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20 avril 2022 3 20 /04 /avril /2022 14:41

L’Homme de Vitruve
 (Léonard de Vinci)

 

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LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER

DANS SA LETTRE À LEONARD DE VINCI

 

Gottfried Honegger (1917-2016)

 

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Gottfried Honegger, né en 1917 à Zurich et mort en 2016 également à Zurich, est un peintre, graphiste publicitaire et collectionneur suisse.
Il a vécu et travaillé à Paris, Zurich, Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes)…

En 1938, il fonde un atelier de graphisme, de décoration et de photographie.
Entre 1939 et 1960, il séjourne dans différents pays puis revient en France en 1960, où il utilise l’informatique pour des dessins programmés par ordinateur.

Honegger réalise des Tableaux-reliefs aux formats monumentaux.

Il est reconnu comme l’un des piliers de l’art concret (mouvement artistique de tendance abstraite).
Il travaille sur le principe des variations à partir d'un seul et même thème.

 

Il pense que la beauté peut changer le monde. Pour lui, l’art a une fonction sociale, ce qui le conduit à concevoir un outil pédagogique : Le Viseur. Cet instrument est destiné à l’apprentissage du regard pour l’enfant : améliorer la perception des couleurs, des formes, du rythme. En 2015, Honegger avait initié des activités plastiques pour les enfants handicapés.

Il est convaincu que «l'excès d'images virtuelles paralyse notre conscience», il s'inquiète de l'addiction des jeunes aux écrans, allant parfois jusqu'à la folie.

 

« Son père fut sa deuxième école, éthique plus que politique : « Un père socialiste qui me dit : “Tu as eu de la chance, mais il y en a d’autres qui n’ont pas eu cette chance. Fais ton travail pour aider ceux-là.” Et je suis devenu socialiste avec un imaginaire de paysan. » (Le Monde, 18 janvier 2016).

 

Il réalise les vitraux des quatorze baies supérieures de la nef de la cathédrale de Liège, avec Hervé Loire, maître verrier de Chartres. (2014).
En 2000, avec sa dernière épouse, Sybil Albers-Barroer, il fait la donation de leur collection d’art (500 œuvres de 160 artistes) à l’État français.

 

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«l'Europe avant d'être une alliance militaire ou une entité politique doit être une communauté culturelle». (Maurice Schumann)

 

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La Joconde (Mona Lisa)

 

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Lettre à Léonard de Vinci

 

Très cher,

 

Afin de persuader notre ministre de la culture que l'art ne fait pas que coûter de l'argent, qu'il en laisse aussi dans les caisses de l'État, je lui ai écrit le billet suivant : « Mona Lisa, votre tableau suspendu au Louvre a rapporté à la France plus de devises et de prestige que Citroën, Peugeot et Renault réunis. Votre Mona Lisa n'a jamais fait grève, n'a jamais été malade, ni enceinte. Durant les cinquante dernières années, elle n'a été absente que deux ans. Et le vol n'a fait que renforcer sa légende, sa popularité. Ajoutons que Mona Lisa est un cadeau que vous avez fait à François Ier, alors roi de France ».

 

Il serait temps d'admettre que l'art n'est pas un luxe. Une ville comme Paris dépérirait sans l'art, sans les musées. Chaque année quatorze millions de touristes viennent dans la capitale, essentiellement attirés par la légende artistique de Paris. C'est l'art en premier qui crée une identité nationale.

 

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La poésie est un art qui ne se sent pas, alors que l’art, une poésie qui ne se voit pas » (Léonard de Vinci)

 

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Ceci dit en passant. Si je vous écris, c'est parce que la vulgarisation de votre Mona Lisa me préoccupe. Pas un drap de lit, pas une assiette, pas un t-shirt, pas..., pas..., pas..., pas une publicité télévisuelle sans elle. Votre œuvre est devenue une marque mondiale, exploitée avec cynisme et mauvais goût. Même des collègues artistes comme Marcel Duchamp ou Andy Warhol utilisent Mona Lisa, pour je ne sais quelle raison. Ce culte de Mona Lisa, cette pseudo-culture qui mêle art et consommation nuit à votre œuvre, à l'art tout entier. On utilise la légende de votre œuvre à des fins mercantiles. Le dommage qu'elle subit témoigne d'une économie sans scrupule, sans éthique.

 

Mais il n'y a pas que votre Mona Lisa, tout ce qui possède un éclat, un sens, est déshonoré. Quand la religion sert à vendre des pâtes alimentaires et Picasso des Citroën, plus rien n'est épargné.

Les héritiers Picasso, eux-mêmes, dirigent à New York une multinationale de la marque Picasso qui ne rapporte pas un simple pourboire. Que Picasso ait été communiste et ait dessiné la colombe de la paix s'embarrasse personne de nos jours. Picasso qui a écrit : « Je ne peins pas pour décorer des murs, je peins contre les ennemis de l'humanité » .

 

 

 

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« Chez nous, les hommes devaient naître plus heureux qu’ailleurs, mais je crois que le bonheur vient aux hommes qui naissent là où il y a du bon vin. » (Léonard de Vinci)

 

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Est-ce que je vous parais trop moralisateur, trop prude, trop dépourvu d'humour ? Je pense que l'économie, le néolibéralisme ont besoin du manteau de la culture pour camoufler leur égoïsme, leur course à l'argent et au pouvoir. En ce sens le sponsoring de l'activité économique est pure publicité de prestige. L'art doit fournir ce que la Bourse ne possède pas : la culture.

Cette popularité mondiale de l'art n'épuise pas seulement l'éthique de votre œuvre. Max Bense, un philosophe allemand, professeur au nouveau Bauhaus d'Ulm m'a convaincu qu'une œuvre d'art, aussi bonne qu'elle soit, est condamnée au kitsch par la reproduction en série et par le temps. Il a raison, votre Mona Lisa est aujourd'hui nue, avilie, récupérée par le tourisme de masse — le safari culturel.

 

Vous m'avez écrit autrefois : « Nous en concluons que la peinture n'est pas qu'une science (c'est-à-dire un chemin vers la connaissance), elle est chose divine qui recrée l'œuvre vivante de Dieu ». Vous écriviez dans la même lettre : « L'art pictural atteint une telle perfection qu'il ne se consacre pas seulement aux apparences de la nature, il engendre les apparences comme nature ».

Votre vision de l'art me donne le courage de persévérer, de continuer à protester. Notre travail est aujourd'hui plus que jamais une exhortation. Nous devons dans l'ombre d'un monde qui se cherche rendre perceptible la croyance à un meilleur, à un possible. L'espoir est une énergie qui fait jaillir la lumière.

Autrefois une idéologie uniforme déterminait la forme et le contenu de l'art. L'art était au service du pouvoir, mais aussi des Lumières (Aufklàrung). Aujourd'hui je regrette l'absence de commande officielle. La diversité de l'art actuel est le reflet de notre liberté démocratique. Ce qui nous manque, ce qui manque à la plupart des artistes c'est de comprendre que l'art, comme il l'a toujours fait, doit viser une politique culturelle. Un art sans engagement social reste décoratif, un simple divertissement.

Ce qui caractérise votre œuvre, c'est sa participation à la vie publique. Votre art rend visible. Il nous ouvre les yeux sur le miracle du monde.

Je vous remercie de votre patience. Je vous remercie aussi, parce que votre œuvre, l'impact de vos tableaux ont fortifié ma conscience, ma volonté de créer des formes.

 

Léonard de Vinci (1452-1519)

 

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Léonard de Vinci (1452 à Vinci-1519 à Amboise)

La personnalité puissante et séduisante de Léonard de Vinci est apparue au moment où la renaissance était en pleine vigueur. Léonard de Vinci s’y trouvait parfaitement à l’aise.

Il a incarné pleinement les idées nouvelles de la période, par-dessus tout, la liberté nouvelle de l’artiste, émancipé des cadres professionnels anciens. Pour lui, cette soif de liberté devait permettre à l’artiste de s’émanciper de ces cadres et dominer, par la réflexion scientifique et philosophique, l’empirisme des métiers.

C’est ainsi que Léonard de Vinci devint l’interlocuteur des grands de l’époque à travers l’Europe.

Son génie infatigable et singulier « déborde les préoccupations objectives et sereines de la première renaissance ».

 

Sa biographie atteste une activité prodigieuse qui n’est pas toujours menée à terme, suscite des reproches et se retrouve de bonne heure colorée par la légende, son œuvre écrite connaît un sort étrange : ses recherches théoriques donnent des proportions inconnues à la doctrine d’ « l’art-science ».

Il touche à tous les arts en suggérant partout un idéal de rigueur et de complexité qu’illustre, en peinture un petit nombre d’œuvres souvent inachevées.

 

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« Plus on connaît, plus on aime » (Léonard de Vinci)

 

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Quelques éléments de sa vie :

 

Né en 1452 à Vinci (Italie), près de Florence, il est le fils naturel d’un notaire Piero da Vinci et d’une jeune paysanne. Il est élevé dans la maison paternelle à Vinci et choyé par sa jeune belle-mère (ce qui nuance les spéculations de Freud sur la pénible condition du bâtard, car Ser Piero se maria quatre fois mais n’eut un second enfant qu’en 1476).

Son père l’inscrit à 10 ans, à Florence, dans une « scuola d’abaco » et ensuite dans l’atelier de Verrocchio.

Il y apprend les mathématiques, l’architecture, la perspective mais aussi la peinture le dessin et la sculpture.

Il y côtoie Botticelli et Pérugin, entre autres.

En 1472, L. de Vinci devient membre de la corporation des peintres de Florence. Il reste cependant au service de Verrocchio jusqu’en 1482.

 

Léonard de Vinci débute sa propre carrière par des portraits, tableaux religieux…

Il réalise surtout des commandes passée par les monastères et notables de Florence.

Afin de se mettre à l’abri du besoin, il cherche un mécène. Apprenant que le duc de Milan, Ludovic Sforza (dit Ludovic le More) veut ériger la statue équestre de son père, Léonard part pour Milan (1482) où il se consacre à la création de cette statue pendant 16 ans. Mais faute de bronze elle ne sera pas réalisée.

Il peint cependant les portraits suivants :

Portrait de Cesilia Gallerani (maîtresse du duc de Milan), La Vierge aux Rochers, La Dame à L’Hermine.

Il est nommé « Maître des arts et ordonnateur des fêtes » et invente des machines de théâtre.

À la chute du duc de Milan, Léonard quitte la ville. Pendant 15 ans il voyage entre Florence, Rome, Milan.

Génie touche à tout, il se fit connaître, partout, par l’importance et la diversité de son œuvre: peinture, sculpture, littérature, dessin, portrait, travaux de mathématiques, décors de théâtre…

 

Vers 1490 Léonard de Vinci, dessine « L’Homme de Vitruve », célèbre dessin inspiré des écrits de l’architecte romain Vitruve qui a travaillé sur les proportions idéales du corps humain.

Il montre un homme placé dans un cercle avec pour centre le nombril ; œuvre symbolique de la Renaissance, de l’humanisme et de la science. (L’homme est au centre de tout).

 

Dessin-invention de Léonard de Vinci

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Léonard de Vinci en France

 

À la fin de 1516, Léonard de Vinci est invité par le roi de France, François Ier (vainqueur de Marignan et arbitre de l’Italie).

Il a pris soin d’emporter avec lui ses tableaux et ses cahiers de notes qu'il laisse en totalité à son élève et compagnon fidèle, Francesco Melzy.

 

En 1517 il réside à Amboise, au Manoir de Cloux (actuel Château de Clos Lucé) et est nommé « premier peintre et architecte du roi ».

Il reprend des projets de canalisation pour Romorantin, et donne, en même temps des décors pour la fête de cour du printemps de 1518.

 

Léonard de Vinci meurt le 2 mai 1519, à Amboise.

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« Comme une journée bien remplie nous donne un bon sommeil, de même une vie bien remplie nous mène à une mort paisible » (Léonard de Vinci)

 

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Statue de Léonard de Vinci à Florence (Italie)

 

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5 avril 2022 2 05 /04 /avril /2022 10:34

 

UN ÉCRIVAIN SOUCIEUX DE L’UNITÉ DE L’EUROPE
VICTOR HUGO

 

Victor Hugo (1802-1885)

 

¤ Lettre à l’armée russe

Cette lettre s’inscrit bien dans l’actualité ; presque deux siècles séparent l’invasion de la Pologne et de l’Ukraine ; et toujours une certaine sauvagerie de l’armée russe.

***

« Soldats russes, redevenez des hommes.
           
Cette gloire vous est offerte en ce moment, saisissez-la.
           
Pendant qu’il en est temps encore, écoutez :

Si vous continuez cette guerre sauvage ; si, vous, officiers, qui êtes de nobles cœurs, mais qu’un caprice peut dégrader et jeter en Sibérie ; si, vous, soldats, serfs hier, esclaves aujourd’hui, violemment arrachés à vos mères, à vos fiancées, à vos familles, sujets du knout, maltraités, mal nourris, condamnés pour de longues années et pour un temps indéfini au service militaire, plus dur en Russie que le bagne ailleurs ; si, vous qui êtes des victimes, vous prenez parti contre les victimes ; si, à l’heure sainte où la Pologne vénérable se dresse, à l’heure suprême ou le choix vous est donné entre Petersburg où est le tyran et Varsovie où est la liberté ; si, dans ce conflit décisif, vous méconnaissez votre devoir, votre devoir unique, la fraternité ; si vous faites cause commune contre les polonais avec le czar, leur bourreau et le vôtre ; si, opprimés, vous n’avez tiré de l’oppression d’autre leçon que de soutenir l’oppresseur ; si de votre malheur vous faites votre honte ; si, vous qui avez l’épée à la main, vous mettez au service du despotisme, monstre lourd et faible qui vous écrase tous, russes aussi bien que polonais, votre force aveugle et dupe ; si, au lieu de vous retourner et de faire face au boucher des nations, vous accablez lâchement, sous la supériorité des armes et du nombre, ces héroïques populations désespérées, réclamant le premier des droits, le droit à la patrie ; si, en plein dix-neuvième siècle, vous consommez l’assassinat de la Pologne, si vous faites cela, sachez-le, hommes de l’armée russe, vous tomberez, ce qui semble impossible, au-dessous même des bandes américaines du sud, et vous soulèverez l’exécration du monde civilisé ! Les crimes de la force sont et restent des crimes ; l’horreur publique est une pénalité.

Soldats russes, inspirez-vous des polonais, ne les combattez pas.

Ce que vous avez devant vous en Pologne, ce n’est pas l’ennemi, c’est l’exemple. »

VICTOR HUGO.

Hauteville-House, 11 février 1863.

 

(Article paru le 11 février 1863 dans le journal La Presse.)

 

 

 

« Il vient une heure où la protestation ne suffit pas, après la philosophie, il faut l’action. » (Victor Hugo)

 

 

¤ Bref rappel de la vie de Victor Hugo

Victor Hugo, écrivain français, est né à Besançon en 1802 et mort à Paris en 1885.
        Fils d’un général d’Empire, il montre très tôt un goût prononcé pour les lettres (la littérature).

À ses débuts, très tôt, avant l’âge de 20 ans, il semble tenté par la rigueur classique et fait preuve d’un « certain conservatisme en politique », sensible dans ses premières œuvres :

-les Odes (1822).

-les Ballades (1826).

Mais, le jeune écrivain va vite vers d’autres formes littéraires, avant d’évoluer vers le romantisme qui semble plus convenir à son tempérament.

Cette évolution littéraire s’accompagne d’un pendant prononcé  pour la politique.

 

 

À partir de la publication des « Orientales », il fait de la liberté un élément indispensable de la création artistique (toutes les formes de l’Art)

 

Dès lors Victor Hugo, s’impose comme le chef de file du romantisme, surtout avec la représentation de sa pièce « Hernani »

À partir de 1831 il multiplie les recueils de poésie :

-Les feuilles d’Automne

-Les chants du crépuscule

-Les Voies intérieures

-Les Rayons et les Ombres

 

La gloire littéraire d’Hugo le pousse à se lancer dans la publication de romans historiques

-Notre-Dame de Paris

-Les Misérables

-Quatre-vingt-treize

-Les Travailleurs de la mer

 

À ces activités littéraires, il ajoute un autre penchant, la politique.

Louis-Philippe le nomme Pair de France (1845) en tant que Vicomte Hugo.

1848, il est élu député.

Mais opposé au coup d’État de 1851, il s’exile d’abord à Jersey puis Guernesey (où il écrit « Lettre à l’armée russe » en 1863.

Durant son exil (19 ans) il rédige une bonne partie de son immense œuvre (entre 1851 et 1870, date de la chute de Napoléon II.

Cette œuvre monumentale et diversifiée à souhait, fait sans doute de lui, l’écrivain français le plus lu de son temps, comme par la postérité.

Inspiré et prolixe jusqu’à la fin de sa vie, Hugo a fait montre d’un génie, d’un talent et d’une activité exceptionnels.

 

 

« Une guerre entre Européens est toujours une guerre civile. » (Victor Hugo)

 

Dans le ton de la « Lettre à l’armée russe », le poème « Amis, un dernier mot » que Victor Hugo publia en 1831.


Amis, un dernier mot ! —

 

[…]

 

Je hais l'oppression d'une haine profonde.
Aussi, lorsque j'entends, dans quelque coin du monde,
Sous un ciel inclément, sous un roi meurtrier,
Un peuple qu'on égorge appeler et crier ;
Quand, par les rois chrétiens aux bourreaux turcs livrée,
La Grèce, notre mère, agonise éventrée ;
Quand l'Irlande saignante expire sur sa croix ;
Quand Teutonie aux fers se débat sous dix rois ;
Quand Lisbonne, jadis belle et toujours en fête,
Pend au gibet, les pieds de Miguel sur sa tête ;
Lorsqu'Albani gouverne au pays de Caton ;
Que Naples mange et dort ; lorsqu'avec son bâton,
Sceptre honteux et lourd que la peur divinise,
L'Autriche casse l'aile au lion de Venise ;
Quand Modène étranglé râle sous l'archiduc ;
Quand Dresde lutte et pleure au lit d'un roi caduc ;
Quand Madrid se rendort d'un sommeil léthargique ;
Quand Vienne tient Milan ; quand le lion Belgique,
Courbé comme le bœuf qui creuse un vil sillon,
N'a plus même de dents pour mordre son bâillon ;

Quand un Cosaque affreux, que la rage transporte,
Viole Varsovie échevelée et morte,
Et, souillant son linceul, chaste et sacré lambeau,
Se vautre sur la vierge étendue au tombeau ;
Alors, oh ! je maudis, dans leur cour, dans leur antre,
Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu'au ventre
Je sens que le poète est leur juge ! je sens
Que la muse indignée, avec ses poings puissants,
Peut, comme au pilori, les lier sur leur trône
Et leur faire un carcan de leur lâche couronne,
Et renvoyer ces rois, qu'on aurait pu bénir,
Marqués au front d'un vers que lira l'avenir !
Oh ! la muse se doit aux peuples sans défense.

J'oublie alors l'amour, la famille, l'enfance,
Et les molles chansons, et le loisir serein,
Et j'ajoute à ma lyre une corde d'airain !

 

 

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22 mars 2022 2 22 /03 /mars /2022 08:50

 

REGARD SUR LA GUERRE

 

Jean de la Bruyère (1645-1696)

 

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Jean de La Bruyère, homme de son temps

 

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« La critique souvent n’est pas une science ; c’est un métier où il faut plus de santé que d’esprit, plus de travail que de capacité, plus d’habitude que de génie. » (La Bruyère)

 

*

Jean de la Bruyère,  homme de lettres et moraliste français, né en 1645 à Paris et mort à Versailles en 1696, fils d’un Contrôleur Général de Paris, s’exerça à plusieurs métiers avant de devenir un des grands noms de la littérature française.

Après de brillantes études il obtient la licence de Droit et devient avocat au Parlement de Paris, mais plaide peu.

Il achète ensuite un office de Trésorier des Finances de la Généralité de Caen. Sa charge l’occupant peu, il passe le plus clair de son temps à lire, surtout à observer le monde de l’époque, principalement celui de sa classe et celui de la classe au-dessus. Il observe, écoute, regarde.

 

Un de ses biographes dira de lui :

« Il peut méditer, lire, observer à loisir. Il mène en somme, jusqu’en 1684, la vie d’un sage, très modéré dans ses ambitions, très jaloux de son indépendance. Chez ce bourgeois de Paris, de la même race qu’un Boileau, qu’un Voltaire, sommeillent encore des dons de perspicacité réaliste et d’ironie caustique, qu’un brusque changement dans sa destinée va lui permettre de révéler. »

 

Ce changement intervient effectivement. Le 15 août 1688, La Bruyère, sur la recommandation de Bossuet, est nommé professeur d’histoire, précepteur du Duc de Bourbon, petit fils du Grand Condé, au château de Chantilly.

Ainsi, un large champ d’observation s’ouvre « à son regard aigu : il voit, de près et dans l’intimité, les grands seigneurs auxquels se mêlent parfois des parvenus, plus orgueilleux encore que les princes de sang ».

 

Dans « Les Caractères » La Bruyère poursuit un double objet :

—Peindre ses contemporains d’après nature et les amener ainsi à prendre conscience de leurs défauts et les corriger.

—Mais, comme La Fontaine, Molière, La Rochefoucauld, il vise aussi à discerner chez les Français du 17e siècle, des traits éternels de la nature humaine.

*

Le texte de La Bruyère ci-dessous contre la guerre, nous présente ce double objet.

*

« La plupart des hommes emploient la meilleure partie de leur vie à rendre l’autre misérable. » (La Bruyère)

 

*

La Bruyère a horreur de la guerre. Avec une ironie indignée il en dénonce le caractère atroce et surtout l’absurdité, montrant qu’elle ravale l’homme au-dessous des bêtes.

 

« La guerre a pour elle l’antiquité ; elle a été dans tous les siècles : on l’a toujours vue remplir le monde de veuves et d’orphelins, épuiser les familles d’héritiers, et faire périr les frères à une même bataille…

De tout temps, les hommes, pour quelque morceau de terre de plus ou de moins, sont convenus entre eux de se dépouiller, se brûler, se tuer, s’égorger les uns les autres ; et, pour le faire plus ingénieusement et avec plus de sûreté, ils ont inventé de belles règles qu’on appelle l’art militaire ; ils ont attaché à la pratique de ces règles la gloire ou la plus solide réputation ; et ils ont depuis enchérie de siècle en siècle sur la manière de se détruire réciproquement. De l’injustice des premiers hommes comme de son unique source est venue la guerre, ainsi que la nécessité où ils se sont trouvés de se donner des maîtres qui fixassent leurs droits et leurs prétentions. Si, content du sien, on eût pu s’abstenir du bien de ses voisins, on avait pour toujours la paix et la liberté.

*

« L’homme, (est) toujours plus avide du pouvoir à mesure qu’il en a davantage, et qui ne désire tout que parce qu’il possède beaucoup. » (La Bruyère)

 

*

Petits hommes hauts de six pieds, tout au plus de sept, qui vous enfermez aux foires comme géants, et comme des pièces rares dont il faut acheter la vue, dès que vous allez jusques à huit pieds ; qui vous donnez sans pudeur de la hautesse et de l’éminence, qui est tout ce que l’on pourrait accorder à ces montagnes voisines du ciel et qui voient les nuages se former au-dessous d’elles ; espèce d’animaux glorieux et superbes, qui méprisez toute autre espèce, qui ne faites pas même comparaison avec l’éléphant et la baleine, approchez, hommes, répondez un peu à Démocrite. Ne dites-vous pas en commun proverbe : des loups ravissants, des lions furieux, malicieux comme un singe ? Et vous autres, qui êtes-vous ? J’entends corner sans cesse à mes oreilles : l’homme est un animal raisonnable. Qui vous a passé cette définition ? Sont-ce les loups, les singes et les lions, ou si vous vous l’êtes accordée à vous-mêmes ? C’est déjà une chose plaisante que vous donniez aux animaux, vos confrères, ce qu’il y a de pire, pour prendre pour vous ce qu’il y a de meilleur. Laissez-les un peu se définir eux-mêmes, et vous verrez comme ils s’oublieront et comme vous serez traités. Je ne parle point, ô hommes, de vos légèretés, de vos folies et de vos caprices, qui vous mettent au-dessous de la taupe et de la tortue, qui vont sagement leur petit train, et qui suivent sans varier l’instinct de leur nature ;  mais écoutez-moi un moment. Vous  dites d’un tiercelet de faucon qui est fort léger, et qui fait une belle descente sur la perdrix : "Voilà un bon oiseau" ; et d’un lévrier qui prend un lièvre corps à corps : "C’est un bon lévrier ". Je consens aussi que vous disiez d’un homme qui court le sanglier, qui le met aux abois, qui l’atteint et qui le perce : "Voilà un brave homme". Mais si vous voyez deux chiens qui s’aboient, qui s’affrontent, qui se mordent et se déchirent, vous dites : "Voilà de sots animaux" ; et vous prenez un bâton pour les séparer. Que si l’on vous disait que tous les chats d’un grand pays se sont assemblés par milliers dans une plaine, et qu’après avoir miaulé tout leur soûl, ils se sont jetés avec fureur les uns sur les autres, et ont joué ensemble de la dent et de la griffe ; que de cette mêlée il est demeuré de part et d’autre neuf à dix mille chats sur la place, qui ont infecté l’air à dix lieues de là par leur puanteur, ne diriez-vous pas "Voilà le plus abominable sabbat dont on ai jamais ouï parler" ? Et si les loups en faisaient de même : "Quels hurlements ! quelle boucherie !" Et si les uns ou les autres vous disaient qu’ils aiment la gloire, concluriez-vous de ce discours qu’ils la mettent à se trouver à ce beau rendez-vous, à détruire ainsi et à anéantir leur propre espèce ? ou, après l’avoir conclu, ne ririez-vous pas de tout votre cœur  de l’ingénuité de ces pauvres bêtes ? » (Extraits de La Bruyère, Les Caractères.)

*

« Le trop d’attention qu’on met à observer les défauts d’autrui fait qu’on meurt sans avoir eu le temps de connaître les siens. » (La Bruyère)

 

 

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4 mars 2022 5 04 /03 /mars /2022 09:44

 

GUSTAVE GAUTHEROT, UN ANTIBOLCHÉVIQUE RÉSOLU (2)

 

 

Les Bolchéviks dans les possessions françaises d’Afrique, par Gustave Gautherot

 

 

Gustave Gautherot était persuadé que les bolchéviks s’adonnaient à une œuvre mondiale de subversion minutieusement programmée qui commence par les possessions françaises d’Afrique (Nord et Sud du continent), comme on peut le constater dans l’extrait ci-dessous.

 

 

Le texte est un extrait de « Le Bolchévisme aux colonies » :

 

« Le Bolchévisme en Afrique

 

Le 4 mars 1928, en installant la commission interministérielle chargée d'étudier les projets relatifs à l’extension des droits politiques des indigènes de l’Algérie et des colonies, le Ministre de l’Intérieur, M André Tardieu, après avoir observé que « tout se tenait dans l’unité française », a donné ce solennel avertissement :

« Sur tous les points de ce vaste empire, mais plus particulièrement en Afrique, nous avons d’autre part à compter avec deux forces, dont l’une est ancienne et l’autre récente ; dont l’une a prouvé qu’elle comporte avec notre génie de mutuelles et fécondes adaptations, dont l’autre démontre chaque jour qu’elle est inassimilable ; dont la première fut et demeure créatrice de civilisation et dont la seconde ne serait que dissociante et destructive. La première est l’Islam, la seconde est le bolchévisme. Vous compterez avec toutes les deux. »

Entre l’Islam et la civilisation européenne, entre leur spiritualisme, leur morale, leurs principes sociaux élémentaires, il existe en effet des points de contact et des possibilités de collaboration. La muraille qui les séparait ressemble à ces antiques remparts qui courent aujourd’hui à travers les cités sans entraver la commune activité. Bien avant les gouvernements franco-tunisiens et franco-marocains, l’amitié franco-musulmane a prouvé qu’au fond rien n’empêchait d’anciens ennemis de se tendre une main loyale et de travailler ensemble, dans le mutuel respect de leurs croyances héréditaires, aux œuvres de paix. Nous ne sommes d’ailleurs qu’aux premières décades de cette heureuse collaboration, et il y a lieu d’espérer qu’elle multipliera ses fruits. En tout cas, le fanatisme musulman a les meilleures chances de s’assouplir à notre contact ; les vertus des races qui, dans le passé, furent si fécondes, et qu’une sorte de maladie du sommeil immobiliserait ne seront pas étouffées, mais revigorées par notre génie en plein essor ; et se sera tout profit pour l’humanité.

Nous en dirions de même des autres religions africaines, de ces religions « animistes » qui n’excluent pas une remarquable sociabilité. La sauvagerie du continent noir est d’ordinaire le résultat de déchéances qu’il nous appartient de guérir. Entre Français et indigènes, la confiance, la compréhension, l’amitié, s’établissent aisément. Jusqu’au cœur de l’Afrique, nos missionnaires multiplient de significatives conquêtes. L’avenir est plein de fraternelles espérances.

**

Mais voilà que se dresse, sur ce continent renaissant, le « spectre rouge » du bolchévisme : il y inspire, non pas la fraternité, mais la haine ; il y prépare non pas le progrès dans la paix, mais la régression dans la guerre destructrice. Entre l’Islam et la France, il cherche, non pas à aplanir les barrières mais à les relever. Le bolchévisme qui est, en dernière analyse, l’ennemi mortel de toutes les libertés comme de tous les sentiments religieux, prêche l’indépendance nationale, bien plus l’indépendance raciale, la révolte continentale, et prétend constituer contre nous, contre l’Europe, le bloc africain : Afrique noire contre Afrique blanche.

Ce n’est encore qu’un rêve assez lointain. L’U.R.S.S. ne pénètre pas l’Afrique de toutes parts comme elle pénètre l’Asie. Ni par leur densité, ni par leur degré de culture, les deux continents ne sont comparables. Les insurrections chinoises, hindoues ou druses n’ont pas eu encore — (sauf avec Abd-el-Krim) — leurs pendants en Afrique. Mais le plan d’action est nettement tracé ; leurs courants d’idées sont établis ; les conséquences s’en développent régulièrement, favorisées par des rivalités internationales et par des disputes françaises qu’il importe d’abord de caractériser. »

 

Papillon communiste collé sur les murs d'Alger en 1930

 

****

« Rivalités internationales et Problèmes français

 

Le partage de l’Afrique s’est naturellement effectué, au XIXe siècle, entre les puissances qui contribuèrent le plus à découvrir le continent, qui y possédaient déjà des territoires, qui se trouvaient orientées vers lui et en mesure d’y soutenir leurs droits. L’Allemagne sut, après coup, s’y tailler un véritable empire, que lui fit perdre sa défaite de 1918. L’Italie, trop tard venue, et d’ailleurs arrêtée jadis par des opérations malheureuses, se trouve à l’étroit en Tripolitaine. Les Etats non-coloniaux et l’Union Nord-Américaine elle-même estiment aujourd’hui que les débouchés africains ne sauraient rester le monopole de quelques nations. D’où les compétitions dont joue Moscou.

 

LA COLLUSION GERMANO-SOVIÉTIQUE

 

Par les traités de Brest-Litovsk, de Rapallo et de Berlin, le Reich a conclu avec les Soviets — « avec le diable » — des pactes qui, au point de vue économique, ont abouti à de fatales désillusions, et qui, au point de vue politique, ont singulièrement favorisé la bolchévisation de l’Allemagne. Des patriotes aussi éclairés que le général Max Hoffmann [ancien chef d’État-major des armées allemandes en Russie], dès 1919, et le capitaine Ehrhardt [chef nationaliste très actif], à la fin de 1929, ont d’ailleurs condamné une aussi funeste politique.

Si les Alliés victorieux lui avaient laissé ses colonies, le Gouvernement allemand n’en aurait-il  pas profité pour jouer en Afrique aussi la carte de Moscou ? Ou bien la solidarité coloniale ne l’aurait-elle pas rapproché de l’Occident ? Quoi qu’il en soit, dans l’état actuel des choses, la collusion germano-soviétique apparaît de la façon la plus nette sur le terrain colonial.

*

Pangermanistes et internationalistes moscoutaires s’accordent tout au moins pour combattre le traité de Versailles. En ce qui concerne les colonies, au mois d’avril 1929, le Dr H. Schacht, président de la Reichsbank et chef de la délégation allemande à la commission des Réparations, a manœuvré à Paris pour obtenir la restitution du Togo, du Cameroun, du Sud-Ouest et de l’Est-Africain allemands, restitution liée, déclarait-il, à la prospérité économique, et par conséquent à la capacité de paiement du Reich. Il était soutenu en cela par toute la presse d’Outre-Rhin, et par les objurgations de la « Ligue d’Empire des Allemands à l’étranger, des Colonies et des pays frontières dépouillés de leurs biens ». Logiquement, cette attitude est inconciliable avec le bolchévisme — qui réclame l’abolition de toute domination coloniale ; —  mais, outre que la politique germanique s’embarrasse assez peu de pure logique, les colonialistes allemands, repoussés par les Puissances mandataires, les attaquent alors avec des arguments semblables à ceux de Moscou.

*

Pour établir la nécessité du retour en Afrique des colons, des ingénieurs, des médecins, des missionnaires allemands, ils taxent en effet d’insuffisance, voir d’indignité, ceux qui les ont remplacés. Ils proclament la faillite de la colonisation française, anglaise ou belge. Ils prennent la défense des malheureux indigènes. Ils rejoignent alors les purs bolchévistes de la Ligue contre l’Impérialisme et contre l’Oppression Coloniale.

Nous avons suffisamment décrit les origines et l’action germano-soviétique de cette ligue pour qu’il soit utile d’y revenir. Nous n’accusons pas l’ensemble de la nation allemande d’un aussi détestable concours ; mais il est démontré que les mortels ennemis de la civilisation européenne et de son rayonnement à travers le monde ont pu établir leur second quartier général dans un pays dont la culture et la puissance d’expansion devraient, en vérité, servir à d’autres fins.

Pour l’Allemagne elle-même, l’alliance avec les Soviets est une arme à deux tranchants, qui déjà entaille profondément sa propre substance, l’empoisonne et la menace d’une irrémédiable déchéance.

L’AMBITION ITALIENNE

 

Romme et Moscou ne sont-ils pas aux antipodes ? Le « Duce », qui a soustrait la péninsule aux griffes du bolchévisme, réconcilié de Quirinal et le Vatican, et insufflé une âme nouvelle au peuple italien, pourrait-il conspirer en quoi que ce soit avec l’ennemi juré du fascisme ? Ce serait assurément paradoxal. Mais il arrive que les extrêmes se touchent, surtout quand la politique méprise les lois d’un sage équilibre.

Sans attacher plus d’importance qu’il ne convient aux extravagances des thuriféraires qui saluent en M. Mussolini l’ « Empereur des Latins » et vont jusqu’à opposer son triomphant césarisme au « despotisme tremblant d’une France en dissolution », jusqu’à imaginer un « Occident Romain » en révolte contre l’ « Occident usurpateur » dans lequel « la suprématie de Paris n’est qu’une apparence », nous devons constater que les ambitions fascistes sont assez conquérantes pour réclamer, en Europe, la Corse, l’ancien comté de Nice et la Savoie ; en Afrique, les territoires du Borkou et du Tibesti, qui séparent la Tripolitaine du lac Tchad, et même, bien au-delà, le Cameroun, ce qui constituerait, de la Méditerranée au Golfe de Guinée, une Afrique italienne coupant en deux l’Afrique française ! Il s’y ajouterait sans doute la Tunisie, qu’une colonisation non pas seulement économique, mais d’allure politique et agressive, vise à italianiser. On voit tout ce qu’une telle attitude a d’incompatible avec l’amitié franco-italienne et avec l’équilibre européen, tout ce qu’elle présente, par conséquent, d’avantageux pour l’ennemi commun.

*

Une si aveugle activité entraîne de tristes conséquences. Puisqu’on songe à dépouiller la France, ne convient-il pas d’en affaiblir, d’en flétrir la domination coloniale ? Le 31 janvier 1929, le Giornale d’Italia publiait  une correspondance de Paris dont les titres monumentaux sont assez significatifs :

« Premières lueurs sur les mystères de la tragédie africaine : trois millions de noirs en fuite de la colonie française :

17 000 victimes pour 140 kilomètres de chemin de fer.
          
La féroce persécution des travailleurs africains.
          
Cruauté incroyable et massacres en masse. »

 

Que s’était-il passé ? Dans la Haute-Sangha congolaise, où nous n’avons qu’un cadre très restreint de fonctionnaires, le sorcier Karinou avait suscité une certaine effervescence. Le sorcier était mort depuis, et le trouble s’était apaisé. Il s’agissait donc d’incidents sans importance, mais aussitôt grossis par la haine de l’Humanité, qui annonça :

« En A.E.F., les nègres se dressent contre la colonisation sanglante.

La révolte des noirs de la Grande-Forêt.

Le ministre Maginot, actuellement à Dakar, hâte l’organisation des colonnes de répression. »

 

 

Ce vulgaire bourrage de crâne avait été utilisé par le Giornale d’Italia ! Et d’autres journaux italiens imitent, quand il s’agit d’attaquer la colonisation française, la presse de Moscou : par exemple Il Tevere (de Rome), dont une caricature montre un officier français cravachant un pauvre nègre nu et décharné : « Bandit ! crie le Français, cela ne te suffit donc pas d’avoir l’honneur d’être citoyen du grand empire français ! » Sous le titre « Degrés de civilisation », l’A.E.Z. (de Rome) publie « quelques renseignements démographiques recueillis au Congo français d’où il résulte que la mortalité des noirs y est épouvantable », renseignements synthétisés dans ce dialogue illustré entre un obèse colon et un nègre affublé à l’européenne : « Nous nous révoltons parce que nous sommes les plus civilisés des Français. — Comment ? — Certainement ! Nous sommes déjà  arrivés à cent morts pour cinquante naissances ! » Un dessin d’Il Impero (de Rome) représente un officier français donnant des chaussures et un fusil à un indigène : « Tu es idiot, dit le noir, si tu espères que je veux me mettre des souliers pour me faire massacrer sur le Rhin ! ». Sous le titre « Au chic parisien », Il Travaso delle Idee (qu’imprime la Tribuna Romana) offre le 7 juillet 1929 a ses lecteurs ce dialogue entre une acheteuse et un vendeur : «  C’est exagéré ! Un simple petit sac en peau, mille francs ! — Mais, c’est de la peau de maroquin (marocain), et celle-ci coûte très cher aujourd’hui, surtout à nous autres Français. »

Est-ce l’ambassadeur des Soviets à Rome qui fournit les clichés, ou les idées ? En tout cas, il doit en être satisfait, non seulement à l’égard de la France, mais encore à l’égard de l’Italie et de toutes les Puissances colonisatrices.

*

C’est toujours, en effet, l’arme à deux tranchants qui frappe à coup sûr. Si les fascistes dont nous venons de caractériser la manière n’en comprennent pas le danger, leur gouvernement ne saurait fermer les yeux à l’évidence. L’Italie, elle aussi, emploie des troupes noires : « A Bou-Aily, — relatait, lors des opérations militaires de Cyrénaïque, l’Union du 30 janvier 1929, — l’un de nos officiers tombait valeureusement pendant le combat avec dix hommes de couleur. Nous avons eu en outre vingt blessés, tous de couleur ». Lors du mariage du Prince de Piémont avec la Princesse de Belgique, — avec la fille du souverain du Congo, — le défilé des troupes de couleur a d’ailleurs déchaîné l’enthousiasme romain. Comment l’Italie s’assurera-t-elle de leur fidélité, quel rôle pourra-t-elle jouer en Afrique, si elle y détruit elle-même le prestige des blancs, et si elle méconnaît la solidarité coloniale qui — face au bolchévisme — unit nécessairement les puissances européennes ?

Cette solidarité est d’ailleurs battue en brèche par d’autres nations de race blanche.» 
[…]          
                
(Gustave Gautherot, Le Bolchévisme aux colonies, et l’impérialisme rouge)

 

****

Ainsi le professeur Gautherot aura, toute sa vie, lutté avec constance, par la plume, contre ce qu’il nommait l’ « infection des colonies » françaises par ce qu’il considérait comme le mal absolu, le bolchévisme soviétique.

Il croyait ce « virus » capable, en s’infiltrant dans les colonies, d’infester l’esprit des indigènes, les amenant ainsi à toutes sortes de rebellions contre la métropole.

 

 

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14 février 2022 1 14 /02 /février /2022 13:40

 

GUSTAVE GAUTHEROT, UN ANTIBOLCHÉVIQUE RÉSOLU

Un rempart contre l’expansion du bolchévisme en Europe ?

 

Gustave Gautherot (1880-1948)

 

> Seul dans la tempête Rouge ?

Fort d’une impressionnante documentation glanée dans la presse mondiale, Gustave Gautherot (1880-1948), professeur d’histoire, docteur ès lettres, fut un combattant acharné du communisme et de l’Internationale contre lesquels il lutta tel un Don Quichotte français se battant contre les moulins à vent dans un désert aride.

Toute sa vie, il lutta avec le même zèle contre l’expansion du communisme bolchévique en France, en Europe, mais aussi en Amérique, en Afrique, en Asie où il étudia avec minutie les conquêtes et les avancées du communisme dans toutes ces régions du globe.

Il étudia avec soin les méthodes d'organisation du bolchévisme pour infiltrer les associations, les syndicats de même que leurs responsables.

Selon lui, les Bolchéviques possédaient l’art le plus raffiné pour infiltrer les responsables syndicaux notamment dans les colonies européennes d’Afrique, d’Asie…

 

Document extrait du livre
Le bolchévisme aux colonies et l’impérialisme rouge,
Gustave Gautherot

 

> Un véritable érudit, scientifique et politique

Gustave Gautherot laisse une œuvre importante par sa diversité, avec sans doute une préférence pour la politique et la société.

Parmi cette œuvre foisonnante :

  • Les relations franco-helvétiques de 1789 à 1792.
  • La Révolution française dans l’ancien évêché de Bâle.
  • L’Assemblée constituante : le philosophisme révolutionnaire en action.
  • La Démocratie révolutionnaire. De la Constituante à la Convention.
  • L’agonie de Marie-Antoinette.
  • Le Monde communiste

 

Enfin un dernier ouvrage mais non  le moins lu, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale

  • Derrière le rideau de fer, la vague rouge déferle sur l’Europe (1946)

 

 

Élu sénateur de la Loire Inférieure en 1932, puis 1933, l’infatigable baroudeur anti-communiste a rendu l’âme le 24 avril 1948 à Paris, couvert de distinctions et de titres honorifiques :

  • Croix de guerre
  • Chevalier de la Légion d’Honneur

Et de multiples prix littéraires.

 

 

Ce texte est extrait de « le Bolchévisme aux colonies et l’impérialisme rouge » de Gustave Gautherot, publié en 1930.

L’intérêt de ce texte réside — selon certains spécialistes — dans le fait qu’il apparaît non comme une attaque frontale du système soviétique mais comme un moyen de dénoncer les méthodes utilisées par ce régime, consistant à affaiblir les puissances européennes en les attaquant dans leurs possessions coloniales : en Afrique, en Amérique, en Asie…

 

« Le gouvernement Soviétique, étroitement lié à la Troisième Internationale, a déclaré au monde une guerre sans merci. Il s’agit d’abattre la civilisation moderne, d’en éteindre le rayonnement et de lui opposer un impérialisme que le programme officiel de l’Internationale Communiste annonce en ces termes :

"En se groupant politiquement autour des centres de la dictature prolétarienne, les Soviets paysans des anciennes colonies arriérées et les Soviets ouvriers et paysans des anciennes colonies d’un type plus développé seront intégrés dans le système général de la Fédération toujours croissante des Républiques Soviétiques, et par là-même dans le système mondial de la dictature prolétarienne..."

Contre l’Occident, contre tous ses principes intellectuels, moraux juridiques, politiques, se retourneraient ainsi les masses asiatiques et africaines. Le but final de l’assaut n’est pas de libérer les peuples de couleur, de sauvegarder leurs propres traditions, mais de les plier à la Dictature de Moscou et de les absorber dans l’Union Soviétique qui — doctrinalement — n’a pas de frontières.

**

Nous savons quels sophismes et quelles réalités cache l’expression "dictature prolétarienne" : depuis 1917, l’histoire de l’infortuné peuple russe nous a suffisamment édifiés sur le léninisme et ses applications.

Mais le bolchévisme n’en poursuit pas moins sa course. On nous parle du "crépuscule" de la race blanche ; et la nécessité de défendre l’Occident contre les ténèbres venues d’Orient préoccupent d’autre part les esprits les mieux avertis, si dissemblables que soient leurs tendances. Bornons-nous ici à quatre témoignages particulièrement autorisés.

"Au moment même où nous essayons de nous rapprocher des âmes indigènes, écrit M. Georges Hardy, directeur de notre École Coloniale[1], d’autres influences tendent à les éloigner de nous. Un peu partout, de grands mouvements qui agitent le monde menacent de faire vibrer les populations coloniales : ici, c’est le Communisme ; ailleurs, la propagande pan-nègre, transmise par les Noirs d’Amérique ; ailleurs encore, le panislamisme, les menées révolutionnaires venues de l’Inde… Ces mouvements se trouent fréquemment déformés par les caractères et les traditions du milieu, où ils pénètrent ; telle agitation communiste, par exemple, n’a de communiste que le nom ; mais ils rejoignent généralement une formation ethnique, ils donnent aux groupements indigènes une conscience nouvelle de l’autorité européenne et compromettent un rapprochement qui s’annonçait déjà  difficile."

Le directeur du Bureau International du Travail dénonce plus positivement la force de la propagande communiste : "Partout, a déclaré M. Albert Thomas à son retour d’Extrême-Orient, non seulement l’isolement, mais aussi, il faut bien le dire, quelque opposition des races. Et, par là-dessus, un facteur qu’il ne faut pas négliger, qu’on retrouve partout, ici comme ailleurs, le Communisme… Au Japon, j’ai été accueilli par des cris et des sifflets à la gare de Tokyo : les communistes avaient menacé de ne pas me laisser débarquer. Dans les Universités, dans des auditoires de 3 000 à 3 500 étudiants japonais, il y avait toujours dans le fond quelque cent à deux cents Communistes qui intervenaient violemment, me posaient des questions ou m’insultaient…"[2]

Deux années auparavant, — le 22 avril 1927 — M. Albert Sarraut avait prononcé à Constantine le fameux discours dont il convient de rappeler quelques passages car l’ancien ministre de l’Intérieur et des Colonies, l’ancien Gouverneur général de l’Indochine, l’auteur du projet de loi sur "la mise en valeur des Colonies françaises"[3] y oppose de la façon la plus frappante les principes de la colonisation française aux doctrines communistes :

"L’insurrection coloniale, la perte ou l’abandon par la France de ses colonies est l’un des articles essentiels du programme de déchéance française dont l’exécution méthodique est impérieusement tracée par une influence étrangère aux affiliés français servilement courbés sous sa loi. Une logique rigoureuse ordonne à cet égard les desseins de la IIIe Internationale de Moscou. La France représente dans le monde la force morale la plus capable sans doute de résister victorieusement à l’entreprise universelle de désagrégation nationale et sociale d’où les dirigeants du Communisme moscovite espèrent faire surgir le nouvel impérialisme.

"La colonisation a toujours été pour la France une création d’humanité, et si le colonisateur est en droit de retirer de son œuvre de légitimes avantages, la doctrine française considère qu’elle n’est pas simplement un enrichissement national, mais en enrichissement universel…

"Avec son domaine d’outre-mer, la France est une nation de cent millions d’habitants, riche d’incomparables richesses. Sa force militaire, c’est-à-dire sa sécurité et son avenir économique, dépendent largement, dépendront plus largement encore demain de ce potentiel colonial. Voilà donc ce qu’il faut annihiler

"Pour le Gouvernement et le Parlement, comme pour les masses laborieuses, la devise, le mot d’ordre doit rester le même : le Communisme, voilà l’ennemi."

Plus récemment, c’est l’organe d’observateurs très compétents, — car ils sont en contact étroit avec l’âme indigène — c’est la Revue Missionnaire (de mars 1930) dont l’éditorial caractérisait ainsi "la marée montante du bolchévisme"

"Les troubles révolutionnaire d’Indochine et de Durban (Sud-Africain), les révélations du procès de Meerut (Indes anglaises) et des quelque huit cents communistes arrêtés au Japon, la recrudescence de l’opposition communiste dans les provinces du Sud en Chine, nous montrent dans le monde entier le progrès irrésistible du bolchévisme en pays de Missions. Alors que la vie chrétienne ne s’y épanouit que lentement, à la manière d’une plante qui croît et se développe, le bolchévisme se propage à la manière d’un feu destructeur : sa flamme tantôt monte toute droite, se faisant plus vigoureuse, tantôt se couche et rampe sous une rafale, se communiquant à tout ce qui l’entoure."

Si forts, cependant, que soient de tels cris d’alarme, et si vives les flammes qui jaillissent aujourd’hui à travers les continents, l’alerte est encore inopérante. La Revue Missionnaire elle-même croit pouvoir affirmer que "Moscou n’est pas la tête du bolchévisme"[4]. L’éminent directeur de l’École Coloniale craint d’exagérer le rôle du bolchévisme (dont il n’étudie d’ailleurs pas l’organisation). Le Bureau International du Travail, et la Société des Nations gardent à son endroit une déconcertante passivité. Les gouvernements attaqués, du dehors et du dedans, ne prennent contre l’ennemi commun que  des mesures sans portée, contradictoires et isolées, quand ils n’en favorisent pas les entreprises par de fatales complaisances.

 

**

Au cours de ce livre, qui met nécessairement en jeu toute la politique internationale, nous verrons en effet la vigoureuse logique des principes et l’unité de front existant du seul côté de l’agresseur.

Il est évident que la destruction des empires coloniaux entraînerait la ruine des métropoles, la ruine aussi des autres pays, en raison de la solidarité économique internationale. Entre la France et la Grande-Bretagne par exemple ou entre l’Europe et l’Amérique, aucune concurrence d’intérêts ne saurait au fond l’emporter sur les liens vitaux qui unissent les producteurs, les commerçants et les consommateurs, sans parler des liens immatériels qui rapprochent les âmes. L’Impérialisme Rouge cherchant à briser ces liens et à déchaîner ces catastrophes, il est non moins évident qu’il faut lui barrer la route.

Or, maints gouvernements tolèrent et en quelque sorte légalisent la servile et criminelle propagande de ses agents ; reconnaissent "de jure" et admettent les ambassadeurs d’une puissance qui, par définition, combat implacablement tous leurs droits et le Droit lui-même. Si l’on traite ainsi d’égaux à égaux avec les bourreaux d’une grande nation et avec les perturbateurs du monde ; si les journaux communiste ont licence d’inciter quotidiennement, publiquement les peuples coloniaux à la révolte ; si un députés communiste peut impunément faire l’apologie de l’insurrection et de la trahison à la tribune du Parlement, quelle autorité peuvent ensuite conserver les arrêts de justices, et comment les condamnés ne seraient-ils pas transformés en victimes de l’arbitraire, en martyrs, bientôt en triomphateurs, — alors qu’en Russie Soviétique la résistance à l’oppression, même sur le terrain économique, est un crime capital, irrémissible ?

Le plus vaste des empires coloniaux va plus loin encore ; au moment même où le bolchévisme bouleverse ses possessions asiatiques et africaines, il étend le privilège de l’immunité diplomatique aux délégations commerciales dont l’ingérence dissolvantes est inévitable.

Les relations diplomatiques ne sont d’ailleurs pas nécessaires aux commerçants, aux industriels, aux ingénieurs, aux capitalistes pour conclure avec les Soviets des marchés qui sont doublement des marchés de dupes ; car d’une part les ressources fournies au Gouvernement Soviétique servent à alimenter sa propagande extérieure ; d’autre part, si la réintégration de l’immense Russie dans l’économie mondiale s’impose certes le plus en plus, il est clair qu’elle ne pourra s’opérer efficacement qu’après la chute de ses destructeurs.

Que dire des "pactes avec le diable" et des hideuses collusions dont usent encore certains politiciens assoiffés de revanche ou brûlés d’ambition ? Ignorent-ils donc que l’Impérialisme Rouge compte précisément sur les luttes fratricides des nations civilisées pour réaliser ses desseins ?

**

Le plan bolchéviste commence pourtant à s’inscrire sur le globe en traits de feu.

Les principes directeurs et le mécanisme de la révolution mondiale sont exposés dans les statuts de l’Internationale Communisme, les comptes-tendus de ses congrès, les bulletins de ses groupements internationaux. Il en ressort que jamais méthode plus rigoureuse, voire plus "scientifique, n’a été mise au service d’une plus puissante machine de guerre sociale.

En Europe, même parmi les esprits cultivés, cette monstrueuse théorie a multiplié les victimes. Ce goût du suicide, cette éclipse du bon sens, ce refroidissement du foyer civilisateur paraissent au premier abord assez alarmants. Mais les races qui, de 1914 à 1928, ont prodigué tant d’héroïsme ne sont pas des races épuisées ; et leurs prodigieuses expansions d’outre-mer prouvent qu’elles ne sont pas en décadence. Le bolchévisme a, somme toute, échoué sur ce continent, ou du moins ce continent reste capable de le juguler.

En Asie, il en va autrement. Appliqué à d’antiques civilisations qui n’ont pas rajeuni leur sève, le bolchévisme — combiné d’abord avec le nationalisme wilsonien — produit l’effet d’un explosif.au sein de l’anarchie chinoise et à travers la révolte hindoue on voit apparaître les nouveaux maîtres. L’Union Soviétique, étalée sur la moitié du continent, injecte directement son virus à des masses de huit cent millions d’hommes : si elle ne parvient pas à les lancer contre l’Europe, elle peut du moins s’en servir pour chasser les colonisateurs blancs, pour couper les courants internationaux, pour rompre l’équilibre mondiale, — pour porter à l’Europe le coup indirect qu’elle espère mortel.

En Afrique, la gangrène est beaucoup moins menaçante. Les populations méditerranéennes retrouvent le soleil latin. Les races noires, enfin éveillées, sont entraînées dans son orbite et fraternisent avec nous dans le vaste empire qui prolonge la France jusqu’au Congo. La Belgique, l’Italie, l’Espagne, le Portugal complètent sur ce sol neuf l’emprise européenne. Pour l’humanité, il y a là de magnifiques espérances. Nous n’oublions pas l’Angleterre, grande puissance africaine : mais ici aussi le "colosse aux pieds d’argile" est fortement secoué ; les troubles de l’Union Sud-Africaine répondent à ceux des Indes ; l’indépendance égyptienne, conjuguée avec la sédition palestinienne, menace le canal de Suez, artère impériale. Une  révolution noire sud-africaine ne se répercuterait-elle pas jusqu’au cœur du continent ? Et comment l’Afrique, surtout si le Nord-Est laisse passer le flot rouge, ne subirait-elle pas le contrecoup des révolutions asiatiques ? Jamais l’armée française (qui garde heureusement, comme au temps des croisades, le bastion syrien) et la flotte britannique n’ont-été plus solidaires !

La solidarité s’étend aux Amériques, peuplées d’Européens. Si les États-Unis prétendaient encore "tourner le dos" aux mères-patries, Moscou se chargerait de modifier cette attitude, d’ailleurs illusoire, car le bolchévisme progresse dans le Nouveau-Monde ; il s’efforce d’en disjoindre les races, d’y acclimater la "lutte de classe" et d’y saper une prospérité dont les gigantesques « gratte-ciel » ne s’élèvent pas sur d’assez fermes assises ; il y cherche même des renforts pour "libérer" l’Afrique…

L’Impérialisme Rouge présente au moins cet avantage de nous faire comprendre que pour les continents eux-mêmes l’époque n’est plus des "splendides isolements". Mais encore faut-il que le rapprochement des peuples enfante la paix, et non la guerre. Et c’est bien la guerre, la guerre totale, la guerre universelle que prépare l’Impérialisme Rouge.

**

Nous établirons surabondamment ces tragiques vérités.

Il nous a été difficile de donner des contours précis aux mouvants événements et de discerner le degré de véracité de maintes informations. Mais nous avons toujours noté les sources auxquelles nous puisions : le lecteur pourra donc les vérifier, ou en apprécier la portée.

En ce qui concerne la doctrine et le programme d’action du bolchévisme anticolonial, la force de notre documentation est d’ailleurs indéniable, puisqu’elle est extraite de la "littérature" soviétique.

Cette "littérature" indigeste, rebutante, barbare, est trop peu connue. Elle échappe même aux "sympathisants" communistes qui pèchent surtout, nous l’avons souvent constaté, par ignorance et par naïveté. Elle échappe  aussi sans doute aux hommes d’État, aux guides politiques et intellectuels des peuples, puisqu’ils en tiennent si peu de compte. Présentée sous une forme substantielle, et objective, car il s’agit de serrer de près les textes et les faits, mais méthodique et nous l’espérons, assez claire, complétée par les critique des assertions bolchévistes, elle dévoile l’extraordinaire puissance des plans de l’Impérialisme Rouge et l’aveugle ou coupable faiblesse des résistances qu’il rencontre.

Un inexorable dilemme s’impose aujourd’hui aux Êtas civilisés. Ou bien ils s’uniront contre l’ennemi commun ; ils l’expulseront de chez eux et des colonies qu’il infecte ; ils lui arracheront les peuples asiatiques et africains qu’il veut enchaîner au char d’Attila. Ou bien ils subiront sa dictature et livreront ainsi l’humanité aux pires régressions. » (Gustave Gautherot)

 

 


[1] Nos Grands Problèmes Coloniaux (Armand Colin, Paris, 1929)

[2] Communication au Comité National d’Études, séance de la Cour de Cassation du 4 mars 1929. M. Albert Thomas fit des déclarations analogues à l’Institut Colonial Français.

[3] Déposé à la Chambre le 12 avril 1921, ce projet n’a jamais été discuté.Il a été publié par l’éditeur Payot (1923)

[4] La revue estime qu’"un changement de régime politique en Russie ne marquerait nullement un arrêt dans la bolchévisation du monde"  parce que "la IIIe Internationale possède une organisation indépendante du Gouvernement soviétique". C’est une erreur de fait. Il est probable que la IIIe Internationale survivrait à la chute du Gouvernement soviétique, mais privée de sa gigantesque base d’opérations, elle s’agiterait comme un serpent dont on aurait tranché la tête.

 

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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 09:19

 

JEAN ROSTAND,

SA CONCEPTION DE L’UNIVERS

 

Jean Rostand (1894-1977)

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Jean Rostand, biologiste et écrivain français (1894-1977). Fils d’Edmond Rostand et de la poétesse Rosemonde Gérard.

Il a fait des études supérieures à la Faculté des sciences de Paris.

Il participe à la création de la section de biologie au Palais de la découverte en 1936 puis fonde son propre laboratoire à Ville-d’Avray et se tient à l’écart des structures universitaires qu’il trouve trop contraignantes.

Féru de sciences et de lettres, il fait preuve d’une curiosité exceptionnelle : l’homme, son origine, sa parenté avec l’animal, et surtout la vie sur terre, voire dans l’univers…

 

Il est l’auteur d’une œuvre impressionnante ; sa vie fut entièrement partagée entre la science et la littérature. Il en résulte une œuvre d’une grande variété. Cette œuvre reflète pour l’essentiel dans chacun des ouvrages qui la composent,  un souci permanent du rapport entre science et société, science et morale, science et avenir. Cette œuvre fait également une place importante à la vulgarisation qui fut aussi un de ses soucis permanents. Ses travaux scientifiques firent sa renommée par leur rigueur, constamment liée au souci de l’humain, et contribuèrent à faire connaître la génétique au grand public. Jean Rostand fut par ailleurs un défenseur acharné des valeurs humanistes, du pacifisme et du mondialisme. Il fut aussi féministe et contribua avec Simone de Beauvoir, Christiane de Rochefort … à créer le mouvement féministe « Choisir la cause des femmes ».

Il entre à l’Académie française en 1959.

 

Quelques ouvrages sont particulièrement représentatifs du souci permanent du lien entre science et avenir des humains :

-Les idées nouvelles de la génétique.

-L’Homme.

-La biologie et l’avenir humain.

-L’hérédité humaine.

-Ce que je crois.

 

En politique on ne flétrit le mensonge d'hier que pour flatter le mensonge d'aujourd'hui. (Jean Rostand)

 

 

L’extrait ci-dessous est tiré de l’ouvrage « Ce que je crois ».

 

« Voici donc "ce que je crois", — étant bien entendu qu'on ne peut jamais que croire, et que toute la différence est entre les téméraires qui croient qu'ils savent et les sages qui savent qu'ils croient. Voici ce que je crois, parce qu'on ne peut s'empêcher de croire quelque chose, même quand la raison suprême serait peut-être de suspendre le jugement. Voici ce que je crois, avec mes gènes, mes hormones, mes réflexes, mon passé, mon expérience dérisoire, mon misérable savoir. Voici ce que je crois, quand je suis seul avec moi, et non pas en présence des autres, qui trop souvent nous altèrent en nous provoquant au consentement ou à la contradiction. Voici ce qui, tout compte fait, me paraît le moins impossible, le moins invraisemblable, ce pour quoi, très honnêtement, je parierais si j'avais, sur les grandes et indécidables questions, à tenir un pari, et non pas un pari frauduleux à la Pascal, où on nous fait le coup de l'angoisse et de l'infini, mais un bon pari honnête et paisible où l'on peut garder toute sa tête.

Il se pourrait qu'après tant de précautions, le lecteur ne fût même plus tenté de poursuivre. Peu m'importe ; je ne me fusse jamais résolu à pareille confession si je n'eusse auparavant énoncé nettement ce que je pense de ce que je crois.

 

Je vois beaucoup de gens qui ont la maturité politique, j'en vois moins qui ont la maturité humaine. (Jean Rostand)

 

Disons-le tout de suite, je ne crois pas que l'homme ait à sa disposition d'autre moyen de connaître que sa raison. Moyen imparfait, sans nul doute ; et je conviens que peut-être les jugements où elle nous porte sont, par construction, entachés d'erreur : il se pourrait que rien de valable ne pût éclore d'un cerveau humain, il se pourrait qu'un dieu malicieux se complût à nous abuser par l'entremise de cette raison qu'il eût déposée en nous... Mais ces risques, nous ne saurions faire autrement que de les courir, et je doute que nous ayons quoi que ce soit à gagner à faire d'emblée intervenir l'irrationnel dans le champ de ce qui nous paraît être le connaissable.

De toute manière, je suis incapable de tenir compte d'une « révélation » prétendument faite à nos aïeux dans les temps reculés de notre histoire. Si respectables que me paraissent ce genre de traditions, et quelque rôle qu'elles aient pu jouer dans notre passé moral, je ne puis accepter d'y voir des certitudes de départ. Seules valent, à mes yeux, les croyances qui, à tout moment recréables par l'intelligence, peuvent se former de novo dans l'esprit d'un homme d'aujourd'hui, à partir de matériaux fraîchement fournis par la science ou par la libre réflexion. Ce parti pris d’actualisation philosophique devait être précisé dès l'abord, afin d'éviter toute méprise. Je n'ignore pas que, pour beaucoup, cette décision d'exclure toute une portion du passé humain qu'ils jugent essentielle, ne doive apparaître comme mutilante et génératrice d'erreur ; mais, sur ce point, je ne saurais envisager le moindre compromis. Impossible, pour moi, de croire à une Vérité qui serait derrière nous. La seule vérité à laquelle je crois en est une qui se découvre lentement, graduellement, péniblement, et qui imperceptiblement s'augmente chaque jour.

Ma conviction est que l'homme se trouve tout au début de son aventure intellectuelle, que son « âge mental » est extrêmement bas au regard de celui qu'il est appelé à prendre. Cette notion de l'immaturité, de l'infantilisme de notre espèce suffirait à me convaincre que, d'un très long temps, nous n'avons à espérer que des réponses naïves et grossières aux grandes questions qui nous préoccupent. Il n'est d'ailleurs pas sûr que l'humanité ait assez d'avenir pour épuiser toute la connaissance dont sa condition cérébrale la rendrait capable, et il est extrêmement douteux que cette condition même l'habilite à une compréhension totale de l'univers.

 

 

Je croyais qu'un savant c'était toujours un homme qui cherche une vérité, alors que c'est souvent un homme qui vise une place. (Jean Rostand)

 

Que sommes-nous ? Qu’est-ce que l’homme ? Que représente-t-il dans l’ensemble des choses ? Qu’est-ce qu’une vie humaine ? Qu’est-ce qui s’efface de l’univers quand périt un individu ?

Je n’hésiterai pas à dire que, s’agissant de ces problèmes, j’aurai traversé l’existence dans un état d’incompréhension effarée. Les indications maigres et clairsemées que la science peut nous fournir à cet égard composent un étrange tableau à la Rembrandt, où quelques flaques de lumière ne font que mieux accuser la superficie des noirceurs.

Un univers de dimensions insensées, qui peut-être n’est pas infini, mais qui, de toute façon, n’est pas à notre échelle ; des milliards de nébuleuses, en chacune desquelles fourmillent les soleils, et, autour d’eux, des cortèges de planètes plus ou moins ressemblantes à la nôtre, mais dont nous ne saurons jamais rien, puisque les rêves les plus hardis de la navigation interastrale ne franchissent point les bornes de notre système solaire. Sur la petite planète qu’est notre terre, une profusion d’êtres que, pour les opposer à ce qui les environne, on appelle vivants, sans savoir au juste en quoi consiste cette vie qui les anime, et qu’il est plus facile de reconnaître que de définir. D’entre les millions d’espèces différentes où se manifeste la vie, une — la nôtre —, qui domine sur tout le reste par la vertu de ce qu’elle nomme la pensée, une que sa supériorité détache et isole au point qu’elle serait encline à se targuer d’une origine singulière si tout ne venait lui rappeler qu’elle se relie au vaste peuple des vivants.

On ne s’étonnera pas que le principal de mes croyances s’organise autour des réflexions que me suggère l’étude de la biologie. Or, l’une des choses que je crois avec le plus de force, — l’une des rares dont je sois à peu près sur —, c’est qu’il n’existe, de nous à l’animal, qu’une différence du plus au moins, une différence de quantité et non point de qualité ; c’est que nous sommes de même étoffe, de même substance que la bête. Cette solidarité, cette continuité entre le règne animal — voire tout le monde vivant — et le canton humain, elle me semble devoir s’imposer à toute personne ayant disséqué un insecte, assisté au frémissement d’un protoplasme, vu un œuf se modeler en embryon. Comment penserais-je que quoi que ce fût d’essentiel pût appartenir en propre à l’une seule des millions d’espèces qui peuplent la terre ? Pas un être organisé, si humble soit-il, dont je ne me sente le frère, et non pas affectivement mais rationnellement. Tout ce qui est dans l’homme de plus élevé, de plus rare, de plus spécifiquement humain, tout ce pour quoi nous serions portés à le mettre à part dans la nature, — qu’il s’agisse des plus hauts témoignages de la pensée logique ou des plus pures manifestations du sentiment —, je ne parviens à y voir que l’épanouissement, que l’amplification, que la majoration de ce qui déjà se montre dans la vie pullulante et anonyme des micro-organismes, dans la sensibilité des amibes, dans les tactismes des plasmodes de Myxomycètes qui glissent vers la sciure de bois, dans la micro-mémoire des Paramécies qui apprennent à ne pas ingérer de colorants nocifs.

Oui, c’est bien là, dès ce niveau modeste de la vitalité, que, pour moi, se posent certains des plus graves problèmes, ceux de la vie, de l’organisation, de l’assimilation, de la sensibilité, de la conscience, — de l’esprit. Là donc que se situent la plupart de mes interrogations, de mes étonnements et de mes doutes. Je suis inébranlablement persuadé que, si nous savions à fond le dernier des êtres animés, nous saurions sinon le tout de l’homme, du moins beaucoup plus sur lui que n’en savent ceux qui, dès à présent, se flattent d’en savoir quelques chose.

 

Sur ce point, vraiment fondamental, de l’unité essentielle de la vie, je me trouve donc en plein désaccord avec un biologiste penseur comme Rémy Collin qui, lui, n’hésite pas de faire entre l’humain et l’animal une différence radicale, puisqu’il voit en l’homme non pas seulement l’être le plus intelligent et le plus puissant de la nature, mais encore un être d’une nature spéciale, doué d’attributs incommensurables à ceux de l’animalité, un être qui, par la possession d’une conscience réfléchie, d’une âme libre et immortelle, transcende les purs mécanismes auxquels se réduisent tous les autres vivants.

Une telle conception, je l’avoue, me surprend et me déconcerte, surtout de la part d’un homme rompu à l’étude positive des phénomènes de la vitalité. Sans mésestimer pour autant, ni tâcher à étrécir tendancieusement le fossé qui sépare le psychisme humain du psychisme animal, je ne puis oublier que ce fossé n’a été creusé que par l’extinction d’êtres intermédiaires qui, à coup sûr, vécurent jadis sur notre globe, et dont on eût été bien embarrassé pour décider s’ils possédaient ou non la conscience réfléchie et la liberté.

 

 

Il faut donc aimer quelqu'un pour le préférer à son absence. (Jean Rostand)

 

 

Je ne sais pas ce que c’est que la vie, ni la conscience ni la pensée ; j’ignore l’origine et la nature de ce qui, prenant racine dans la boue cellulaire, s’est épanoui en notre cerveau ; mais, si j’étais aussi sûr que l’est un Rémy Collin que toute la sensibilité, toute la conscience des bêtes se ramenât à de la mécanique, je ne ferais point de difficulté pour étendre cette certitude jusqu’à l’homme lui-même.

La parenté de l’homme avec les animaux ne se peut expliquer rationnellement que dans le cadre de la théorie de l’évolution, ou théorie transformiste, d’après laquelle tous les êtres vivants, y compris l’homme, dérivent d’êtres un peu moins complexes, et ceux-ci d’êtres qui l’étaient un peu moins, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on arrive à des formes extrêmement simples, rudimentaires, qui seraient les ancêtres de toute vie. »

 

 

On peut imaginer une humanité composée exclusivement de femmes, on n'en saurait imaginer une qui ne comptât que des hommes. (Jean Rostand)

 

 

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9 janvier 2022 7 09 /01 /janvier /2022 10:01

 

APRÈS L’ARMISTICE DU 11 NOVEMBRE 1918
LES TIRAILLEURS « SÉNÉGALAIS »

 

 

Que deviennent-ils ?
Comment ont-ils été recrutés ? Volontaires ou contraints ?

 

 

¤ Que deviennent-ils après l’armistice du 11 novembre ?

Un certain nombre ont regagné leur foyer en Afrique, d’autres ne bénéficient pas encore du repos que suppose la signature de l’armistice.

Ceux qui sont retournés chez eux, vont-ils rejeter la France parce que cette dernière n’a pas honoré les promesses faites pendant la guerre. Il n’en fut rien. Ils restèrent au contraire dévoués à la France comme en 1914, en Algérie comme au sud du Sahara.

Les Algériens embrigadés par le gouvernement dans le civil pour travailler soit dans les usines de guerre soit dans des entreprises privées représentent un autre regard, une autre vision de la France et des Français, une autre conscience, sans doute moins idyllique des rapports Français-Algériens. G. Meynier dans son analyse aboutit à la conclusion que la guerre a été un puissant révélateur d'identité et nous fait assister tout au long du premier conflit mondial, à la naissance de la conscience identitaire chez les Algériens. Ainsi, au tout début de la guerre, les soldats algériens recrutés et fraîchement déversés sur le front se désignaient eux-mêmes comme «indigènes». En 1916-1917, ils sont «Arabes», se reconnaissent et s'identifient comme tels. A l'extrême fin du conflit, en 1918, ils deviennent « Algériens ». Mais selon G. Meynier, ce terme d'Algérien ne s'impose vraiment que dans l'entre-deux guerres.

Malgré tout, un fait d'importance reste à considérer : c'est que ces soldats algériens lorsqu'ils rentrent chez eux se mettent à réclamer pour leurs enfants le droit d'accéder à l'école française. Détail hautement significatif. Les intellectuels de la « Jeune Algérie » proclament haut leur idéal d'assimilation. Cependant, sur le terrain même en Algérie, l'après-guerre est lourd de désenchantement, de désillusion, et ce sera aussi l'un des moments privilégiés de l'analyse des relations entre les Français d'Algérie, et les Algériens de souche. G. Meynier en présente quelques épisodes marquants. Fraîchement rentrés du front, les « tirailleurs » sont bien à ranger parmi « ceux qui ont des droits sur nous » pensent et affirment les Français d'Algérie. Mais très vite, le naturel reprenant le dessus, les expressions évoluent (sans doute les sentiments aussi)... selon les cas ; c'est dès le printemps de 1919 note Meynier, que les références à « nos frères indigènes » ou à « nos compatriotes musulmans » disparaissent. Les éloges progressivement ne s'adressent plus qu'aux « tirailleurs » puis à nos « turcos ». Vers la fin de l'année 1919, un nouvel esprit « révisionniste » fait son apparition. On commence à minimiser la « contribution algérienne à la défense de la France » et tout bascule dans la franche hostilité entre les deux communautés française et musulmane à partir du début des années vingt selon Meynier qui affirme : « A ce moment, on assiste à une campagne de presse et à une mobilisation de la bourgeoisie coloniale d'une violence qui ne sera égalée qu'en 1936 au moment du projet Violette ». On constate qu’en fait rien n’a changé.

 

 (Note : en réalité le projet Blum-Violette. Maurice Violette, ancien gouverneur général de l'Algérie, membre du gouvernement du Front Populaire en 1936 a donné son nom à ce projet qui prévoyait d'accorder le droit de vote à 22 000 algériens, mais ce projet échoua.).

 

 

Au sud du Sahara on retrouve un peu la même situation.

À leur retour les combattants africains ont été bien accueillis par leurs proches et par l’administration coloniale. Mais les promesses faites ne sont pas, là non plus, respectées. Ces anciens combattants n’ont jamais eu de pension de guerre comme les soldats français. Ils n’ont reçu qu’une prime de démobilisation peu importante. Malgré tout, cela a fait de certains, les plus riches du village et donc enviés.

À côté de cela, beaucoup sont fiers et admirés d’avoir été en France et de « baragouiner » le français.
Mais en définitive ils restèrent « indigènes ».

Ceux qui sont rentrés à partir de 1919 reviennent effectivement avec des habitudes nouvelles et un état d'esprit nouveau. Pouvait-il en être autrement ? Ces hommes sont doublement marqués, par la guerre d’abord mais aussi par le contact et l'expérience de la Métropole qu'ils ont découverte pour la première fois de leur existence. Le grand souhait de l'Administration coloniale, c'est que ces hommes, rentrés au logis originel soient rapidement « réabsorbés » par leur milieu.

Mais une analyse fine de leurs réactions à leur retour doit prendre en compte un certain nombre de facteurs parmi lesquels, en tout premier lieu, le mode et les conditions de leur recrutement dans l'armée française. Comment ils ont été « livrés » aux Blancs et sacrifiés ; car, être recruté, être déclaré apte, bon pour le service des armes signifiait dans la mentalité collective africaine, l'octroi d'un biller simple, sans retour. De ce fait, ceux qui sont partis étaient pour la plupart des marginaux, des captifs ou des gêneurs dont la société a pu ainsi se débarrasser à bon compte. Or ces hommes reviennent au village non seulement auréolés du prestige du combattant, mais aussi avec une série d'avantages matériels et de privilèges civiques. Le plus significatif est aussi qu'ils soient rentrés bardés de quelques certitudes, sommaires certes, mais révélatrices d'un choc mental, expression d'un passé, du vécu immédiat et du présent.

 

 

La prime de démobilisation offerte par la France, plus ou moins conséquente selon, les années de service mais aussi le nombre et l'importance des campagnes constitue la première marque distinctive qui sépare « l'Ancien Combattant » du reste de la population. Cette prime, même réduite à sa plus simple expression fait de l'ancien soldat un homme à part, un « possédant ». Ils font donc incontestablement figure de « privilégiés » au sein de leur communauté. Les mieux nantis à cet égard sont sans aucun doute les militaires de carrière qui rentrent après quinze années de service, bénéficiant ainsi d'une pension régulière. Le deuxième facteur à prendre en compte dans l'attitude des démobilisés vis-à-vis de leur milieu originel et de l'Administration coloniale réside dans ces avantages acquis. Leur réinsertion devait être facilitée par la création d'emplois réservés, notamment dans le chemin de fer qui se développait dans les colonies françaises au lendemain de la Première Guerre mondiale, également des postes administratifs sous-qualifiants. Mais seule une minorité d'anciens combattants purent en bénéficier effectivement car il fallait savoir lire et écrire le français. Les moins qualifiés trouvent tout de même parfois des emplois à leur mesure comme celui de « garde-cercle » vers lequel beaucoup vont se tourner, de « planton » ou gardien des édifices officiels pour lesquels il n'était guère indispensable d'être expert en français.

Dans l'ensemble, cette minorité constituera une couche sociale nouvelle, celle de petits fonctionnaires africains subalternes qui seront des agents de l’acculturation, capables de se muer à l'occasion en agents de contestation — le fait que plus de 80% de ces mobilisés soient analphabètes a singulièrement limité la portée de cette acculturation. Leur caractéristique essentielle fut d'être soustraits au régime de « l'indigénat »(1) c'est-à-dire qu'en cas de délit, ils passent devant un tribunal de statut français avec droit à la défense, contrairement au simple « tribunal » du commandant de cercle (2)

 

Organigramme de l’administration coloniale

***

Quel privilège pour l’ancien combattant que de pouvoir passer devant le tribunal français qui offrait la garantie de la défense en permettant le recours aux services d’un avocat, évitant ainsi les griffes de l’interprète et l’humiliation infligée par le commandant, car il était courant que ces jugements soient ponctués de gifles, de coups de pieds ou de bâton qui précédaient l’emprisonnement ou l’amande. Tel était le principe de l’indigénat.

 

 

Les anciens combattants furent — et c'est sans doute le plus important — dispensés de ce qu'on appelait pudiquement à l'époque les « prestations », c'est-à-dire le travail forcé auquel étaient assujettis tous les indigènes. Ils obtinrent par la suite l'extension de ce « privilège » à leur famille.

Ces démobilisés coloniaux, quoique réputés frondeurs sont restés loyaux dans l'ensemble vis-à-vis de l'Administration coloniale à laquelle ils fournissaient auxiliaires et agents bénévoles. Ainsi, les premières victimes du retour des Anciens Combattants furent non point l'Administration coloniale, mais les autorités traditionnelles et l'ordre traditionnel. Beaucoup d'anciens soldats, pour échapper à l'ancienne tutelle, tenteront de devenir chefs eux-mêmes. Quasiment tous, grâce à leur prime de démobilisation ou à leur pension et à l'aura que cela conférait, purent passer outre les conventions sociales ancestrales, s'affranchir de la pression morale des aînés, des « anciens », se marier sans tenir compte de la volonté et des intérêts du clan ou du lignage (ou tentèrent de le faire). Nombre d'entre eux, notamment les anciens captifs ne souhaitaient pas retourner dans leur village, soit qu'ils ne souhaitaient pas retrouver leur ancien statut, soit qu'ils avaient acquis de nouvelles habitudes de vie qui les poussaient à s'installer dans les villes. Ce fut surtout le cas des militaires de carrière. La morphologie et la toponymie de certaines villes d'Afrique en portent la marque. De nouveaux quartiers surgirent de terre, expression d'une nouvelle sociologie. C'est le cas de Quinzambougou dans la périphérie de la ville de Bamako au Mali (traduction du bambara : quartier des 15 ans de carrière, créé au début des années 1920-1930). Ces Anciens Combattants s'installèrent donc en ville où ils tentèrent d'occuper des emplois correspondant aux spécialités et compétences acquises dans l'armée en plus des emplois subalternes offerts par l'Administration coloniale.

Pour ceux qui ont purement intégré leur communauté d'origine, la vie fut souvent émaillée de heurts multiples et incessants avec les  anciennes  coutumes pour celui qui a connu «  le monde ».

 

 

Ceux qui restent au service de la France sont dispersés en Europe, Allemagne, Grèce… pour combattre.

  • En Allemagne, car ce pays ayant refusé de payer les  réparations  dues à la France par le traité de Versailles, la France décide d’occuper la Ruhr afin d’en exploiter ses richesses et ainsi se payer elle-même.

Les Allemands ont très mal pris ce coup de force des Français et surtout d’être occupés par une armée noire. (Voir le livre La Honte noire de Jean-Yves Le Naour).

La « Honte noire » évoquée par Hitler dans Mein Kampf, reprendra vigueur sous le régime nazi.

              En Grèce, au nom de la France, ils doivent aider les républicains à combattre la monarchie

Ces soldats noirs sont aussi utilisés en France comme force de répression des grandes grèves, ainsi à Nice en 1947.

 

 

¤ Comment ont-ils été recrutés ? Volontaires ou contraints ?

Le mode de recrutement des tirailleurs variait selon une série de critères, même si aucun soldat africain ne pouvait se rendre en Europe ou en France sans avoir suivi un rituel des plus strictes, le nombre de soldats appelé à se rendre en Europe, étant déterminé d’avance, selon la demande des autorités militaires et de l’État français. Le nombre de soldats recrutés dépendait strictement des besoins de combattants, d’où la fluctuation du nombre. Mais, ce qui demeure immuable, c’est le parcours de recrutement effectué par le futur soldat qui doit franchir un à un les différents échelons de l’administration coloniale, comme représenté sur le schéma ci-dessus, parcours inverse des ordres venus d’en haut.

La plupart des soldats africains étaient recrutés par réquisition et non par conscription, l’état civil étant alors quasiment inconnu dans les colonies françaises (et ne fit pas partie non plus du legs de la France à l’Afrique au moment de l’indépendance).

 

 

Après la Première Guerre mondiale (1914-1918), une autre guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945). Comme en 1914, la France fit appel à ses colonies et les tirailleurs fraîchement recrutés, prirent le chemin de la métropole dans la gaîté, en chantant :

« C’est nous les Africains
Nous venons des colonies
Pour sauver la Patrie.
Nous avons tout quitté,
Parents, gourbis, foyers
Et nous gardons au cœur
Une invincible ardeur
Car nous voulons porter haut et fier
Le beau drapeau de notre France entière ;
Et si quelqu’un venait à y toucher,
Nous serions là pour mourir à ses pieds.
Battez, tambours, à nos amours
Pour le pays, pour la Partie,
Mourir au loin, c’est nous les Africains. »

                                  (Hymne de la 3e division d’infanterie algérienne pendant la 2e Guerre mondiale).

 

 

 

Notes :

1-« privilège » aboli du temps de l’État Français sous Vichy.
2- Terme désignant l'administrateur français à la tête de la circonscription administrative appelée cercle. À l'échelon immédiatement inférieur, se trouvait l'administrateur chef de subdivision ou commandant de la « subdivision » également français.  Le pouvoir de l’un et de l’autre était sans bornes sur les populations.) (Voir organigramme)

 

 

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12 décembre 2021 7 12 /12 /décembre /2021 11:19

 

DÉFORESTATION
DÉJÀ À L’ÉPOQUE DE RONSARD, AU MOYEN ÂGE

 

 

Le problème de la déforestation ne date pas d’aujourd’hui, comme nous le verrons dans le poème de Ronsard ci-dessous.

De tout temps, l’homme a abattu ou brûlé des arbres : pour se faire de la place, pour se chauffer et cuire ses aliments, pour se construire des abris, des bateaux, des meubles, pour augmenter ses terres de culture, d’élevage…

Mais cette déforestation n’avait pas l’ampleur qu’elle a de nos jours, où elle est devenue mondiale et s’accélère. Et les problèmes dus à la déforestation sont multiples de nos jours : réchauffement climatique, dégradation du cycle de l’eau, érosion des sols, disparition de nombreuses espèces (faune et flore) et même de certains peuples indigènes.

 

Pourtant déjà au Moyen Âge certains s’en inquiétaient. Depuis toujours certains êtres humains se sont sentis en harmonie avec la nature et ont cherché à la défendre. Ronsard est de ceux-là et nous le dit si joliment dans son poème contre les bûcherons de la forêt de Gastine.

 

« Contre les bûcherons de la forêt de Gastine

Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras !
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ;
Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force,
Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts, et de détresses,
Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ?

 

Forêt, haute maison des oiseaux bocagers,
Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d'été ne rompra la lumière.
Plus l'amoureux pasteur, sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous percé,
Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Jeannette.
Tout deviendra muet, Écho sera sans voix,
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue ;
Tu perdras ton silence, et, haletants d'effroi,
Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi.

 

Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphyre,
Où premier j'accordai les langues de ma lyre,

Où premier j'entendis les flèches résonner
D'Apollon, qui me vint tout le cœur étonner ;
Où premier, admirant la belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jeta,
Et de son propre lait Euterpe m'allaita.
Adieu, vieille forêt, adieu, têtes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le dédain des passants altérés,
Qui, brûlés en l'été des rayons éthérés,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent tes meurtriers et leurs disent injures.

 

Adieu, chênes, couronne aux vaillants citoyens
 Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers aux humains donnâtes à repaître ;
Peuples vraiment ingrats, qui n'ont su reconnaître
les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers
de massacrer ainsi leurs pères nourriciers !
Que l'homme est malheureux qui au monde se fie §

O dieux, que véritable est la philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin périra,
Et qu'en changeant de forme une autre vêtira !
De Tempé la vallée un jour sera montagne, 
Et la cime d'Athos une large campagne ; 
Neptune quelquefois de blé sera couvert ; 
La matière demeure et la forme se perd."

                                         (Elégie, XXIV (V.19-68))                                                                         

Pierre de Ronsard (1524-1585)

****

> Un bref résumé de la vie de Ronsard.

Pierre de Ronsard est né au château de la Poissonnière en Vendômois, de vieille souche noble. Hormis 6 mois d’études à Paris, il a passé les 12 premières années de sa vie au milieu de la nature vendômoise où il a trouvé plus tard une source inépuisable de souvenirs et d’impressions.

En 1536, il est attaché comme page au dauphin François (fils de François Ier) qui meurt 3 jours après. Il sera page de Charles d’Orléans puis de Madeleine de France (enfants de François Ier).

Il suit Madeleine de France, devenue reine d’Écosse après son mariage avec Jacques Stuart, roi d’Écosse, mais elle meurt en 1537.

Il reste quelques temps en Écosse puis regagne la France en passant par l’Angleterre et la Flandre.

1540 : il séjourne quelques temps en Allemagne auprès de son cousin, le diplomate Lazare de Baïf, grand humaniste et qui lui a sans doute donné le goût des lettres antiques. Ronsard était promis à une brillante carrière diplomatique mais à son retour d’Allemagne suite à une grave maladie, il devient à demi-sourd et il doit se retirer à la Poissonnière.

Isolé à cause de sa surdité, Ronsard se consacre à la poésie.

1543 : il a reçu la tonsure, non pas pour devenir prêtre mais pour s’assurer le revenu de bénéfices ecclésiastiques.

 

Désireux d’imiter Horace et conscient de ses lacunes dans sa formation humaniste, Ronsard se met pendant cinq ans à l’étude des lettres antiques au collège de Coqueret avec Du Bellay et Jean Antoine de Baïf sous la direction de Dorat. Ils forment la Brigade, plus tard la Pléiade (Ronsard, du Bellay, de Baïf, Jodelle, Belleau, Dorat, Peletier, Pontus de Tyard). Leur ambition : renouveler et perfectionner la langue française.

 

1558, Ronsard devient conseiller et aumônier ordinaire du roi Henri II. 1560, à partir de l’avènement de Charles IX, il est largement pensionné.
1574, à la mort de Charles IX, il tombe en demi-disgrâce, le nouveau roi, Henri III ayant ramené de Pologne son poète favori, Desportes. Ronsard se retire dans ses prieurés à partir de 1575

 

Quelques-unes de ses œuvres  :

1550 :les Odes
1552 : Amours de Cassandre
1553 : Folastreries
1554 : Bocage
1555 : Continuation des Amours
1556 : Nouvelle Continuation des Amours
En 1560 il publie une édition collective de ses œuvres, classant ses poésies en quatre volumes : Amours, Odes, Poèmes, Hymnes.
1578 : Sonnet sur la mort de Marie, Sonnet pour Hélène.

 

Il travaillait sans relâche à rééditer ses œuvres complètes mais il était tourmenté et souvent alité par la goutte ; ses derniers sonnets, poignants, évoquent ses douleurs physiques, ses insomnies, ses préoccupations de l’au-delà.

1585 : il meurt à Saint-Cosme.

 

La Poissonnière, manoir de Ronsard

 

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7 novembre 2021 7 07 /11 /novembre /2021 09:31

 

 

AVANT L’ARMISTICE DU 11 NOVEMBRE 1918
LA FRANCE

 

 

Pour la première fois dans l’Histoire, une Guerre mondiale !

 

 

Une Guerre  mondiale et une guerre totale : c’est une guerre qui occupe le quotidien, qui concerne toute la population, mobilise tout dans le pays et tout le monde : hommes, femmes, les bras et les esprits, les cerveaux, les économies…

 

Infirmières françaises au Front, 1914-1918

 

Les femmes dans la guerre, un dévouement et une ardeur sans précédent

Appel aux femmes

 

AUX FEMMES FRANÇAISES,

La Guerre a été déchaînée par l'Allemagne, malgré les efforts de la France, de la Russie et de l'Angleterre pour maintenir la paix.
         A l'appel de la Patrie, vos pères, vos fils et vos maris se sont~ levés et demain ils auront relevé le défi.
         
Le départ pour l'armée de tous ceux qui peuvent porter les armes laisse les travaux des champs interrompus ; la moisson est inachevée ; le temps des vendanges est proche.
         
Au nom du Gouvernement de la République, au nom de la Nation tout entière groupée derrière lui, je fais appel à votre vaillance, à celle, des enfants que leur âge seul et non leur courage dérobe, au combat.
         
Je vous demande de maintenir l'activité des campagnes, de terminer les récoltes de l'année, de préparer celles de l'année prochaine.
      
Vous ne pouvez pas rendre à la Patrie un plus grand service. Ce n'est pas pour vous, c'est pour elle que je m'adresse à votre cœur.
       
Il faut sauvegarder votre subsistance, l'approvisionnement des populations urbaines et surtout l'approvisionnement de ceux qui défendent à la frontière, avec l'indépendance du pays, la civilisation et le droit.
       
Debout donc, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la Patrie. Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur les champs de bataille, préparez-vous à leur montrer demain la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés !
        Il n'y a pas dans ces heures graves de labeur infime. Tout est grand qui sert le pays. Debout, à l'action, au labeur ! Il y aura demain de la gloire pour tout le monde.

Vive la République ! Vive la France !

 

 

Les femmes répondent massivement à l’appel de la nation

Mobilisation des femmes

 

Pour répondre à l’appel du gouvernement français les femmes sortent et occupent tous les postes de travail jusque-là dévolus principalement aux hommes partis au Front. Elles sont partout : dans les bureaux, dans les champs, dans les usines, particulièrement les usines de guerre, au Front aussi…   (Voir article du blog du 06 janvier 2018, La longue marche des femmes françaises pour l’égalité hommes-femmes (3)).

Tirailleurs montant au front, 1918.

 

L’appel de la France à ses colonies d’Afrique

À l’appel du gouvernement de la France, la première réaction des colonisés français d’Afrique, fut une énorme surprise, car ils avaient toujours cru que la France était invincible, quelque soit l’ennemi.

Le moment de surprise passé, ils se mirent vite en route, après les formalités et les derniers conseils prodigués par les émissaires français.

Ils entrèrent dans la guerre avec enthousiasme et dévouement. Le loyalisme et l’exemplarité de ces combattants africains, de même que la rapidité de leur adaptation en France, puis leur intégration facile dans l’armée, étonnèrent plus d’un en France

Le dévouement exemplaire de ces soldats venus de loin, qui ne fut jamais démenti durant toute la guerre, s’explique sans doute par les belles promesses que les responsables français leur avaient faites.

L’émissaire spécial de Georges Clémenceau leur a maintes  fois promis de la part de ce dernier : « Engagez-vous dans l’armée et vous aurez la citoyenneté française. » ou encore « la fin de l’indigénat (1) après la guerre ».

[Note (1) : Indigénat : ensemble de règlements très répressifs destinés aux seuls indigènes. Au nom de ces règlements l’indigène n’a aucun droit ; il ne peut être jugé selon les lois françaises. Dans le jugement le concernant, on ne tient aucun compte de l’individu, des lois, encore moins de la séparation des pouvoirs. C’est l’arbitraire le plus absolu aux mains du colon, qui permet de traiter l’indigène comme un esclave.]

 

Tirailleurs sénégalais

Les crises  de 1917

En France, l’année 1917 est une  année charnière, un tournant important de la Première Guerre mondiale.

La lassitude des soldats se fait sentir. L’impatience gagne les troupes et le pays tout entier, au Front et à l’arrière (les civils). Partout la même question : quand va-t-on en finir ?

Au Front, les soldats impatients grondent et grognent. Certains s’en prennent à leurs chefs qui « les entrainent à la  boucherie ». Ils n’en peuvent plus. C’est la révolte dans les rangs.

 

Du 152e régiment d'infanterie, 25 mai 1917:

Ça ne va plus, nous devions attaquer ce soir, mais les déserteurs sont trop nombreux et on ne sait s'ils se dirigent chez nous ou chez les Boches qu'ils pourraient renseigner sur les opérations que nous devons faire [...]. Au 152e, une compagnie s'est débinée et d'autres régiments qui sont avec nous ont mis les voiles. Comme ça, la guerre finira, car ce n'est pas rigolo d'aller faire une attaque sur le plateau de Craonne. Ce n'est plus une guerre, c'est un massacre complet. Je te dirai qu'en ce moment, tous les combattants en ont marre de l'existence, il y en a beaucoup qui désertent.  (Cité par G. Pedroncini, Les mutineries de l'armée française, Gallimard, 1968.)

Le mécontentement des soldats

La lassitude se lit sur les visages

 

Dans la tourmente de 1917, le président du Conseil, Georges Clemenceau, rend visite aux soldats dans les tranchées pour les soutenir.

Pendant cette même année 1917, se développe l’expression significative : « le bourrage de crâne » : des propagandes mensongères parues dans certains journaux destinées à masquer les réalités de l’armée française au Front.

 

«L'inefficacité des projectiles ennemis est l'objet de tous les commentaires. Les shrapnells éclatent mollement et tombent en pluie inoffensive. Quant aux balles allemandes, elles ne sont pas dangereuses : elles traversent les chairs de part en part sans faire aucune déchirure. » (L’Intransigeant, août 1914)

Exemple de bourrage de crâne

Causes et manifestations des crises de 1917

« La cause fondamentale des troubles est la lassitude d’un interminable conflit. Elle atteint les soldats durement éprouvés par la guerre des tranchées. Elle touche à l’arrière des populations atteintes par les effets du blocus ou de la guerre sous-marine. Il faut rationner les produits alimentaires, de même que le charbon réservé aux industries de guerre. L’impasse militaire et la détérioration de la situation sociale font douter de l’utilité de poursuivre le conflit… » Tous les belligérants connaissent en 1917 des moments d’indiscipline militaire.

Ces secousses de l’armée atteignent également les troupes des colonies engagées dans le conflit.

Les secousses de cette année 1917 ont des répercussions dans maints domaines, y compris dans le gouvernement général de l’AOF, peu de temps après l’arrivée à la tête de l’importante « Afrique Occidentale Française » du jeune et brillant Van Vollenhoven.

Depuis sa nomination comme gouverneur général de l’AOF, van Vollenhoven n’a cessé d’adresser des rapports au gouvernement français sur « l’état de misère » des autochtones, le mettant en garde contre la méthode brutale des recruteurs envoyés en Afrique, précisément en 1917. N’ayant pas été écouté, il démissionne de son poste et demande son retour dans l’armée ce qu’on lui accorde. Mortellement blessé, il meurt, à 40 ans ! (Voir article du blog du 31 octobre 2021, JOOST VAN VOLLENHOVEN, UN COLONIAL BRILLANT ET HUMANISTE).

Soldats de l’armée française (Le Petit Journal, 1919)

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17 octobre 2021 7 17 /10 /octobre /2021 09:38

LE MAL
QU’EST-CE QUE LE MAL ? (2)

 

Le philosophe français, Jean-Jacques Rousseau
et
le philosophe allemand Emmanuel Kant
livrent leur avis sur le sujet

J-J Rousseau (1712-1778)

Jean-Jacques Rousseau (né en 1712 et mort en 1778) est une des personnalités de premier plan parmi les « philosophes des Lumières ».µIl a toujours âprement défendu sa vision du mal, de tout temps, sans dévier, jusqu’à sa mort. Pour lui, l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt. (Voir article du blog du 20-12- 2014).

Son œuvre est une démonstration de cette thèse dans l’éducation des enfants. (voir article du blog du 07-06-2020).

Le texte suivant peut être considéré comme un condensé de sa vision globale de l’homme et de la société : à l’origine l’homme est bon mais son « amour de soi » s’efface devant « l’amour propre » qui est une passion sociale. L’homme devient méchant quand il se compare aux autres.

« Le principe fondamental de toute morale [...] est que l'homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l'ordre ; qu'il n'y a point de perversité originelle dans le cœur humain, et que les premiers mouvements de la nature sont toujours droits. J'ai fait voir que l'unique passion qui naisse avec l'homme, savoir l'amour-propre, est une passion indifférente en elle-même au bien et au mal ; qu'elle ne devient bonne ou mauvaise que par accident et selon les circonstances dans lesquelles elle se développe. J'ai montré que tous les vices qu'on impute au cœur humain ne lui sont point naturels ; j'ai dit la manière dont ils naissent ; j'en ai, pour ainsi dire, suivi la généalogie, et j'ai fait voir comment, par l'altération successive de leur bonté originelle, les hommes deviennent enfin ce qu'ils sont.

 

« Vivre, ce n’est pas respirer, c’est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes. » (J.J. Rousseau)

 

J'ai encore expliqué ce que j'entendais par cette bonté originelle qui ne semble pas se déduire de l'indifférence au bien et au mal, naturelle à l'amour de soi. L'homme n'est pas un être simple ; il est composé de deux substances. [...] Cela prouvé, l'amour de soi n'est plus une passion simple ; mais elle a deux principes, à savoir l'être intelligent et l'être sensitif, dont le bien-être n'est pas le même. L'appétit des sens tend à celui du corps, et l'amour de l'ordre à celui de l'âme. [...] Dans cet état, l'homme ne connaît que lui ; il ne voit son bien-être opposé ni conforme à celui de personne ; il ne hait ni n'aime rien ; borné au seul instinct physique, il est nul, il est bête ; c'est ce que j'ai fait voir dans mon Discours sur l'inégalité

Quand, par un développement dont j'ai montré le progrès, les hommes commencent à jeter les yeux sur leurs semblables, ils commencent aussi à voir leurs rapports et les rapports des choses, à prendre des idées de convenance, de justice et d'ordre ; le beau moral commence à leur devenir sensible et la conscience agit. Alors ils ont des vertus, et s'ils ont aussi des vices, c'est parce que leurs intérêts se croisent et que leur ambition s'éveille, à mesure que leurs lumières s'étendent. Mais tant qu'il y a moins d'opposition d'intérêts que de concours de lumières, les hommes sont essentiellement bons. Voilà le second état.

 

«  Il n’y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat.. » (J.J. Rousseau)

 

Quand enfin tous les intérêts particuliers agités s'entrechoquent, quand l'amour de soi mis en fermentation devient amour-propre, que l'opinion, rendant l'univers entier nécessaire à chaque homme, les rend tous ennemis-nés les uns des autres et fait que nul ne trouve son bien que dans le mal d'autrui, alors la conscience, plus faible que les passions exaltées, est étouffée par elles, et ne reste plus dans la bouche des hommes qu'un mot fait pour se tromper mutuellement. Chacun feint alors de vouloir sacrifier ses intérêts à ceux du public, et tous mentent. [...]

Voilà, Monseigneur, [...] comment l'homme étant bon, les hommes deviennent méchants. » (Jean-Jacques Rousseau, Lettre à Christophe de Beaumont, Œuvres complètes, Gallimard. Voir revue Philosophie magazine, hors série)

 

« Toute méchanceté vient de la faiblesse. L’enfant est méchant parce qu’il est faible ; rendez-le fort, il sera bon » (J.J. Rousseau)

 

 

Emmanuel Kant (1724-1804)

 

Kant, en essayant de conformer sa vie à ses écrits philosophiques, a exercé une profonde et durable influence sur l’idéalisme allemand, la philosophie analytique, la philosophie moderne et la pensée critique en général.
Il est l’auteur d’une œuvre considérable, variée, mais centrée autour de trois types de  critique :
—la critique de la raison pure
—la critique de la raison pratique
—la critique de la faculté de juger.

(Voir articles du blog du 26-03-2017).

Dans l’extrait ci-dessous Kant expose l’idée de mal radical, un mal qui se trouve à la racine de notre conduite. Nous sommes mauvais quand nous faisons passer nos intérêts égoïstes avant la loi morale universelle. Cette perversion nous semble naturelle, tant elle est implantée profondément en nous.

 

« La proposition : L’homme est mauvais, ne peut vouloir dire autre chose d'après ce qui précède que : Il a conscience de la loi morale et il a cependant admis dans sa maxime de s'en écarter (à l'occasion). Il est mauvais par nature signifie que ceci s'applique à lui considéré en son espèce ; ce n'est pas qu'une qualité de ce genre puisse être déduite de son concept spécifique (celui d'un homme en général) (car alors elle serait nécessaire), mais, dans la mesure où on le connaît par expérience, l'homme ne peut être jugé autrement. [...] Or, du moment que ce penchant doit lui-même être nécessairement considéré comme mauvais moralement et non par conséquent comme une disposition naturelle, mais comme une chose qui peut être imputée à l'homme ; qu'il doit par conséquent nécessairement consister en maximes de libre arbitre contraires à la loi, et qu'il faut considérer celles-ci, à cause de la liberté, comme en soi contingentes, ce qui, à son tour, ne saurait s'accorder avec l'universalité de ce mal si ce suprême fondement subjectif de toutes les maximes n'était pas d'une manière quelconque lié à l'humanité et s'il n'y était pas en quelque sorte enraciné, nous pouvons appeler ce penchant, un penchant naturel au mal ; et comme il faut qu'il soit toujours coupable par sa propre faute, un mal radical inné dans la nature humaine (que nous avons néanmoins contracté nous-mêmes).

[...]

 

« On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter » (Kant)

 

L'homme (même le meilleur) ne devient mauvais que s'il renverse l'ordre moral des motifs lorsqu'il les accueille dans ses maximes ; à dire vrai, il accueille dans celles-ci la loi morale ainsi que la loi de l'amour de soi ; toutefois, s'apercevant que l'une ne peut subsister à côté de l'autre, mais doit être subordonnée à l'autre, comme à sa condition supérieure, il fait des mobiles de l'amour de soi et de ses inclinations la condition de l'obéissance à la loi morale, alors que c'est bien plutôt cette dernière qui devrait être accueillie comme condition suprême de la satisfaction des autres dans la maxime générale du libre arbitre, en qualité de motif unique.

[...]

 

« La musique est la langue des émotions » (Kant)

 

S'il y a un semblable penchant dans la nature humaine, c'est qu'il existe dans l'homme un penchant naturel au mal ; et ce penchant lui-même qui doit finalement être cherché dans le libre arbitre et qui est en conséquence imputable, est moralement mauvais. Ce mal est radical parce qu'il corrompt le fondement de toutes les maximes, de plus, en tant que penchant naturel, il ne peut être extirpé par les forces humaines ; car ceci ne pourrait avoir lieu qu'au moyen de bonnes maximes, ce qui ne peut se produire quand le fondement subjectif suprême de toutes les maximes est présumé corrompu ; néanmoins, il faut pouvoir le dominer puisqu'il se rencontre dans l'homme, comme être agissant librement.

 

« La possession du pouvoir corrompt inévitablement la raison » (Kant)

 

Par suite, la malignité de la nature humaine ne doit pas, à vrai dire, s'appeler méchanceté si l'on prend ce mot au sens rigoureux ; c'est-à-dire comme intention (principe subjectif des maximes) d'admettre le mal, en tant que mal, comme motif dans sa maxime (car c'est là une intention diabolique), mais plutôt perversion du cœur, et ce cœur, suivant la conséquence, se nomme alors aussi mauvais cœur. » (Kant, La Religion dans les limites de la simple raison,. Voir revue Philosophie magazine, hors série)

 

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