, la maîtrise des plaisirs conditionne l’accès au bonheur.

 

De tout ce que la sagesse procure en vue du bonheur de la vie tout entière, le plus important, de beaucoup, c’est la possession de l’amitié. (Épicure)

 

Épicure a écrit une quantité impressionnante de lettres : une riche correspondance presque entièrement disparue de nos jours, qui sont comme le véhicule de sa pensée et de sa philosophie.

« Il faut en outre établir par analogie que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres sans fondement et que, parmi ceux qui sont naturels, les uns sont nécessaires et les autres naturels seulement. Parmi ceux qui sont nécessaires, les uns sont nécessaires au bonheur, d'autres à l'absence de dysfonctionnements dans le corps, et d'autres à la vie elle-même. En effet, une étude rigoureuse des désirs permet de rapporter tout choix et tout refus à la santé du corps et à l'absence de trouble dans l'âme, puisque c'est cela la fin de la vie bienheureuse. C'est en effet en vue de cela que nous faisons tout, afin de ne pas souffrir et de ne pas éprouver de craintes. Mais une fois que cet état s'est réalisé en nous, toute la tempête de l'âme se dissipe, le vivant n'ayant pas besoin de se mettre en marche vers quelque chose qui lui manquerait, ni à rechercher quelque autre chose, grâce à laquelle le bien de l'âme et du corps trouverait conjointement sa plénitude. C'est en effet quand nous souffrons de l'absence du plaisir que nous avons besoin du plaisir ; mais, quand nous ne souffrons pas, nous n'avons plus besoin du plaisir. Voilà pourquoi nous disons que le plaisir est principe et fin de la vie bienheureuse. Nous savons en effet qu'il est un bien premier et apparenté, et c'est en partant de lui que nous commençons, en toute circonstance, à choisir et à refuser, et c'est à lui que nous aboutissons, parce que nous discernons tout bien en nous servant de l'affection [ce que l’on éprouve] comme d'une règle.

En outre, puisqu'il est notre bien premier et connaturel [attaché à notre constitution naturelle], pour cette raison nous ne choisissons pas non plus tout plaisir. En réalité, il nous arrive de laisser de côté de nombreux plaisirs, quand il s'ensuit, pour nous, plus de désagrément. Et nous considérons que beaucoup de souffrances l'emportent sur des plaisirs, chaque fois que, pour nous, un plaisir plus grand vient à la suite des souffrances que l'on a longtemps endurées. Ainsi, tout plaisir, parce qu'il a une nature qui nous est appropriée, est un bien, et pourtant tout plaisir n'est pas à choisir. De même encore, toute souffrance est un mal, mais toute souffrance n'est pas toujours par nature à refuser. C'est toutefois par la mesure comparative et l'examen de ce qui est utile et de ce qui est dommageable qu'il convient de discerner tous ces états, car, selon les moments, nous usons du bien comme d'un mal ou, à l'inverse, du mal comme d'un bien. »  (Épicure, Lettre à Ménécée, GF Flammarion.)

 

 

Épicure nous enseigne « qu’il n’est de plaisir que nécessaire au bonheur ».

 

Être heureux, c’est savoir se contenter de peu. (Épicure)

 

 

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28 février 2021 7 28 /02 /février /2021 08:53

L’INDISPENSABLE ÉCRITURE

Pour qu'un homme puisse faire connaître sa pensée à un autre homme, son associé, il a besoin d'en

inventer le moyen : il le trouve dans le signe, la parole, l'écriture. Le signe exige un témoin ; la parole ne peut se passer de la présence et de l'audition d'un interlocuteur ; l'écriture ne dépend d'aucune de ces conditions ; elle est le signe suprême, un art propre à l'espèce humaine. La parole est plus noble que le signe, mais l'écriture est supérieure à la parole ; car le signe ne s'applique qu'à l'objet présent, c'est un moyen de diriger l'attention vers un côté déterminé.

L'écriture est supérieure au signe et à la parole, et plus utile ; car la plume, quoiqu'elle ne parle pas, se fait entendre des habitants de l'Orient et de l'Occident. Les sciences ne s'augmentent, la philosophie ne se conserve, les récits et les paroles des anciens, les livres de Dieu ne se fixent que par l'écriture. Sans elle, il ne s'établirait parmi les hommes ni religion ni société. L'écriture est l'œil des yeux ; par elle le lecteur voit l'absent ; elle exprime des pensées intérieures autrement que la langue ne pourrait le faire. Aussi a-t-on dit : la plume est l'une des deux langues, mais elle est plus éloquente que la langue même. Par l'écriture l'homme peut dire ce que quelqu'un, s'adressant à un autre, ne pourrait pas lui communiquer par la parole ; elle parvient au but que la parole ne peut pas atteindre. […]

Il y a deux éloquences : celle de la langue et celle de l'écriture ; celle-ci a la supériorité, car ce que fixe la plume a la durée du temps, ce que dit la langue s'efface en peu d'années. (Abd El-Kader, Rappel à l’intelligent, in Anthologie Maghrébine, Hachette)

 

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21 février 2021 7 21 /02 /février /2021 08:08

ÉRASME, LE PREMIER GRAND HUMANISTE EUROPÉEN (2)

L’Éloge de la Folie

Pour Érasme, la condition de fou est la meilleure.
Et le fou est le plus heureux de tous.

Didier Érasme (1469 -1536)

 

Portrait : voir blog articles

« ÉRASME : CITOYEN DU MONDE AU SERVICE DE L’HUMANITÉ, DE LA CULTURE, DE LA PAIX (1,2,3) »

 

Éloge de la Folie d’Érasme, traduit du latin par Gueudeville
Illustration de Hans Holbein le Jeune

 

De toute l’œuvre d’Érasme, l’Éloge de la Folie est l’œuvre la plus dense, sans doute la plus profonde.
Comme Érasme de son vivant, l’Éloge de la Folie est la plus commentée et celle qui concentre les incompréhensions et les  condamnations les plus vives.

« "Mais, dira notre adversaire, c'est un malheur que d'être trompé !" C'en serait un plus grand que de ne pas pouvoir l'être. Rien de plus faux en effet que de placer dans les objets eux-mêmes la félicité de l'homme, elle dépend avant tout de l'opinion qu'on s'en fait. Les choses humaines sont en effet si complexes qu'il est impossible de rien savoir d'une manière certaine, comme l'ont si bien dit mes Académiciens, les moins prétentieux des philosophes. Et si l'on parvient à quelque connaissance, c'est souvent aux dépens du bonheur de l'existence. L'esprit de l'homme est ainsi fait que le mensonge a sur lui cent fois plus d'emprise que la vérité. Si vous voulez en faire l'expérience, entrez dans une église au moment du sermon. Si le sujet traité est sérieux l'auditoire dort, baille et s'ennuie ; mais si le mrieur public (pardon, je voulais dire le prédicateur) se met, comme c'est fréquent, à débiter un conte de bonne femme, tout le monde se réveille, et l'écoute bouche bée. De même, s'il existe quelques saints assez légendaires comme saint Georges, saint Christophe ou sainte Barbe, il recevra beaucoup plus d'hommages que saint Pierre ou saint Paul, voire le Christ en personne. »

Ce qui différencie le fou du sage, c’est que le premier est guidé par les passions, le second par la raison. (Érasme)

« Mais ces choses-là dépassent notre compétence. J'ajoute que ce bonheur imaginaire est à la portée de tous, tandis que les moindres connaissances positives, comme la grammaire, s'acquièrent souvent au prix de mille efforts. L'opinion, elle, ne donne pas le moindre mal, et cependant elle contribue tout autant, sinon mieux encore, à notre satisfaction. Cet homme se nourrit de poissons pourris dont nul autre ne pourrait supporter l'odeur. Puisqu'il lui trouve une saveur d'ambroisie, en quoi cette absence de fraîcheur l'empêcherait-elle de goûter son plaisir ? Par contre son voisin à qui un esturgeon fait lever le cœur, comment pourrait-il bien s'en régaler ? Cette femme est laide à faire peur: mais puisque son mari croit posséder en elle une rivale de Vénus, n'est-ce pas la même chose que si elle était parfaitement belle ? Cet homme a un méchant tableau, barbouillé de rouge et de jaune : il ne cesse de le contempler avec admiration, convaincu qu'il possède une œuvre de Zeuxis ou d'Apelle, n'est-il pas plus heureux que celui qui a payé fort cher les œuvres de ces artistes mais qui les regarde peut-être avec moins d'enthousiasme ? L'un de mes homonymes fit un jour cadeau à sa jeune épouse de pierreries fausses, et comme il était beau parleur, il arriva à lui persuader qu'il s'agissait là de pierres naturelles, voire d'un prix inestimable. Je vous demande en quoi la différence pouvait toucher la jeune femme qui n'en réjouissait pas moins agréablement ses yeux et son cœur avec cette verroterie et serrait cette pacotille aussi soigneusement qu'un trésor véritable. De son côté le mari évitait la dépense et n'en profitait pas moins de l'illusion de sa femme, aussi reconnaissante que si elle avait reçu un véritable cadeau de roi.

Trouvez-vous donc une différence entre ceux qui, prisonniers dans la caverne de Platon, n'apercevant que l'ombre et l'image des objets ne désirent rien de plus et s'estiment satisfaits — et ce sage qui, au sortir de la caverne, contemple le véritable aspect des choses ? Si le savetier de Lucien avait pu continuer indéfiniment le songe qui lui apportait la richesse, il n'aurait pas eu d'autre félicité à envier. Il n'y a donc aucune différence entre ces deux formes de bonheur, ou, s'il en existe, elle est en faveur de l'illusion. Le bonheur des fous leur coûte peu, puisqu'il leur suffit d'un grain d'autosuggestion. Ensuite il leur est toujours loisible d'en faire profiter leurs amis : car une jouissance qui n'est pas partagée perd beaucoup de son agrément. Or le nombre des sages — pour autant qu'il en existe — est extrêmement limité. La Grèce, depuis tant de siècles, n'en a jamais compté que sept, et encore si l'on y regarde de près, je crains que plusieurs ne puissent compter pour plus que la moitié ou que le tiers d'un véritable sage. »

Lorsqu’elle ne blesse pas, la vérité a quelque chose de simple qui fait plaisir, et c’est aux seuls fous que les dieux ont acordé le don de la dire sans offense. (Érasme)

« Parmi tant de bienfaits dont nous sommes redevables à Bacchus, le premier est de dissiper nos soucis, pour bien peu de temps il est vrai, car aussitôt qu'on a cuvé son vin ils s'en reviennent, comme on dit, à bride abattue. Mes bienfaits, à moi, sont bien plus complets, bien plus efficaces. Je plonge l'âme dans une ivresse éternelle ; je la remplis de joies, de délices et de transports, sans lui demander en échange la moindre contribution. Et je n'écarte personne du partage de mes faveurs, alors que les autres divinités choisissent leurs privilégiés. Tout pays ne saurait produire "ce vin généreux et doux qui chasse les soucis et nous verse avec lui la féconde espérance ". Peu d'êtres reçoivent en partage la beauté des mains de Vénus, moins encore l'éloquence de celle de Mercure. Hercule ne dispense pas la richesse à un grand nombre, ni le Jupiter homérique le sceptre au premier venu. Mars laisse bien souvent les combats indécis et nombreux sont ceux qui s'éloignent déçus du trépied d'Apollon. Le fils de Saturne lance fréquemment sa foudre et Phébus, de ses javelots, envoie parfois la peste ; Neptune noie plus de monde qu'il n'en sauve. Je ne parle naturellement pas des Véjoves, des Plutons, des Atés, des Châtiments, des Fièvres et autres engeances qui ressemblent à des bourreaux plutôt qu'à des êtres divins. »

L’amour est un phénix qu’on ne prend pas au piège. (Érasme)

« Par contre il n'y a que Moi, la Folie, pour répandre indistinctement sur tous les hommes la manne magnifique de mes bienfaits. Je ne réclame pas de vœux. Je ne m'indigne pas et je n'exige pas d'offrande expiatoire pour quelque détail omis dans la célébration d'un rite. Je ne remue pas ciel et terre si l'on convie les autres dieux en m'oubliant à la maison, et si l'on ne m'offre pas de subodorer moi aussi l'odeur des sacrifices. Les autres dieux sont d'ailleurs si chatouilleux sur ce point qu'il est presque préférable et beaucoup plus sûr de les négliger que de les honorer. Il y a comme cela des gens si difficiles et si irritables qu'il vaut mieux les ignorer complètement que de les avoir pour amis. "Mais, direz-vous, personne n'offre de sacrifice à la Folie, personne ne lui élève de temple." Le fait est exact et je ne suis pas sans m'étonner, comme je vous l'ai dit, d'une pareille ingratitude. Mais je suis assez bonne fille pour ne point m'en offenser D'ailleurs je ne suis pas sûre de m'intéresser à tout cela. Pourquoi réclamer un grain d'encens, une galette de farine, un bouc, une truie, alors que partout où il y a des hommes, ils me rendent le culte que les Théologiens eux-mêmes tiennent pour le meilleur de tous ? Voudriez-vous par hasard me voir envier à Diane ses autels arrosés de sang humain ? Pour moi, je m'estime servie avec la plus exacte religion, lorsque je vois tous les hommes me porter dans leur cœur, m'imiter dans leur conduite, modeler leur vie sur la mienne. Ce genre de culte n'est déjà pas si fréquent chez les chrétiens. Combien d'entre eux n'honorent la Sainte Vierge qu'en lui présentant un petit cierge, dont elle n'a que faire en plein midi. Mais combien peu, en revanche, s'efforcent d'imiter sa chasteté, sa modestie, son amour des choses célestes. C'est pourtant là le culte véritable, et de beaucoup le plus apprécié des habitants d'En-haut ! »

Mauvaise herbe croît toujours. (Érasme)

« Pourquoi, au surplus, désirer un sanctuaire, alors que je dispose de tout l'univers, qui est, si je ne me trompe, le plus beau des temples. Je ne manquerai pas de dévots, partout où il y a des hommes. Je ne suis pas non plus assez sotte pour demander ces tableaux et ces statues, qui nuisent trop souvent à notre piété, lorsque des gens aussi stupides que grossiers à la place des dieux adorent leurs images. Nous ressemblons alors à ces maîtres qui sont supplantés par leur représentant. Pour moi j'ai l'impression de disposer d'autant de statues qu'il existe de mortels, car ils sont, qu'ils le veuillent ou non, ma vivante image. Je n'ai donc rien à envier aux autres dieux, puisqu'on ne les honore qu'en certains pays et à des jours déterminés, comme Phébus à Rhodes, Vénus à Chypre, Junon à Argos, Minerve à Athènes, Jupiter sur l'Olympe, Neptune à Tarente, Priape à Lampsaque. Mais moi, c'est tout l'univers qui ne cesse de m'offrir des victimes d'un bien plus grand prix.

Si je vous semble m'exprimer avec plus de présomption que d'exactitude, examinons un peu la conduite des hommes ; les dettes qu'ils ont contractées envers moi apparaîtront clairement, comme l'estime que me témoignent petits et grands. Nous ne passerons pas en revue chaque condition sociale, ce serait beaucoup trop long: mais les plus représentatives nous permettront de juger aussi du reste. A quoi bon en effet nous attarder sur le vulgaire, sur cette plèbe qui, sans contestation, m'appartient tout entière. Il y fourmille tant d'espèces de folies, et l'on en invente tous les jours tant de nouvelles que mille Démocrites ne suffiraient pas à en rire. Encore faudrait-il en ajouter un de plus pour se moquer des premiers. »

L’homme est le plus malheureux de tous les animaux parce qu’il est le seul qui ne soit pas content de son sort, et qui cherche à sortir du cercle dont la nature a circonscrit toutes ses facultés. (Érasme)

« On a d'ailleurs du mal à se représenter quels rires, quels amusements, quelle occasion de divertissement quotidien les dieux tirent de ces pauvres hommes. Les heures sobres du matin ils les passent à vider les querelles et à accueillir les vœux. Puis, quand ils sont ivres de nectar et incapable de s'occuper de choses sérieuses, ils gagnent le plus haut belvédère du Ciel d'où ils se penchent pour lorgner les actions humaines. Il n'est pas, à leurs yeux, de spectacle plus distrayant. Grand Dieu, quel théâtre ils s'offrent là avec toute cette sarabande de fous ! Il m'arrive parfois, à moi aussi, d'assister à leur comédie, assise au milieu des Dieux de la Fable. L'un se meurt d'amour pour une petite garce dont les refus ne font qu'attiser sa passion, l'autre convole avec une dot plutôt qu'avec une épouse. Celui-ci prostitue sa femme tandis que ce jaloux-là surveille la sienne comme un nouvel Argus. De combien de folies un deuil n'est-il pas le prétexte ! Cet héritier loue des pleureurs-à-gage pour jouer la comédie de sa douleur, cet autre fond en larmes sur la tombe de sa belle-mère. Celui-ci engloutit dans son ventre la totalité de son gain, au risque de mourir de faim : celui-là met tout son bonheur à dormir et à ne rien faire. Des gens ne cessent de s'agiter au service de leur voisin, mais négligent leurs propres affaires ; d'autres qui vivent à coups d'emprunts se croient riches de l'argent d'autrui, alors qu'ils marchent à la déconfiture. Le bonheur de ce père économe consiste à se priver de tout pour enrichir ses héritiers. L'espoir d'un bénéfice aussi maigre qu'incertain lance celui-ci sur les océans, livrant à la merci des vents et des flots sa vie, le seul bien qui n'ait pas de prix. Celui-là s'en va chercher fortune à la guerre plutôt que de mener à ses foyers une existence tranquille. Certains s'emploient à cultiver des vieillards sans postérité, pour profiter de leurs libéralités ; d'autres poursuivent le même but en mignotant de petites vieilles bien argentées. Mais les dieux qui observent tout ce manège ne se tiennent plus de joie le jour où le dupeur est enfin dupé ! »  (Érasme,  La philosophie chrétienne, Éloge de la Folie ... traduit par Pierre Mesnard, Librairie philosophique J Vrin, 1970)

Regard sur Érasme

Selon Stefan Zweig, Érasme est un homme aux idées justes et claires, propagateur de la Lumière des idées.

 

StefanZweig (1881-1942)

 

« Comprendre, comprendre toujours plus était bien le vrai bonheur de ce remarquable génie. On ne saurait dire sans doute qu'Érasme possédât une grande profondeur d'esprit, au sens strict du mot ; il n'est pas un de ces finalistes, un de ces réformateurs qui dotent le monde d'un système nouveau ; chez lui, à dire vrai, la vérité n'est que clarté. Mais si Érasme n'était pas un profond penseur, c'était du moins un esprit extraordinairement vaste, un homme aux idées justes et claires, un libre penseur selon la conception de Lessing et de Voltaire, un homme qui comprenait parfaitement et savait se faire comprendre, un guide au sens le plus élevé du mot. »  (Stefan Zweig, Érasme, Grandeur et décadence d’une idée, Les Cahiers Rouges, Grasset, 1635)

Erasme : la guerre, la justice, le Droit

« Ce lutteur solitaire cite contre la guerre une foule d'arguments dans lesquels on pourrait aujourd'hui encore puiser avec profit. "Que les animaux s'attaquent entre eux, s'écrie-t-il, je le comprends, je les excuse, en raison de leur ignorance, mais les hommes devraient reconnaître que la guerre en soi est obligatoirement injuste, car ordinairement elle n'atteint pas ceux qui l'allument et la déclarent, mais elle pèse presque toujours de tout son poids sur les innocents, sur le pauvre peuple à qui ne profitent ni les victoires ni les défaites. Elle frappe la plupart du temps ceux qui n'y sont pour rien et même quand la guerre connaît le succès le plus heureux, le bonheur des uns n'est que dommage et ruine pour les autres". Il ne faut donc jamais joindre l'idée de guerre à celle de justice ; et puis, demande-t-il ensuite, comment donc pourrait-elle être juste ? Pour Érasme il n'existe ni dans le domaine théologique ni dans le domaine philosophique de vérité absolue, exclusive. La vérité selon lui est toujours nuancée, a toujours plusieurs significations, de même que le droit ; c'est pourquoi "jamais un prince ne doit être plus circonspect que lorsqu'il est sur le point de se mettre en guerre, et il ne faut pas qu'il se prévale de son bon droit, car quel est celui qui ne regarde pas sa cause comme la bonne ?" Le droit a toujours deux faces, les choses sont toujours "déguisées et dénaturées par les parties" ; et même lorsqu'un homme se croit dans son bon droit, ce n'est pas à la violence d'en décider ; jamais elle n'aboutit à une solution définitive car "une guerre en amène une autre, d'une il en naît deux" ». (id)

Et la Femme ?

Les Femmes courent après les fous ; elles fuient les sages. (Érasme)

 

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14 février 2021 7 14 /02 /février /2021 08:43

ÉRASME, LE PREMIER GRAND HUMANISTE EUROPÉEN (1)

L’Éloge de la Folie

Selon Érasme,
le fou ne se considère pas comme fou ; pour lui ce sont ceux qui le traitent de fou qui sont les fous.

 

Didier Érasme (1469 -1536)

 

Portrait : voir blog articles

« ÉRASME : CITOYEN DU MONDE AU SERVICE DE L’HUMANITÉ, DE LA CULTURE, DE LA PAIX (1,2,3) »

 

Éloge de la Folie d’Érasme, traduit du latin par Gueudeville
Illustration de Hans Holbein le Jeune

De toute l’œuvre d’Érasme, l’Éloge de la Folie est l’œuvre la plus dense, sans doute  la plus profonde.
Comme Érasme de son vivant, l’Éloge de la Folie est la plus commentée et celle qui concentre les incompréhensions et les  condamnations les plus vives.

C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous. (Érasme)

« Bien que je sois pressé d'en finir, je ne puis cependant passer sous silence ces gens qu'on aurait peine à distinguer du dernier goujat et qui pourtant s'enorgueillissent d'un vain titre de noblesse. L'un prétend remonter à Enée, celui-ci à Brutus, cet autre à Arcure. Ils exhibent partout l'effigie de leurs ancêtres, en statues ou en portraits. Ils aiment à évoquer leurs tri - ou leurs bisaïeux et à rappeler les surnoms que leur avaient valu leurs exploits, alors qu'ils sont eux-mêmes plus inertes que les statues et moins vivants que les portraits dont ils font parade. Cela ne les empêche d'ailleurs pas, grâce à cette aimable Philautie, de vivre parfaitement heureux : d'autant plus qu'il ne manque pas d'autres fous pour regarder ces brutes comme des dieux. »

On a raison de se louer soi-même quand on ne trouve personne pour le faire. (Érasme)

« Mais pourquoi me borner à ces quelques exemples, alors que cette bonne Philautie s'évertue à répandre en tous lieux le bonheur sans y regarder de trop près sur la qualité du bénéficiaire ? Grâce à elle celui-ci, plus laid qu'un singe, se croit plus beau que Nirée : celui-là, pour avoir tiré trois lignes au compas, se prend pour un Euclide, cet autre, enfin, qui est comme l'âne devant la lyre, et dont la voix sonne aussi faux que celle du coq en chaleur, pense chanter aussi bien qu'Hermogène.

Un autre genre de folie, très goûté des connaisseurs, consiste à tirer honneur du mérite de ses domestiques et à se l'attribuer. Témoin ce Ricard doublement heureux dont Sénèque nous raconte l'histoire : quand il racontait une histoire, il avait sous sa main des serviteurs pour lui souffler des mots, et bien qu'il fût rendu au dernier point de la débilité, cela ne l'empêchait pas d'accepter un défi à la lutte, assuré qu'il était d'avoir à son service un nombre suffisant de combattants vigoureux. »

Celui qui connaît l’art de vivre en paix avec soi-même, ignore l’ennui. (Érasme)

« Quant aux artistes professionnels, inutile d'en parler. L'amour de soi est tellement ancré dans leur cœur qu'on les verrait plutôt renoncer à leur patrimoine qu'à leur talent. Cela est surtout sensible chez les comédiens, les chanteurs, les orateurs et les poètes ; moins ils ont de valeur, plus ils sont satisfaits d'eux-mêmes, plus ils se pavanent et ils se rengorgent. D'ailleurs ils finissent toujours par trouver un auditoire approprié, car plus une chose est inepte, plus elle rencontre d'admirateurs ; et le pire plaît toujours, vu que la majorité des hommes obéissent à la Folie. Si donc les plus inhabiles sont à la fois les plus satisfaits d'eux-mêmes et les plus admirés, quelle folie ce serait de s'attacher à ce véritable savoir, pénible à acquérir, qui a si vite fait de vous rendre ennuyeux et timide, et qui n'est, somme toute, apprécié que par une élite aussi restreinte ?

Si la Nature fait naître chaque individu avec cet amour-propre dont nous venons de parler, elle a muni également chaque nation et presque chaque ville de sa philautie spécifique. C'est ainsi que les Anglais revendiquent par dessus tout la palme de la beauté, de la musique et de la bonne chère ; les Ecossais sont fiers de leur noblesse, de leur origine royale et de leur subtilité dialectique, les Français revendiquent le sens de l'urbanité, les Parisiens s'arrogent le quasi-monopole de la science théologique, les Italiens se réservent l'humanisme et l'éloquence et se flattent d'être, de ce fait, les seuls à être sortis de la barbarie. Dans ce genre de doux chauvinisme, les Romains occupent le premier rang, ils rêvent encore avec délices aux fastes de leur Empire. Les Vénitiens sont entichés de leur noblesse. Les Grecs se considèrent comme les créateurs de tous les arts et se glorifient de tous les exploits des héros antiques. Les Turcs, cette vile racaille, se piquent de posséder la meilleure des religions et tournent en dérision la superstition des chrétiens. Ce qui est plus amusant c'est de voir les Juifs continuer, aujourd'hui encore, à attendre leur Messie et ne pas vouloir démordre de leur Moïse. Les Espagnols réclament le privilège de la gloire militaire; les Allemands sont fiers de leur stature et de leurs connaissances dans les sciences occultes. »

Plus l’amour est parfait, plus la folie est grande et le bonheur sensible. (Érasme)

« Nous n'avons donc pas besoin d'aller plus loin pour voir combien de bonheur, individuel ou collectif, Philautie ne cesse de distribuer à tous les hommes. La Flatterie, sa sœur, lui ressemble fort : toute la différence tient à ce que Philautie se caresse elle-même tandis que Flatterie s'occupe à caresser autrui. Cependant aujourd'hui la flatterie n'a pas bonne presse, du moins chez les gens qui s'attachent plus aux mots qu'aux choses. Ils estiment que la sincérité est incompatible avec la flatterie, alors que l'exemple des animaux aurait déjà suffi à leur prouver le contraire. Qu'y a-t-il de plus flatteur que le chien, et en même temps de plus fidèle ? De plus caressant que l'écureuil et cependant de plus ami de l'homme ? A moins d'admettre que le lion cruel, le tigre féroce et le léopard furieux sont plus favorables à la vie des hommes ? J'avoue qu'il existe une flatterie extrêmement pernicieuse, que la méchanceté et la moquerie utilisent parfois pour perdre les malheureux. Mais celle que j'inspire procède d'un cœur candide et bienveillant; elle est beaucoup plus proche de la vertu que la rudesse son contraire et que cette humeur morose et chagrine dont parle Horace. Elle relève les âmes abattues, adoucit leur tristesse, stimule les nonchalants, réveille les assoupis, soulage les malades, apaise les furieux et rapproche les amoureux. Elle encourage l'enfant à aimer l'étude, elle déride la vieillesse, elle permet de donner aux princes, sans les blesser, des conseils et des leçons enveloppés dans la louange. Bref, elle rend chacun plus agréable et plus cher à soi-même, ce qui est le principal secret du bonheur. Est-il rien de plus complaisant que deux mulets qui s'entre-grattent ? Enfin la flatterie tient une place importante dans cette Eloquence si vantée, une plus considérable encore dans la Médecine, et une de tout premier ordre dans la poésie : elle est le miel et le condiment de toutes les relations sociales. » (Érasme,  La philosophie chrétienne, Éloge de la Folie ... traduit par Pierre Mesnard, Librairie philosophique J Vrin, 1970)

L’esprit de l’homme est ainsi fait que le mensonge a cent fois plus de prise sur lui que la vérité. (Érasme)

 

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3 janvier 2021 7 03 /01 /janvier /2021 09:44

HYMNE À LA VIEILLESSE

« NOS VIEUX... »

 

Un beau poème trouvé sur internet.
Personne ne peut échapper au cycle de la vie : on naît, on vit, on meurt.
D’abord on est enfant, adulte,  puis vient la vieillesse et la mort.
Malgré tout la vie est belle et mérite d’être vécue.

 

« NOS VIEUX...

Ils ont dans le regard, les yeux chargés d’histoire.
Nos vieux sans le vouloir, ils sont notre mémoire.
Ils ne se plaignent pas, ils en ont trop connu.
Ils revivent en silence tout ce qu’ils ont vécu...
Les vieux, eux, ont connu parfois plusieurs guerres.
S’ils en ont survécu, il fallait tout refaire !

Un à un, ils sont partis, les êtres les plus chers.
Un vieux a moins d'amis, quand il les enterre.
Ils ont connu le temps où l’on prenait le temps,
Le temps de se parler le dimanche après messe.
Pas besoin de tout croire, c’était juste une adresse.
Où l’on prenait le temps d’être ensemble un moment.
Ils ont connu l’époque où le plus important
Était de réparer ce qui s'était cassé.

Quand ils se sont mariés, ils se l'étaient jurés.
Même dans la tempête, de ne pas s’abandonner.
Nos vieux, s’ils s’aiment encore, c’est beaucoup de tendresse.
C’est une main sur la joue qui se pose en caresse.
Ils ont dans le regard, les mots qu’on ne dit pas.
Le vide qu’il y aura quand l’autre s’en ira...
Un vieux c’est merveilleux, si on le laisse dire.
On voit briller ses yeux, de tous ses souvenirs...
Il a croqué la vie, la regarde aujourd’hui !
Mais nous transmet aussi ce qu’il en a appris.

Souvent ils râlent c’est vrai, parfois sont incompris.
Pourtant ça ne coûte rien, une porte que l’on tient.
Un vieux ça pleure aussi, de trop de solitude.
Avec des lendemains, remplis d’incertitudes.
Pourtant c’est beau un vieux, quand on passe le voir.
Il y a dans son regard tellement de choses à revoir.
Nos vieux c’est le passé, c’est aussi l’avenir.
...Il ne faut pas oublier… qu’un jour on va aussi vieillir... »

                      Pascal Auteur  (https://www.facebook.com/liberetoideteschaines/posts/3582017878550449/ )

 

 

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20 décembre 2020 7 20 /12 /décembre /2020 08:44

PAUL VALÉRY, SCRUTATEUR AVISÉ DU XXe SIÈCLE

Regard sur le monde actuel

Paul Valéry (1871-1945)

Paul Valéry (Sète, 1871- Paris, 1945) est un écrivain  français prolixe, auteur d’une œuvre fort riche.

De la poésie, il passe à l’art, à la musique, aux mathématiques, tout en s’intéressant à la philosophie, à la connaissance de soi et du monde. « Les carnets » sont un reflet de cet éclectisme caractéristique de son œuvre couronnée par des distinctions prestigieuses : Grand  officier de la Légion d’Honneur, Prix Louis-Barthou…

Paul Valéry, écrivain engagé (en politique et au sein d’associations de bienfaisance) fut Résistant pendant l’Occupation lors de la 2e Guerre mondiale. Il fut marqué par l’occupation du pays et de la capitale, qui porta préjudice à sa carrière.

Ses essais traduisent ses inquiétudes sur la pérennité de la civilisation et sur le progrès « machiniste » et matériel en général, mais surtout sur l’avenir de l’Homme.

« La liberté est une sensation. Cela se respire. L'idée que nous sommes libres dilate l'avenir du moment. Elle fait s'éployer à l'extrême dans nos poitrines je ne sais quelles ailes intérieures dont la force d'enlèvement enivrant nous porte. Par une ample, fraîche, profonde prise de souffle à la source universelle où nous puisons de quoi vivre un instant de plus, tout l'être délivré est envahi d'une renaissance délicieuse de ses volontés authentiques. Il se possède. Il fait jouer en lui tous les ressorts de ses espoirs et de ses projets. Il recouvre l'intégrité de sa parole. Il peut parler à tous comme il parlait à soi. Il ressent tout le prix de ses pas qui ne trouvent plus de barrières ni de consignes sur leurs voies, et il regarde en souriant de braves femmes qui se hâtent et s'efforcent d'exploiter, à coups de petites scies, une hideuse forêt de chevaux de frise pour en faire de simples bûches.

Tout cet appareil de défense brisé, broyé, vidé, ces débris de casemates vaines, ces chars disloqués, percés et que l'on dépèce, ces édifices criblés de coups, blessés par les explosions, entamés par le feu, imposent l'idée d'une puissance extraordinaire, surgie de la vie même, contre laquelle les obstacles calculés à loisir, les prévisions les plus minutieuses, l'armement le plus redoutable aux mains des hommes les plus déterminés, le béton, les engins automatiques, les défilés souterrains, et tout ce que la volonté la plus dure sait imaginer et créer pour maîtriser une révolte, ne peuvent prévaloir. Nous avons vu et vécu ce que peut faire une immense et illustre ville qui veut respirer. Et voici que ce mot si vague, l’ ÂME, prend un sens admirable.

 

Nous autres civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles. (Paul Valéry)

 

Mais, par le fait même qu'il se ressaisit, l'esprit retrouve tous ses droits et les exerce contre ce moment même qui les lui rend. Il n'est point de douceur de vivre ou de revivre qui le doive enchaîner. Il faut bien que se ranime en lui sa loi supérieure, qui est de ne pas s'abandonner à l'instant et de ne pas se livrer tout à sa joie. Il faut aussi qu'il se garde des effets de choc ou d'éblouissement que produisent sur l'intelligence les événements énormes. Les événements ne sont que l'écume des choses. Les réflexions que l'ont fait sur eux sont fallacieuses, et les prétendues leçons qu'on tire de ces faits éclatants sont arbitraires et non sans danger. Nous savons ce que nous ont coûté, en 1940 comme en 1914, les « enseignements » des guerres précédentes. Il suffît, du reste, de songer à l'infinité des coïncidences que tout « événement » compose pour se convaincre qu'il n'y a pas à raisonner sur eux ; ceux qui en raisonnent ne peuvent le faire que moyennant des simplifications grossières et les analogies verbales et superficielles qu'elles permettent.

Mais l’esprit, aujourd’hui, doit préserver toute sa lucidité. Si l’intelligence française possède les vertus de clarté que l’on dit, jamais occasion plus pressante de l’exercer ne lui a été offerte. Il s’agit d’essayer de concevoir une ère toute nouvelle. Nous voici devant un désordre universel d’images et de questions. Il va se produire une quantité de situations et de problèmes tout inédits, en présence desquels presque tout ce que le passé nous apprend est plus à redouter qu’à méditer. C’est d’une analyse approfondie du présent qu’il faut partir, non pour prévoir les événements sur lesquels, ou sur les conséquences desquels, on se trompe toujours, mais pour préparer, disposer ou créer ce qu’il faut pour parer aux événements, leur résister, les utiliser. Les ressources des organismes contre les surprises et les brusques variations du milieu sont d’un grand exemple. »

Je ne puis développer à présent ces considérations à peine indiquées et me borne à répéter ce que j’ai dit assez souvent : Prenons garde d’entrer dans l’avenir à reculons... C’est pourquoi je n’aime pas trop que l’on parle de reconstruire la France : c’est construire une France que j’aimerais que l’on voulût. »  ( PAUL VALÉRY, Regards sur le monde actuel et autres essais, Folio essais.)                                   

 

Les nations ont le sort qu’elles se font. Rien d’heureux ne leur vient du hasard.
(Paul Valéry)

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6 décembre 2020 7 06 /12 /décembre /2020 10:04

ÉRASME : CITOYEN DU MONDE AU SERVICE DE L’HUMANITÉ, DE LA CULTURE, DE LA PAIX (3)

Didier Érasme (1469 -1536)

Qui est Érasme ?

La singularité de sa forte personnalité fut soulignée par ses contemporains mais surtout par ses biographes des temps passés, comme de nos jours. Cela lui valut sans doute incompréhension, voire opposition ou forte animosité, mais, à l’inverse, chez d’autres, une forte adhésion à sa pensée, sa philosophie, sa vision des autres…

 

Érasme lui-même a su tisser des réseaux vivants, dynamiques, s’attacher des correspondants qui ont fidèlement servi sa cause, y compris au sein de l’institution ecclésiastique et théologique.

Il sut cependant se tenir à bonne distance entre les adulateurs zélés et les dogmatiques non moins zélés et garder jusqu’à la fin de sa vie cette neutralité respectueuses de tous, et surtout de sa ligne principale de conduite. En effet, il s’est toujours voulu au service de toute l’Humanité, quelles que soient les impatiences et les incompréhensions. Fidèle à ses convictions, il le demeura jusqu’au bout.

 

 

La fidélité à ses principes comme règle de vie

Un des traits de caractère parmi les plus remarqués chez Érasme, c‘est le refus de toute compromission quoi qu’il lui en coûte.
C’est sans doute ce trait de caractère qui l’amène à refuser la toge de cardinal que lui offre le Pape Paul III (1535).
Il n’y a rien d’étonnant à ces refus opposés au Pape, car la pensée d’Érasme reste effectivement l’une des plus singulières à plus d’un titre

Pour lui, en effet, l’homme c’est l’Homme Universel. « L’Homme Universel » formule maintes fois employée dans ses écrits et lors de ses conférences. Ceci signifiait pour lui, dans sa philosophie, comme dans son mode de vie, que l’homme où qu’il soit est relié à tous les hommes de tous les temps.

Sa pensée, par conséquent, dépasse le christianisme (bien qu’il soit chrétien lui-même), dépasse l’Europe pour prendre la mesure du monde.
L’Universel est son lieu de prédilection. Dans ces conditions, comment tenir dans les limites d’un dogme ?

 

 

 

Une vision universelle de l’homme et des choses

Luther dira plus tard de lui :

« Les choses de ce monde ont pour lui plus d’importance que les choses divines. »

Cette singularité d’Érasme, presque en toute chose, se justifie-t-elle dans l’époque précise (elle aussi si singulière — Oh combien !) par rapport à celle qui a précédé et celle qui va suivre la vie d’Érasme ?

Né en 1469 et mort en 1536, l’essentiel de sa vie se situe dans la période de la naissance et l’épanouissement de la Renaissance italienne et européenne, celle de l’Humanisme triomphant, qui rompt avec l’ancien système de pensée et de conception de l’humanité.

Mais, la Renaissance, c’est surtout une période de bouillonnement intellectuel et culturel sans précédent en Europe.

 

 

La revanche de l’individu sur le collectif et l’anonymat

Ce bouillonnement culturel, qui libère la pensée de l’individu, correspond également à un bouleversement social, politique…
C’est véritablement une période de transition qui ne cède en rien à celle que nous traversons : une période de transition, de chamboulement.
La période où a vécu Érasme correspond précisément à cette époque de bouillonnement qui, en plus, a vu s’élargir la place de l’Europe dans le monde.
En effet, l’élan pris par ce continent sur le reste du monde, ira s’amplifiant, pour culminer au 19e siècle, avec la « révolution industrielle », la colonisation pour quelques-unes des principales puissances européennes dans la deuxième moitié du 19e siècle.
Cette marche de l’Europe vers le reste du monde est ponctuée de dates mémorables.

 

L’Europe technicienne à l’assaut du monde

En même temps, partout sur le continent européen, les idées nouvelles fleurissent, bousculant les vieilles pensées, les vieilles cultures…

—1486 : Bartholomé Diaz est le premier Européen à atteindre le Cap de Bonne Espérance.
—1492 : Christophe Colomb atteint les îles américaines.
—1497 : Jean Cabot longe les côtes du Labrador et de Terre-Neuve.
—1498 : Vasco de Gama ouvre la route des Indes.
—1500 : Pedro Alvares Cabral découvre le Brésil.
—1522 : Fernand de Magellan, pour la première fois, a accompli le tour du monde.

 

 

 

Certes, Érasme n’a pas de part directe dans ces voyages de découvertes extraordinaires pour l’époque, mais comment ne pas partir de sa vision de l’Europe et du monde, de sa lutte incessante et acharnée pour libérer l’esprit des hommes, afin de laisser libre cours aux possibilités inouïes que chaque homme recèle.

Par ailleurs, s’il fallait chercher l’actualité de la pensée d’Érasme à la fin du 20e et au début du 21e siècle, des similitudes ne manqueraient certainement pas. Entre autres exemples, l’intérêt marqué pour la liberté de l’esprit, pour l’instruction par l’école, la condition des femmes, la recherche en médecine pour venir à bout d’épidémies ou pandémies…

 

 

John Colet (1467-1579)

Un legs immense
L’Universalisme

John Colet, un homme d'Église anglais, est un pionnier reconnu de la pédagogie, ne s’était sans doute pas trompé quand il prophétisait : « Érasme ne périra jamais ».
On pourrait ajouter que les idées d’Érasme n’ont jamais été aussi actuelles qu’en ce 21
e siècle.
Son œuvre désormais patrimoine de l’humanité est immense.

Érasme a beaucoup écrit et beaucoup publié : livres, correspondance (des milliers de lettres), colloques et conférences… chacun de ses livres, lettres et textes de conférences ou de colloques constitue pour la postérité une preuve palpable de son humanisme.

Quelques titres :

L’éloge de la folie.
Les adages .

Colloques.
Éloge de la médecine.

….

Il faut, dit Érasme, que l’idéal patriotique cède la place parce que trop étroit, à l’idéal européen puis international. « Le monde entier en notre patrie à tous ». Jusqu’à son dernier souffle il resta fidèle à son image, sa pensée, sa philosophie, sa conception de la religion. À cet égard, la dernière flèche qu’il décocha peu avant sa mort, fut destinée non à la religion ,,mais au fanatisme religieux qu’il n’a cessé de combattre tout au long de sa vie : « O ! Dieu ! Que d’instincts bestiaux se déchaînent en ton nom ! »

 

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29 novembre 2020 7 29 /11 /novembre /2020 09:00

 

ÉRASME : CITOYEN DU MONDE AU SERVICE DE L’HUMANITÉ, DE LA CULTURE, DE LA PAIX (2)

Didier Érasme (1469 -1536)

Qui est Érasme ?

Tout « prince des Humanistes » qu’il fût, Érasme n’eut pas que des admirateurs dans la vie, il eut des adversaires des plus tenaces, pour deux raisons principalement.

Les opposants les plus tenaces sont ceux qui n’ont jamais compris ni toléré son attitude de neutralité lors de la Réforme. Il faut se souvenir qu’Érasme, au terme de sa formation religieuse, fut ordonné prêtre. Même s’il obtint du Pape la dispense de porter la soutane, il reste aux yeux de ses contemporains catholiques, un des leurs. Qu’il n’intervienne pas lors de la scission pour les aider à l’emporter définitivement sur les « Protestants » reste pour eux une trahison.

Sa culture, ses qualités multiples, son autorité naturelle qui s’imposait à tous, faisaient en effet de lui la personnalité idoine pour l’emporter définitivement et sûrement sur ces « fauteurs de trouble » dans la foi catholique.
De même, ces « fauteurs de trouble », les Protestants, comptaient beaucoup sur les lumières d’Érasme, et le considéraient naturellement comme l’un des leurs.

Ni  les catholiques ni les protestants ne lui pardonnèrent ce qu’ils considéraient comme une trahison.

Érasme était lui-même conscient de sa position entre les deux partis, mais, avait les arguments appropriés pour

 

à la fois les comprendre et ne pas se ranger derrière eux. Il voulait avant tout rester fidèle à lui-même, à sa vision de la religion, à sa philosophie, de même qu’au mode d’existence qu’il avait choisi et auquel il resta fidèle jusqu’à sa mort.

Un homme de conviction
    Fidélité à la foi intérieure, à l’Homme, comme moyen d’accomplir sa mission pour le bien de tous

Selon ses biographes et ses écrits, le jeune humaniste s’est senti heurté à la fois dans ses aspirations et ses convictions profondes, ainsi que par la discipline monastique dont il gardera toute sa vie un souvenir honni.
Sa seule consolation, c’est, faute de vocation religieuse établie, de trouver dans le monastère où il fut formé à sa vie de futur ecclésiastique, la meilleure bibliothèque classique du pays.

Rien n’indique par ailleurs qu’il fut d’une piété ardente durant ses années de vie monastique. Il semble, d’après des lettres, que ce soit plutôt les beaux arts, la littérature latine et la peinture qui l’aient particulièrement occupé et séduit. Quoiqu’il en soit, il ne semble pas s’être totalement détaché malgré tout de l’objet principal de son entrée dans ce monastère, puisqu’il fut ordonné prêtre par l’évêque d’Utrecht, en 1492.

La première des fidélités c’est la fidélité à soi, à ses convictions

 

La dispense du port de la soutane fut vécue, semble-t-il, par Érasme comme une « véritable délivrance… on ne le vit plus dans ses habits sacerdotaux qu’à de rares occasions. »

Il faut parfois faire un effort pour se rappeler que cet homme à l’esprit libre et ouvert, à la plume acérée mais impartiale, appartient à l’état ecclésiastique.
Précisément, ce caractère libre, impartial, parut singulier à ceux qui lui reprochaient d’avoir « lâché son camp » face aux Protestants.

Cependant, quelques qualificatifs relevés au hasard, permettent de mesurer la sympathie quasi universelle et l’aura de sa personnalité, de même que la fascination exercée par Érasme sur le plus grand nombre de ses contemporains toute sa vie durant :

« Érasme, la personnification de la sagesse. », écrit un biographe.

Un autre écrit :

« Érasme, Doctor universalis »
« Érasme … prince des Sciences. »

Ou encore :

« Incomparable »
« Phoenix Doctorum »
« La Pythie de l’Occident »
« L’Homme universel »

Les raisons du consensus, du plébiscite

Faut-il rechercher dans son action, sa pensée et sa philosophie, les raisons de l’apothéose quasi unanimement reconnue du personnage ?

Les biographes d’Érasme sont unanimes sur le regard porté sur le personnage. Le trait sur lequel tous ont insisté de façon récurrente, c’est, avant tout, son goût des études, et aussi sa fidélité à ses idées qu’il croit au service de l’Humanité entière.
Pour presque tous ses biographes, Érasme « fut le premier grand intellectuel de dimension européenne et la personnalisation de toutes les aspirations spirituelles les plus profondes de son siècle. »

Il est qualifié de « premier véritable penseur et écrivain vivant de son œuvre et de son savoir, dont la renommée et l’importance dans le "combat des idées" préfigurent celle des philosophes du 18e siècle. »
D’aucuns établissent une filiation d’esprit avec quelques philosophes des Lumières, principalement J.J. Rousseaux, Diderot, et surtout Voltaire.

Tous, sans exception, consacrent de longs passages à sa rigueur morale, sa sensibilité humaniste, laquelle le porte spontanément vers les autres.

Le savoir et le cœur aux sources de l’Humanisme

Toute sa vie, Érasme se montre intraitable dans le combat contre le fanatisme religieux et l’intolérance sous toutes ses formes, dans la religion comme dans la vie de tous les jours.
En matière de religion, il prône le retour aux textes des Anciens et à une Bible sans mystères, définitivement dépouillée de ses scories qui sont source de malentendus liés aux interprétations des textes.

Ce qui caractérise le mieux Érasme, c’est le refus de toute compromission, particulièrement dans le domaine de la connaissance des textes et la pratique de la religion.

Enfin, Érasme est la première personnalité d’influence européenne à s’engager résolument en faveur de l’éducation pour tous les enfants, quelles que soient leurs conditions et leur origine sociale, et à plaider pour la condition des femmes.

Enfin Érasme s’est préoccupé de bien des questions d’ordre social comme d’ordre religieux, qui, sans doute lui valurent aussi quelques inimitiés fortes, telles que le mariage des prêtres, de même que ses réactions au sujet de maladies sexuellement transmissibles. Il chercha à attirer l’attention des autorités religieuses et civiles sur le danger que la propagation de ces maladies pourrait représenter dans le futur, si l’on n'y prenait garde (apparemment sans  beaucoup de succès).

 

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22 novembre 2020 7 22 /11 /novembre /2020 08:20

ÉRASME : CITOYEN DU MONDE AU SERVICE DE L’HUMANITÉ, DE LA CULTURE, DE LA PAIX (1)

Didier Érasme (1469 -1536)

Qui est Érasme ?

 

Érasme (Desiderius Erasmus Roterodamus) est un humaniste hollandais d’expression latine. Il est né à Rotterdam vers 1469 et mort à Bâle en 1536.
De « naissance obscure » disait-on à l’époque, Érasme connaît une enfance et une jeunesse sombre. Pour ses contemporains il n’a ni patrie, ni famille réelles. Il est sans origines en quelque sorte.
Ce nom qu’on lui connaît, Érasmus Roterodamus, il ne le tient ni d’un père, ni d’un ancêtre. C’est un nom d’emprunt qu’il s’est donné lui-même.

La date précise de sa naissance et les circonstances qui accompagnent celle-ci, sont entourées d’un profond mystère.
Est-on sûr qu’il est né en 1469 ? Des sources avancent 1466, d’autres 1467... Érasme lui-même est tenu pour responsable, en partie, de ce mystère. Plutôt effacé, taciturne, il se confiait encore moins, ce qui multipliait sans doute les rumeurs et épaississait le mystère concernant ses origines.

Erasmus serait né d’un prêtre et de la fille d’un médecin.
Ce qui semble acquis, est que cet enfant illégitime perd ses parents biologiques très tôt. Confié à des tuteurs, Érasme n’a que 17 ans quand ceux-ci se débarrassent de lui.
D’abord scolarisé dans une école tenue par les Frères de la vie commune, il entre, à 20 ans, au couvent des chanoines augustins de Steyn.

 

 

Un homme qui se donne un nom, une mission et un destin

Qu’importe ! S’il n’est guère bavard, Érasme sait ce qu’il veut. Il se destine en fait à une « mission » planétaire, au service de l’Humanité entière.
Mais, comment remplir une telle mission avec la tête et le cœur vides ?
Érasme, après ses premières études à l’école des Frères de la vie commune à Deventer, l’un des premiers foyers de l’Humanisme, aux Pays-Bas, entre au couvent des Augustins où il prononce ses premiers vœux.

Cependant, la vie monastique ne l’attire guère. Il consacrera désormais son temps à l’étude approfondie des Anciens et des Écritures.

Une bourse lui permet de poursuivre ses études à Paris, au collège Montaigu, puis précepteur au service d'un riche anglais, il part pour l’Angleterre où il rencontre des personnages influents de l’époque, en particulier Thomas More, dont il deviendra l’ami.
Commence alors pour Érasme des voyages, des rencontres, débats et confrontations d’idées partout en Europe. Sa vie devient une vie d’errance, consacrée à l’étude, à la réflexion sur tous les sujets : religieux, profanes, sur la morale, la paix…

« Je souhaite être un citoyen du Monde, appartenir à tous, ou plutôt, rester un étranger pour tous » écrit-il.

Il poursuivra jusqu’à sa mort, une vie errante à travers l’Europe, sans se fixer définitivement nulle part.
Tous cherchent à se l’attacher, aussi bien l’Angleterre, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas…, en vain.

À l’apogée de sa vie, son souhait est amplement exaucé ; il devient véritablement un humaniste érudit, au service du monde.
Mais, Érasme est, au fond, un grand solitaire, néanmoins jouant le rôle de conseiller et partenaire de tous.

Quand éclate, au sein de l’Église, la grave crise qui devait aboutir à la scission et à la naissance du protestantisme, il saura faire preuve d’une neutralité aussi étonnante que respectueuse des deux camps : catholique et protestant, alors que toute l’Europe chrétienne attend de lui sa position face à ces évènements.

À la question d’un responsable de l’Église catholique : « De quel parti êtes-vous ? », il répond : « Mon parti, c’est l’Homme. »

 

 

Neutralité bienveillante, respect de tous comme voie vers la paix des consciences ?

La demande faite au pape de le dispenser de porter de la soutane, au terme de ses études théologiques, était-elle un indice de cette « philosophie de vie » ?
En tout cas, cela semble parfaitement convenir à la manière de vivre qu’il avait souhaitée et qui lui avait tant réussi.

En effet, à l’apogée de sa vie, Érasme est considéré, en Europe, comme le « Prince des Humanistes ».

 

 

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